Ce matin je t’écrivais ma critique de Chromatica, le sixième album tant attendu de Lady Gaga et te faisais part de mon enthousiasme.
Depuis la sortie de Stupid Love, le premier morceau de l’album dévoilé par Lady Gaga en février dernier, je suis aux anges : avec Chromatica, Lady Gaga a retrouvé l’excentricité de ses débuts avec des morceaux pop électro aux airs de Born This Way, et une identité visuelle (costumes, clips…) complètement déjantée, futuriste et haute en couleurs !
Mais il semblerait que ce retour à l’« originalité » ne soit pas vu d’un bon œil par tout le monde.
L’article salé de ELLE sur Lady Gaga
Voici un article sur Gaga paru dans le dernier numéro du ELLE France.
Qu’est-il arrivé à Lady Gaga ? On l’avait laissée sur un look d’une sobriété exemplaire, en noir et blanc, lors de son show humanitaire en soutien aux soignants auquel une pléiade de stars ont répondu présent.
Lady Gaga revient avec un nouvel album très dance, « Chromatica », avec la collaboration d’Ariana Grande. Et elle nous en fait voir de toutes les couleurs.
Pourquoi cette pochette rétro futuriste qui pique les yeux entre Kiss, « RuPaul’s Drag Race » et « Mad Max » ? Pourquoi ce clip, « Stupid Love », filmé à l’iPhone, qui met en présence deux tribus, les méchants (en noir) assoiffés de sang et les gentils (en rose) vivant de spiritualité et de câlins ? Et pourquoi, mon Dieu, cette tenue en latex rose ?
Deux hypothèses : soit la star américaine sacrifie volontairement à l’esthétique « cringe », c’est-à-dire « malsaine », qui a envahi Internet comme en réaction aux images trop lisses d’Instagram.
Soit elles revient à ses premières amours, les maquillages extravagants et les happenings vestimentaires – robe en viande, costume de nonne ou d’oursin, arrivée dans un œuf, etc. Dans ce dernier cas le processus interroge.
Car Lady Gaga, nommée aux Oscars pour son rôle tout en émotion dans A Star Is Born est désormais une grande dame respectable et n’a plus besoin de se teindre les cheveux en rose pour se faire remarquer.
Mais peut-être que la star, qui a vécu une rupture avant la conception de l’album préfère-t-elle rester fidèle à ses débuts lorsqu’il lui fallait compenser visuellement son physique quelconque – un handicap dans le milieu de la pop.
C’est ce que Florence Müller, historienne de la mode, appelle « le phénomène de la femme laide » : « Une femme consciente de son visage ingrat et qui le fait oublier par un look très excentrique et un maquillage utilisé comme un masque ».
Un sentiment d’insécurité qui nous la rendrait, malgré les outrances de « Chromatica » à nouveau très humaine — et peut-être même touchante ?
Euh wow… Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il est bien salé, cet avis !
Alors un article négatif sur un nouvel album, pourquoi pas. La musique de Lady Gaga n’est pas au goût de tous et toutes, et je le conçois.
Mais cette critique parle bien peu de musique : elle se focalise sur l’apparence de la chanteuse.
Lady Gaga est excentrique et alors ?
Cette critique, en plus d’être insultante, n’est absolument pas pertinente à mes yeux !
L’idée que la journaliste essaye de véhiculer semble être la suivante :
- Lady Gaga était chelou à ses débuts pour se faire remarquer (et « compenser visuellement son physique quelconque »).
- Elle s’est assagie en devenant plus sobre, plus « normale », au moment où elle était au sommet de la gloire avec A Star Is Born.
- Puis elle est redevenue chelou pour se refaire remarquer, refaire oublier « son physique quelconque » (je m’en remets pas) et relancer une carrière en manque de vitesse.
L’article se base sur le fait que l’extravagance de Lady Gaga est un outil marketing, pas une démonstration de qui elle est vraiment.
C’est donc partir du principe que la « vraie Lady Gaga » est normale, que son look extravagant est un déguisement superficiel.
Or Lady Gaga est Stefani Germanotta et Stefani Germanotta est Lady Gaga !
Étant un être humain en plus d’une artiste, la chanteuse a le droit d’être complexe et plurielle, d’être une femme toute en nuances avec A Star Is Born et complètement excentrique sur son projet suivant.
Car c’est… qui elle est ! Enfin, peut-être que son excentricité est un personnage, peut-être pas, mais le point important c’est qu’on sent bat les ovaires et qu’on ne peut pas le savoir.
Selon moi, Lady Gaga n’est pas « normale », car il n’y a pas de version « normale » d’elle à proprement parler.
Lady Gaga est une incroyable artiste qui se réinvente systématiquement en touchant à tout mais en gardant toujours cette excentricité qui lui est propre. Et c’est d’ailleurs ce que ses fans apprécient chez elle.
Comme elle le disait a ses débuts :
Au final, quand les gens penseront savoir ce qu’est Lady Gaga, je veux leur rappeler qu’ils ne savent rien.
https://twitter.com/joe815/status/860925016657072128
Il n’y pas besoin d’être « normale » pour avoir du talent !
En tant que fan absolue qui suit Gaga depuis ses tout débuts, j’aurai plutôt tendance à dire qu’au final la véritable excentricité pour elle c’est plutôt de se conformer à ce qui est considéré comme « normal ».
Une critique qui n’est pas dans l’air du temps
ELLE n’est pas une publication très jeune ni très moderne, surtout dans sa version papier (d’où cet article est tiré).
Comme une grande partie de la presse féminine, le magazine se pose en décideur des tendances, en arbitre de l’apparence, et impose sa notion du bon et du mauvais goût. Je l’admets, ce n’est pas très étonnant qu’un feuillet regrettant le latex rose porté par Gaga paraisse chez ELLE.
Mais je trouve que là encore, l’article relaye une vision très fermée et old-school du sujet…
La journaliste cite Kiss, RuPaul’s Drag Race et Mad Max comme pour appuyer sa critique des extravagances vestimentaires entourant Chromatica. Et ce sont selon moi… de super références !
RuPaul’s Drag Race est au top de la mode et Mad Max est une référence de la pop culture qui déchire.
En réalité, ce qu’une journaliste comme celle qui a écrit l’article et un magazine comme ELLE trouvent complètement « cringe » et « malsain », ne l’est pas forcément pour tout le monde.
Et ce n’est pas parce qu’ils considèrent la sobriété comme « exemplaire » que c’est le cas de tout le monde.
Je ne suis pas sûre que les plus jeunes générations qui grandissent entourées d’artistes au style complètement extravagants et déjantés comme Nicki Minaj, Billie Eilish ou encore Doja Cat soient choquées par une combinaison en latex ou par un clip tourné avec le dernier iPhone à la qualité renversante !
Et ces jeunes générations ne sont probablement pas le lectorat du ELLE papier.
En soi, il est normal de s’adapter à son public : ne pas aimer le style de Gaga c’est une chose, mais ce lynchage médiatique est quand même bien violent… et ne se limite pas à une « question de goût ».
Un article sur Lady Gaga qui relaye des injonctions dépassées
Car l’article va bien plus loin qu’une critique vestimentaire.
Il attaque le style et le physique de Gaga mais remet aussi en cause sa respectabilité.
Partir du principe qu’« une grande dame respectable n’a plus besoin de se teindre les cheveux en rose pour se faire remarquer », ça m’agace.
Relayer l’idée que les grandes dames responsables ne se teignent pas les cheveux en rose ou que si elles le font elles ne sont plus respectables m’énerve au plus haut point.
Car les grandes dames font bien ce qui leur chantent, en fait.
J’en ai assez que des magazines féminins sous-entendent qu’on ne peut pas être quelqu’un de respectable si on ne rentre pas dans les clous.
Que ça ne plaise pas visuellement, qu’on ne trouve pas ça joli ou élégant, soit. Mais j’abhorre cette démarche de relayer des injonctions sur ce que doit être ou non une femme pour mériter le respect d’autrui !
Une critique sur le physique et non pas sur la musique
En plus de ces différents, je suis surtout particulièrement déçue qu’en 2020 l’article qui soit écrit à l’occasion du nouvel album de Lady Gaga parle exclusivement de son physique et pas un seul instant de sa musique.
Lady Gaga est plutôt indissociable de son style, je suis bien d’accord, mais qu’en est-il de son travail d’artiste ? On s’en fout ?
Non seulement l’article ne le prend pas encore compte mais il néglige également tout le travail esthétique de Lady Gaga en le ramenant à quelque chose de « malsain » et en l’attaquant directement sur son physique d’une façon extrêmement dégradante et méprisante.
« Physique quelconque », « handicap », « le phénomène de la femme laide », « une femme consciente de son visage ingrat »
J’ai très sincèrement du mal à comprendre l’idée de la journaliste d’évoquer dans ce contexte ledit « phénomène de la femme laide ».
Je ne comprends pas non plus pourquoi elle attribue « un sentiment d’insécurité » à Gaga. La chanteuse n’a jamais exprimé qu’elle se cachait derrière des costumes pour compenser son physique quelconque et de ce fait se donner un sentiment de sécurité.
Pourquoi écrire sur cet article de ELLE ?
Je suis énervée par cet article certes parce qu’il touche mon artiste préférée mais aussi parce qu’il rentre en contradiction avec mes valeurs de jeune femme et de rédactrice.
Mais alors pourquoi en faire en parler et un article sur madmoiZelle, n’est-ce pas ?
Tout simplement parce que cet article a été photographié et partagé sur Twitter sur lequel il créé le buzz depuis quelques heures.
https://twitter.com/xXxArachnexXx/status/1266295439810113536
Je me doute que 90% des mads n’auraient sûrement jamais lu cet article dans le ELLE papier en temps normal mais qu’il y a des chances pour qu’elles l’aient par conséquent vu passer sur Twitter.
Et peut-être ont elles, elles-aussi, envie d’en parler.
Partager un article qu’on ne valide pas sur Twitter
L’article a été relayé par un fan outré par les propos de la journaliste, et je le comprends. Je partage son ressenti.
Mais la démarche de poster l’article sur Twitter m’interroge.
D’un côté, je me dis que c’est une bonne chose car ça dénonce, sensibilise et surtout ouvre le débat sur un sujet qui serait peut-être passé à la trappe s’il n’avait pas eu de visibilité sur les réseaux sociaux.
D’un autre, je me dis que ce partage donne aussi de la visibilité à un propos que ni le Twittos à l’origine du post, ni ceux qui commentent, ni moi ne validons.
Peut-être qu’en lisant ça tu te dis que ce n’était pas la peine d’en faire un article sur madmoiZelle, et tu as tout à fait le droit de le penser ! Si tu veux, on en parle dans les commentaires ?
La bienveillance dans les articles et sur les réseaux sociaux
Je pense qu’il est important de rappeler que même si le monde avance, il y a encore du chemin à faire sur la bienveillance avec laquelle on traite autrui.
Ce n’est pas parce que Lady Gaga est une superstar et qu’elle ne lira sûrement jamais de sa vie ce qu’un magazine français écrit sur elle qu’elle ne mérite pas le respect.
Mais cette bienveillance va dans les deux sens, car la personne qui a partagé l’article sur Twitter a également exposé le nom ainsi que les comptes pros et persos de la journaliste qui l’a écrit.
Encore une fois je ne valide absolument pas ce qu’elle a écrit et suis même assez révoltée par ses propos.
Mais je ne valide pas non plus la démarche de l’exposer sur les réseaux sociaux et d’appeler à lui envoyer des messages pour lui demander des explications sur son « ramassis de médiocrité ».
Car recevoir un grand nombre de messages négatifs sans les avoir sollicités, est-ce que ce n’est pas aussi ça, le cyber-harcèlement ? En tout cas, pour moi, personne ne mérite ça.
Que faire face à un article jugé problématique ?
Je termine donc cet article en m’interrogeant :
Que faut-il faire quand on tombe sur un article qui nous choque, nous blesse ou nous met en colère ?
Faut-il le partager, en parler, ouvrir la discussion ?
Ou doit-on considérer que partager l’article c’est lui donner de la visibilité grâce au buzz qu’il engagera en ouvrant le débat ?
Tu en penses quoi toi ? Le débat est ouvert et j’aimerais beaucoup lire ton avis sur la question !
À lire aussi : Comment arrêter de s’énerver sur Internet
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Les Commentaires
J'ai juste pensé : "OK Boomers".
Allez, next. Pas de temps à perdre, ce sont des insultes gratuites.