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Les tenues de l'équipe de France pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 // Source : Le Coq Sportif
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Paris 2024 : Stéphane Ashpool nous raconte les tenues des Jeux Olympiques et Paralympiques, dessinées avec Le Coq Sportif

Le 16 janvier 2024, le créateur Stéphane Ashpool et Le Coq Sportif révélaient enfin les tenues officielles des 840 athlètes de la France pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Au total, près de 150 000 pièces ont été imaginées pour la soixantaine de disciplines sportives, mais aussi pour le grand public.

Habiller les équipes de France pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, c’est le travail titanesque réalisé par Stéphane Ashpool avec Le Coq Sportif. Après deux ans de travail, le designer et l’équipementier révèlent enfin le résultat de leur travail le 16 janvier 2024 à la presse, au grand public, mais surtout aux athlètes. Pour habiller ces quelques 840 athlètes, plus de 150 000 pièces ont été réalisées afin d’habiller leurs exploits lors des épreuves officielles, mais aussi leurs entraînements, ainsi que leurs tenues de représentation pour les cérémonies de remises de médaille et autres conférences de presse.

C’est aussi une consécration pour Stéphane Ashpool. Fils d’un sculpteur et d’une danseuse, ce fan de basket a d’abord contribué à produire à partir de 2002 des défilés pour d’autre avant de lancer son propre concept store multimarque, Pigalle Paris en 2008, devenant rapidement une marque à part entière. Cette dernière lui a même permis d’emporter le Grand Prix du prestigieux concours de mode de l’ANDAM en 2015. Lui qui a toujours hybrider codes couture, streetwear et sportswear dans ses créations, sa nomination officialisée en mars 2023 comme directeur artistique des collections Olympiques et Paralympiques de la France pour Paris 2024 a claqué comme évidence.

Madmoizelle l’a donc rencontré pour parler de ce défi(lé) colossal, à la croisée de la mode et du sport.

Interview de Stéphane Ashpool, directeur artistique des tenues pour les JO de Paris 2024 avec Le Coq Sportif
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Interview de Stéphane Ashpool, directeur artistique des tenues pour les JO de Paris 2024 avec Le Coq Sportif

Madmoizelle. Comment gères-tu le stress allant avec une telle responsabilité ?

Stéphane Ashpool. J’ai apprécié, en tant que joueur de basket, d’avoir des responsabilités. Depuis, quand il y a des sujets qui peuvent paraître un peu vertigineux, ce sens des responsabilités m’aide à me sentir plus posé. Je suis assez discipliné dans le travail, donc je suis concentré, je prends beaucoup de notes, je suis très bien aidé. C’est d’abord et avant tout du travail d’équipe. C’est le meilleur moyen de gérer.

Justement, comment est né ce projet de faire équipe avec Le Coq Sportif pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ?

C’est le Coq Sportif qui est venu faire appel à moi avec les équipes de Paris 2024. Le but étant de parvenir à créer une entité, un esprit uni, entre tous les sports, les dotations pour le village olympique, les podiums, les entraînements, les performances en compétition. avec tous les sports. Ça fait une quantité innombrable de produits à faire, et il fallait créer un lien entre tout ça, un sentiment d’unité.

Le moment où ils sont venus me voir, j’étais très occupé, c’était la fashion week et je présentais quelque chose 48h après, donc j’ai pris l’information sans avoir le temps d’y réfléchir. Une fois ma grosse échéance passée, j’ai pris le temps de digérer cette proposition olympique, et tout est ensuite allé très vite, j’ai tout de suite commencé à travailler. C’est ce qui m’a préservé de l’inquiétude et du vertige.

As-tu cherché à rencontrer le plus d’athlètes possibles avant de commencer à dessiner des vêtements pour Paris 2024 ?

J’ai d’abord pris le soin de rencontrer et me familiariser avec les équipes du Coq Sportif, puis j’ai rencontré une vingtaine d’athlètes, oui. J’aurais pu en rencontrer plus, mais je n’en ressentais pas le besoin, car j’avais aussi besoin de laisser courir mon imagination, sans trop me focaliser discipline sportive par discipline sportive. Ma volonté première, c’était de créer un esprit de corps, comme une couleur principale. On est quand même dans des dotations très officielles, donc il y a des codes et un rythme à respecter. Donc j’ai rencontré ces vingt athlètes, puis j’ai travaillé en atelier pour créer librement.

Cet esprit de corps transparaît notamment à travers un dégradé des couleurs du drapeau français. En quoi cela peut-il représenter l’unité nationale ?

Oui, on me connait aussi pour mon amour de la fusion des teintes et la radiance depuis quelques années, comme sur le terrain de basket de Pigalle [depuis 2007, Stéphane Ashpool contribue à orchestrer avec la mairie du 9e arrondissement de Paris la mise en couleurs d’un terrain de basketball devenu culte]. Pour Paris 2024, je ne voulais pas utiliser le drapeau français tel quel. Fusionner les couleurs, c’est aussi rappeler le métissage, le mélange culturel. Je souhaite évoquer une diversité des sports, des corps, des cultures. Ce qui peut sembler convenu dans la mode l’est beaucoup moins dans un milieu aussi officiel et institutionnel.

IMAGES JO FRANCE ASHPOOL5

À lire aussi : « Penser la diversité sans inclusion ne mène à rien » : Barbara Blanchard secoue la mode française

Cela montre bien combien le sport est aussi un sujet hautement politique. Même manier le drapeau français, tant accaparé par l’extrême-droite, peut s’avérer compliqué. Comment as-tu jonglé avec ça ?

Je fais les choses de façon organique et assez spontanée. Je ne suis pas en train de me dire : « Je veux porter ce message. » Ce n’est pas ma personnalité. Longtemps, j’ai été très timide, donc c’était plus l’action qui parlait pour moi que des messages auxquels je pensais. Je crée spontanément et c’est aux gens de se faire leur propre intérprétation.

En quoi consiste ton processus créatif ?

J’ai plusieurs méthodes. Comme il s’agit de travail d’équipe, je dois souvent composer un moodboard afin d’expliquer aux autres mes inspirations, ce vers quoi je veux tendre, des images pour illustrer mes idées. En parallèle, je fais beaucoup d’essais, de croquis, de teintures, de broderies, de plumasserie, et plein de choses de ce genre, de façon assez libre et spontanée. Qu’importe le support, je mets tout l’attirail des gens autour de moi pour tenter. C’est un peu comme si je mettais tous les meilleurs ingrédients possibles sur ma table de cuisine pour en travailler les matières, et m’attaquer à l’assemblage.

Broderie, plumasserie… Il s’agit de savoir-faire très couture, rarement présent dans le sportswear…

Je n’ai pas cherché à faire venir exprès des savoir-faire couture dans le sport, ça s’est fait naturellement. J’ai besoin de faire des choses avec des finitions manuelles, pas forcément faites par moi, mais par les bonnes personnes, les bons artisans.

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Dans l’imaginaire collectif, on a tendance à opposer sportswear et couture, comme si la performance sportive était inconciliable avec une recherche esthétique poussée. Que penses-tu de cette dichotomie ?

Oui, c’était relativement visible dans ce projet aussi, cette tendance qu’on a à opposer esthétique et technicité. Ajoutez à cela la dimension institutionnelle des JO, et on peut avoir l’impression de chercher à concilier des mondes très différents. Ce n’est pas facile, car ce sont des mondes qui ne se fréquentent pas tous les jours, mais la mode et le sport peuvent très bien aller ensemble, ce n’est pas nouveau.

Quels terrains t’a permis de défricher cette expérience d’habiller la France pour les JO de Paris 2024 ?

Ce projet représente aussi l’occasion de produire à proximité. Le Coq Sportif travaille essentiellement dans le bassin troyen. Leur usine la plus lointaine est au Maroc. L’un de leurs fournisseurs de matières les plus techniques est en Espagne. On parle d’un cercle vraiment proche, presque local. C’est donc dans l’ensemble un projet qui est plus de l’artisanat industriel que de l’industriel tel qu’on l’entend habituellement à l’autre bout du monde. Cela m’a beaucoup stimulé de savoir que tout serait made in France ou made in à proximité. Je ne sais pas si je suis chauvin, mais j’aime beaucoup savoir que ça vient d’ici, notre pays, qu’on a les capacités de produire de belles choses, même si c’est un challenge, même des pièces très techniques.

Quelles sont les disciplines qui ont représenté le plus grand défi technique à habiller ?

Tous les sports ont leurs spécificités. Si je prends le skate, c’est une histoire d’allure. Ils veulent être cool quand ils portent leurs vêtements parce que ça va les aider à être cool, à rider. Et quand ils vont faire leurs mouvements, ça va aussi les aider. L’allure est très importante pour eux. Versus le judo : tu ne peux pas faire grand-chose sur un kimono. Alors on a au moins relevé le challenge de le produire en France. Le cyclisme, c’est encore un autre défi, de réussir une tenue extra légère, qui passe en soufflerie. Tout devient technique dès que tu t’intéresses aux détails susceptibles de faire la différence.

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En quoi habiller la France pour les JO de Paris 2024 t’a aussi permis de donner à voir ta vision du pays ?

J’aime la France dans son éclectisme. J’adore faire des variations et fusions des mondes dans lequel j’évolue, de la rue aux sports, à la mode, à d’autres éléments. Je me suis pleinement retrouvé dans ce projet car il parle de diversité de produits, de sports, de corps, etc. Il s’agit des Jeux Olympiques et Paralympiques, et c’est important de le rappeler. C’est aussi un enjeu d’inclusion que de traiter les Jeux Olympiques et Paralympiques avec le même sérieux, autant d’investissement, de créativité.

Quelle est ta plus grande leçon personnelle et professionnelle tirée de cette expérience ? 

La discipline. La discipline de sportif. La discipline qu’il faut avoir pour réussir ça. Je dois beaucoup à ma mère pour ça, elle qui a toujours été très disciplinée parce qu’elle a été danseuse à l’Opéra de Sarajevo, dans les pays de l’Est. Et donc j’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui travaillent dur, qui sont disciplinés. Et ce projet en regorge.

À lire aussi : Chloé Lopes Gomes, danseuse classique en lutte contre le racisme dans l’univers des ballets

C’est un événement sportif, politique, et même mode ultra-médiatisé, dont des clichés risquent de rester pour la postérité. Comment abordes-tu ce potentiel historique ?

À mesure que j’avançais dans ce projet à titre personnel, j’avais la sensation de léguer quelque chose au patrimoine, indirectement. C’est dur à décrire, impalpable, mais c’est là, comme un courant électrique. Maintenant, que ça plaise ou non, c’est fait, et ça va rester, potentiellement marquer l’histoire de la mode et du sport. On ne sait pas encore à quel degré, mais on le sent déjà vibrer. Maintenant, je veux juste que les athlètes se sentent bien, surtout pas déguisé·e·s, juste valorisé·e·s.


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