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Comment l’activiste Queen Esther normalise les poils de torse sur Instagram

Puisqu’être une femme noire et assumer sa pilosité est un combat, Esther Calixte-Bea est devenue une activiste. Interview avec @queen_esie, qui normalise les poils sur le torse et tout le corps sur Instagram.

Si le froid et les gros pulls arrivent parfois à nous le faire oublier, l’été est là pour le rappeler : en 2020, une femme est toujours jugée si elle décide de laisser ses poils pousser en paix.

En disséquant les mouvements body positive et féministe qui travaillent chaque jour à normaliser les poils sur les corps féminins, on se rend aussi compte de la hiérarchisation entre les zones poilues vues comme « normales » (aisselles, mollets et tibias, pubis) et celles qu’on montre encore rarement comme le menton, les tétons, la poitrine ou les cuisses.

Esther Calixte-Bea est @queen_esie sur Instagram, et après des années de souffrance psychologique et physique, elle a décidé d’apprendre à s’aimer avec sa pilosité.

Avec des photos artistiques d’elle et ses poils, notamment sur la poitrine, les aisselles et les cuisses, elle est devenue activiste féministe et body positive, juste en choisissant de s’aimer telle qu’elle est.

Queen Esther, activiste de la pilosité féminine sur Instagram

Esther a 23 ans, elle vit à Montréal et elle est artiste dans l’âme. Photographie, mannequinat, couture, peinture… elle s’exprime par l’esthétique, le visuel et la créativité.

Comme beaucoup de jeunes filles, elle a compris très vite que ses poils posaient problème aux normes sexistes de la société, dès lors qu’ils ont été visibles au-delà de son intimité.

La décision d’apprendre à s’aimer, elle l’a prise au pied du mur alors qu’il fallait faire un choix entre les attentes intenables des normes de beauté et sa propre intégrité physique et psychologique.

Il y a un peu plus d’un an elle lançait son projet Lavande sur Instagram, et aujourd’hui elle a plus de 21 000 abonnés sur son compte.

Un nouveau standard de beauté sur Instagram, mis en avant par Queen Esther

Chaque semaine, Esther reçoit des messages de femmes de tous les âges et de tous les horizons qui lui disent merci de rendre visible une donnée physique qu’elles pensaient être les seules à avoir.

Avec ses photos, elle espère contrer les images dominantes de femmes blanches et sans poils à la télé et dans les magazines ; habituer tout le monde à voir des corps comme le sien : celui d’une femme noire, belle, créative, féminine et sûre d’elle avec ses poils.

« Ça commençait à affecter ma santé mentale, donc j’étais obligée de prendre une décision pour me sauver moi-même »

Océane : Quand est-ce que ton rapport à tes poils a commencé à être conflictuel ?

Esther : Quand j’ai remarqué mes poils très jeune, je n’ai pas trouvé que c’était un gros problème, j’étais juste poilue de manière générale.

Mais quand des amis ont vu mes poils sur ma poitrine et qu’ils ont eu une grosse réaction de surprise, c’est là que j’ai commencé à me dire que peut-être ce n’était pas normal, que d’autres gens n’avaient pas autant de poils que moi, que peut-être c’était bizarre…

J’avais à peu près 11 ans quand ça a commencé à être un problème, je m’en souviens parce que je devais graduer du primaire et j’avais enlevé mes poils sur ma poitrine pour porter une robe et un décolleté.

En grandissant je suis devenue vraiment vraiment poilue et la société me disait que je devais toujours les enlever, donc j’ai commencé à me haïr.

Chaque fois que je m’épilais, ils poussaient encore plus, ça m’énervait parce que je me disais : si c’est normal de les enlever, pourquoi est-ce qu’ils repoussent aussi vite ? Pourquoi est-ce que j’en ai encore plus qu’avant ?

Je me détestais, je devais toujours me cacher, j’avais toujours des boutons, des poils incarnés, donc c’était comme si mon corps se battait contre moi.

Je faisais de l’électrolyse qui me faisait extrêmement mal et brûlait ma peau. Même la cire était extrêmement douloureuse, parfois tellement que j’en pleurais !

Ma tante et ma mère me disaient parfois « Il faut souffrir pour être belle

», j’étais tellement énervée par cette phrase que j’en ai fait une peinture.

C’était admis que je devais souffrir pour rentrer dans cette boîte de ce qui est féminin dans la société d’aujourd’hui. C’était trop parce que je ne pouvais pas m’échapper de ma pilosité.

Je me trouvais laide et je me sentais comme si personne n’allait être capable de m’aimer.

J’ai caché mes poils au stade où je ne pouvais pas porter certains vêtements que j’aimais beaucoup parce qu’on allait les voir. Dans tout ce que je faisais, ça m’arrêtait tout le temps.

Quelles sont les différentes étapes que tu a franchies pour arriver à accepter et aimer ta pilosité ?

Il y a un moment où j’ai dû décider de m’accepter. Je me suis dit qu’à force d’enlever mes poils, j’en avais encore plus qu’avant, donc qu’il était temps d’arrêter de les toucher.

En faisant ça j’ai pu me regarder chaque jour comme je suis. Quand je prenais ma douche je me voyais comme je suis, quand je mettais un short je me voyais comme je suis. Donc j’ai commencé à vraiment m’accepter, à être ok avec le fait que j’ai des poils.

J’ai commencé à m’encourager et à me dire que je suis belle, c’est aussi une chose que ma mère m’a appris à faire. Chaque jour, elle m’encourageait, elle me complimentait, pour que je sois capable de montrer mes poils.

Au bout d’un moment, quand j’allais chez l’esthéticienne pour les enlever, c’était comme si je n’étais plus moi, comme si je perdais une partie de moi, parce que j’avais appris à voir mes poils comme une partie de mon identité.

Je n’étais plus prête à les enlever.

Savoir que c’était totalement normal d’avoir des poils, que tout le monde a des poils, que c’est la société qui nous a fait croire que ce n’est pas normal que les femmes aient des poils, ça m’a aussi aidée.

La prière m’a aussi beaucoup apporté, je prie beaucoup.

Quel a été l’élément déclencheur qui t’a donné envie de créer le projet Lavande ?

L’art a toujours été un moyen pour moi de m’exprimer sans avoir à parler, donc je me suis demandé : qu’est-ce que je peux faire en tant qu’artiste ?

Comment je peux aborder ce sujet avec mes amis, aussi, qui pour beaucoup ne savent pas que j’ai des poils, sans avoir à aller leur montrer à tous individuellement ?

Dans mon cœur j’ai toujours aimé coudre, c’est un peu dans mon sang par mes grands-parents et ma mère. Je me suis donc fait un petit challenge : coudre une robe pour montrer mes poils sur ma poitrine.

De ça est né le projet, je suis allée dans un parc à côté de chez moi et j’ai posé parce que je faisais déjà un peu de mannequinat de temps en temps.

Ça me faisait peur au début puis je l’ai fait et c’était comme si un gros fardeau était tombé et que je pouvais enfin être capable d’être moi-même.

Cette libération est arrivée parce que c’était devenu trop, ça commençait à affecter ma santé mentale, donc j’étais obligée de prendre une décision pour me sauver moi-même.

En t’exposant, est-ce que tu craignais plus le regard des inconnus sur Instagram ou celui de tes proches ?

Poster des photos sur les réseaux ça fait peur, mais c’est comme si je me séparais un peu du jugement. Les gens peuvent me critiquer mais je peux les bloquer, les enlever de mon compte, c’est plus facile à gérer pour moi.

Dans ma famille ma mère savait, ma tante savait, la plupart de ma famille le savait, mais si je suis honnête c’est quand j’ai commencé à faire mon projet et à avoir de l’attention que ma famille a commencé à être vraiment ok avec mes poils.

Ils ont dit ok, les gens approuvent, donc nous aussi on peut approuver. Moi, c’est comme ça que je le voyais.

Pour moi, la phase la plus difficile c’était de sortir comme ça, parce que tu ne peux pas filtrer les opinions des gens, tu ne peux pas les empêcher de s’exprimer, de prendre des photos, de te dévisager, d’arrêter de parler et te regarder quand tu passes devant eux…

Une photo c’est facile, mais il y a aussi le monde réel. Je ne veux pas avoir peur d’être moi-même dans le monde réel, donc pour moi c’était ça qui était le plus difficile.

Selon toi, est-ce qu’être une femme noire qui assume ses poils, ou une femme blanche qui fait de même, ça a la même portée ?

Je me suis déjà fait la réflexion qu’historiquement parlant, sur une personne de couleur, les poils sont vus comme beaucoup plus sales et dégueulasses. Ils sont comparés à l’animalité, au côté « sauvage », etc.

Je me dis aussi qu’en tant que femme noire, on se bat déjà pour être vue, considérée comme humaine, donc il y a tellement d’autres combats, que peut-être que pour beaucoup de femmes noires, batailler pour normaliser ses poils c’est la dernière chose sur la liste.

C’est vraiment difficile de parler de ce sujet.

Est-ce qu’encore aujourd’hui, parfois, tu as des petites insécurités, des jours où tu n’as pas envie d’affronter le regard des autres ?

Pas autant qu’avant, mais quand ça m’arrive je me rappelle pourquoi je fais ça, je me rappelle de l’ancienne Esther et que je ne veux plus être cette femme. J’ai changé, je suis une nouvelle personne et je veux continuer à avancer.

L’autre raison, c’est que je fais ça pour aider les autres, aider les autres femmes à s’accepter et à s’aimer aussi. C’est sûr que des fois ça ne me tente pas de porter des shorts, ça arrive, mais quand il fait chaud, il fait chaud, donc je porte des shorts !

Je me dis que j’ai le droit de porter ce que je veux, des shorts, des décolletés…

Tu sais au début de mon projet, je ne me suis pas dit que j’étais activiste féministe, je me suis juste dit que j’étais moi-même, c’est tout.

Un jour quelqu’un m’a dit que j’étais activiste et j’ai réalisé que oui, c’est vrai, je pouvais accepter ce titre. Mais pour moi c’est juste que je suis moi-même et que je vis ma vie comme je suis !

À lire aussi : Découvre @lesensdupoil, des vrais poils féminins mis en lumière

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Les Commentaires

7
Avatar de Cleminou
4 février 2021 à 18h02
Cleminou
Très bonne initiative, on voit de plus en plus de femmes garder leurs poils aux aisselles et au jambes, c’est moins courant pour les autres parties du corps.
Elle a de la chance d’avoir eu le soutien des femmes de sa famille. Quand j’étais ado, je n’ai pas voulu m’épiler les mollets jusqu’à 16 ans, mais ma mère se moquait de moi. J’ai fini par céder, si même ma mère n’était pas capable de bienveillance, alors que pouvais-je espérer des autres?
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