Depuis que la mode est devenue un terrain de jeu et d’images pour milliardaires au tournant du XXIe siècle, les contrats de direction artistique se succèdent selon un impitoyable mercato qui n’a rien à envier à celui du football. Si bien qu’on a l’habitude des changements de DA tous les trois ans environ. Alors quand un talent reste plus de dix ans à la tête d’une maison, cela se fête. Surtout quand il s’agit de la plus lucrative du groupe LVMH : Louis Vuitton, dont les collections féminines sont assurées par Nicolas Ghesquière depuis fin 2013. Pile dix ans après son premier défilé chez LV le 5 mars 2014, il défile donc le 5 mars 2024 avec une collection d’anthologie.
Au fait, qui est Nicolas Ghesquière, qui fête ses 10 ans à la DA femme de Louis Vuitton ?
Le malletier français fondé en 1854 devenu une locomotive du luxe ne connaît pas la crise, et c’est en partie grâce au travail de ce designer français qui a travaillé chez agnès b., puis Jean Paul Gaultier et Mugler, avant de diriger artistiquement Balenciaga de 1995 à 2012 avec brio. Après un départ mouvementé de cette propriété du groupe Kering, Nicolas Ghesquière a donc fait une entrée fracassante du côté du joyau de LVMH l’année suivante. Depuis, ce fan de science-fiction, de jeux vidéo et du télescopage d’époques enchainent chez Louis Vuitton les collections façon cadavre exquis de registres de style et de siècles, avec un sens de l’expérimentation maximaliste parfois risqué.
En dix ans, Nicolas Ghesquière a donc largement eu le temps d’imposer ses propres codes chez le malletier. Si bien qu’il nous propose de les revisiter à travers cette collection Louis Vuitton automne-hiver 2024-2025 sous forme de best-of.
Le défilé Louis Vuitton automne-hiver 2024-2025 regorge d’autoréférences
Comme une page blanche, les premiers looks (1, 2 et 3) ressemblent à des parkas immaculées portées en robe, avec des moufles aux poils longs comme des franges. Arrivent ensuite des robes de sirène (4, 5, 10, 11), hautement fendues entre les cuisses et brodées de gros sequins miroitants, accessoirisées de moufles en fourrure oversize. Des malles LV s’impriment aussi sur des robes courtes à la coupe baby-doll (8, 15) pour rappeler l’histoire de la maison. Et puis le DA Nicolas Ghesquière enfonce les autoréférences avec plusieurs looks pantalons, volontiers portés avec des blousons d’aviateurs (16, 17, 18, 19). Suivent des ensembles tailleurs-jupes dans une matière futuriste, proche du néoprène (20, 21, 22) avant que n’y succèdent des robes plus souples, tout en drapé de laine (23, 24).
Comme la fin d’un premier acte avant le début du suivant, des looks entièrement lamés reposent presque l’œil (26, 27, 28, 29, 30), avant que les autoréférences ne reviennent en force. On ne peut que voir un clin d’œil au look d’ouverture de sa collection printemps-été 2018 à travers le passage 31 de ce défilé automne-hiver 2024-2025 : un habit à la française tout en brocard brodé, porté sur un short de boxe en cuir. Ces prouesses de broderies se déclinent ensuite pour prendre des inflexions de vestes de toreros (32, 33, 34, 35). Les looks 38 et 39 aux jupes volantées ultra-volumineuses et argentées reprennent avec plus de légèreté et de longueur celles qu’il avait proposées pour l’automne-hiver 2020-2021. Après quelques fourrures (40, 41, 42), les looks s’assagissent à nouveau (de 43 à 52), devenant monochrome dans les tons neutres (noir, marsala, beige, blanc, marron), pour mieux introduire un adorable accessoire : un bonnet à oreilles de lapin ou de chat.
Surgissent pour le final quelques dernières folies : un sublime manteau beige d’officier (53), une nuisette lamée recouverte de broderies pistache et rose (54) et surtout des mini-robes tout en découpes façon avalanche de plumes textile portées par-dessus des fonds de robe en maille contrastante qui dépassent généreusement. Dans une version noire, avec une veste cache-cœur en cuir grainé doté d’un col châle (63), c’est évidemment la top Rianne Van Rompaey, muse de Nicolas Ghesquière depuis plusieurs années qui clôture cet impérial défilé Louis Vuitton automne-hiver 2024-2025. Car c’est évidemment elle aussi qui avait fermé le tout premier show du DA fraîchement arrivé chez le malletier, 10 ans auparavant, jour pour jour. La boucle est bouclée avec une fidélité rare dans la mode.
L’interminable liste des célébrités parmi les 4000 invité·e·s des 10 ans de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton
Présentée dans la Cour carrée du Louvre dans le cadre du dernier jour de la Paris Fashion Week (soit le 5 mars 2024), c’est une scénographie façon superproduction (et qu’on doit à l’artiste plasticien Philippe Parreno, avec le chef décorateur de cinéma James Chinlund) qui accueille les près de 4000 invité·e·s. Dont un impressionnant parterre de célébrités. Outre Felix Lee, du groupe de K-pop Stray Kids, qui faisait carrément ses premiers pas de mannequins sur le podiums, ou encore Jung Hoyeon, actrice star de Squid Game, et ambassadrice de la maison, on pouvait donc voir au premier rang : Brigitte Macron, Emma Stone, Lisa des BlackPink.
Mais aussi Cate Blanchett, Ana de Armas, Jennifer Connelly, Léa Seydoux, Saoirse Ronan, Gemma Chan, Sophie Turner, Chloë Grace Moretz, Millie Bobby Brown, Jaden Smith, Stacy Martin, Zaho de Sagazan, Lous and the Yakuza, Phoebe Dynevor, Marina Foïs.
Ou encore Cynthia Erivo, Hwang Hyein, Ava DuVernay, Sandra Hüller, Catherine Deneuve, Sarah Paulson, Eve Jobs (oui, la fille du cofondateur d’Apple, le défunt Steve Jobs), Agathe Rousselle, Alice Diop, Woodkid, ou encore Kelly Rowland.
Si cette liste vous paraît beaucoup trop longue, c’est sûrement parce que la maison cherche à impressionner, puisque ce genre d’événement sert aussi de démonstration de force économique et d’influence sociale. Et clairement, Louis Vuitton ne compte pas céder sa place de numéro 1 de l’industrie du luxe.
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