Le 11 mai, comme tu le sais sans doute, les coiffeurs et coiffeuses reprendront le chemin du boulot pour retrouver une routine qui risque d’être bien différente de celle qu’ils connaissaient avant le confinement.
J’ai demandé à Julie, coiffeuse de 24 ans, de me parler des mesures qui seraient prises dans le salon de coiffure où elle travaille, de ses impressions à leur sujet et de son ressenti vis-à-vis de la reprise du travail.
Des mesures strictes qui risquent d’être difficiles à respecter
Comme je t’en avais parlé dans un article récemment, les normes d’hygiène seront bien plus strictes après le 11 mai qu’actuellement.
Port de masque et de visière obligatoire, nombre limité de clients et clientes en simultané dans le salon, désinfection des sièges et du matériel entre chaque personne, vitres de plexiglas entre les sièges et à la caisse…
Or, lors d’une réunion à distance avec ses collègues, le patron du salon de coiffure de Julie leur a bien fait comprendre que beaucoup de ces mesures ne pourraient pas être respectées :
« On travaille dans un salon qui fait entre 30 et 40 mètres carrés et on est 8 employés, mais le patron veut faire comme d’habitude. »
Pas d’organisation sous forme d’équipes pour réduire le nombre d’employés dans le salon, pas de circuit à sens unique (préconisé par le gouvernement) car trop compliqué à mettre en place dans une pièce carrée.
Et alors que certains salons refusent d’ores et déjà les prestations longues (colorations, permanentes) afin d’éviter aux clients et clientes d’y rester trop longtemps, celui dans lequel Julie travaille ne compte pas prendre de mesures particulières à ce niveau-là.
Selon elle, en temps normal et sans limiter le nombre de clients ni d’employés dans le salon, celui-ci accueille parfois près de 20 personnes en même temps.
On est donc bien loin des 10 mètres carrés par client préconisés par la médecine du travail, ce qui inquiète un peu Julie :
« Je suis contente de retrouver une vie active mais j’appréhende la manière dont ça va se passer. »
Ce qui l’inquiète d’autant plus, c’est que son salon de coiffure se trouve dans la galerie marchande d’un supermarché. Il est donc très difficile à aérer et l’usage des climatisations est interdit en période de pandémie.
L’usage du sèche-cheveux est lui aussi très déconseillé car l’air chaud est potentiellement vecteur du virus (il « remet en suspension des bio-aérosols » selon une fiche de recommandation envoyée aux coiffeurs par la médecine du travail de Haute-Savoie).
Déconfinement : un emploi du temps modifié pour les coiffeurs et coiffeuses
En plus des conditions matérielles qui risquent d’être compliquées, Julie m’a expliqué que leur emploi du temps allait être également altéré.
Les plages horaires de rendez-vous ont été rallongées afin de tenir compte du temps de désinfection entre les clients, et l’ouverture du salon s’étend désormais du lundi au dimanche, avec des aménagements pour ne pas surcharger l’emploi du temps des salariés.
« Je sais qu’on est tous dans le même bateau donc avoir des horaires modifiés ne me dérange pas spécialement.
Ce qui me dérange, c’est de me dire que j’ai passé deux mois confinée pour être à nouveau confinée au boulot. »
Ce déconfinement pour les coiffeurs et coiffeuses, c’est aussi beaucoup d’incertitudes concernant les pauses. Julie et ses collègues ont normalement droit à 30min pour manger le midi.
La pause a habituellement lieu dans le petit labo de 4 mètres carrés dans lequel se trouvent notamment les machines à laver et le matériel pour les colorations.
D’après elle, il est fréquent que 4 ou 5 personnes déjeunent en même temps dans cet espace restreint, ce qui semble inconcevable en temps de pandémie. Mais comment trouver une solution ?
« C’est pareil pour les toilettes, je ne sais pas comment on va faire…»
Le salon ne possédant pas de WC, elle doit habituellement se rendre dans celles des employés du supermarché, ce qui risque d’être compromis étant donné les nouvelles normes d’hygiène.
En bref, une grande partie des conditions de retour au travail est encore floue pour elle et ses collègues, ce qui ne fait qu’ajouter du stress à celui déjà généré par les mesures sanitaires qu’ils devront prendre.
Déconfinement des coiffeurs et coiffeuses : une modification des rapports humains
Bien sûr, la dernière raison pour laquelle Julie appréhende le déconfinement, c’est la réaction et le comportement des clients :
« On a un salon très convivial habituellement, là ça risque d’être sinistre, glauque… En plus on aura le stress de bien tout désinfecter sans perdre trop de temps…
J’ai peur que les clients soient agressifs, qu’ils ne comprennent pas qu’on soit aussi strictes.
Par exemple ils auront l’interdiction de toucher leur portable dès qu’ils rentrent dans le salon. On a aussi décidé de ne plus accepter les enfants pour l’instant, certains avaient du mal à comprendre.
Certains prennent à la légère ce déconfinement, mais on travaille dans un endroit où on peut vraiment véhiculer le virus, c’est pas aéré, on est nombreux… »
Selon elle, il est encore trop tôt pour reprendre le travail, et les décisions prises par ses supérieurs ne sont pas les bonnes :
« C’est peut-être facile pour moi de dire ça, mais je pense à la santé avant tout et à la place de mon patron je n’aurais pas fait reprendre le travail si tôt.
J’aurais fait deux équipes, je prendrais des mesures plus drastiques… Mais bon encore une fois je ne suis pas à sa place, j’imagine que ce sont des décisions difficiles à prendre. »
En espérant que cette réouverture de certains secteurs n’engendrera pas une nouvelle vague de contamination. Je souhaite en tout cas beaucoup de courage à Julie que je remercie encore chaleureusement pour son témoignage.
Si tu es toi-même coiffeuse, je t’invite à ton tour à partager ton ressenti au sujet du déconfinement dans les commentaires !
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