Publié le 16 juin 2020
Être blanche, métissée, avoir une famille maternelle noire, une famille paternelle blanche, une famille qui vit loin de moi, et grandir en France avec tout cela dissimulé dans mes entrailles…
Ça a donné un cocktail assez explosif.
Cela fait déjà plusieurs années que je tâtonne dans ma quête d’identité, que je cherche ma place de femme blanche et métisse dans le monde mais aussi dans la lutte anti-raciste.
Et avec les actualités riches en émotions de ces dernières semaines… Tout ça remue très fort.
Ma famille métisse et moi
Pour t’expliquer un peu mieux qui je suis et quelle place a mon métissage dans ma vie, je vais reprendre depuis le début et te partager quelques photos de famille.
Je m’appelle Océane, j’ai 26 ans, je suis d’origines française et camerounaise, et c’est moi le bébé sur la photo !
Mon métissage, il me vient d’abord de France.
Par ma mère qui est née à Nancy d’une mère alsacienne, qui a vécu à ce jour la moitié de sa vie en France, qui a fait ses études à Lyon et qui vit aujourd’hui en région parisienne.
Française aussi par mon père né à Paris et dont tous les lieux de résidence français sont trop nombreux pour être énumérés dans cet article.
Je suis aussi camerounaise, par mes deux parents, également.
Par ma mère qui a vécu la moitié de sa vie au Cameroun et dont le père est camerounais pure souche.
Par mon père qui a vécu 30 ans en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire où il a été au lycée puis au Cameroun où il a longtemps travaillé.
Le Cameroun et l’Afrique m’ont donc bercée via mes deux parents, par ma mère noire et mon père blanc.
Je suis donc moi, Océane, blanche de peau, cheveux lisses et châtain clair, métissée ou plus précisément quarteronne (c’est-à-dire camerounaise à 25%).
Ma sœur a été conçue par les deux mêmes parents que moi, mais elle est née plus foncée de peau, avec les cheveux bouclés ou frisés (selon les âges).
Les joies de la génétique !
Après ma naissance en 1994 dans la banlieue parisienne, j’ai vécu 5 ans au Cameroun (de quelques mois à 5 ans).
J’y suis ensuite retournée ponctuellement, notamment pour des fêtes de famille, ou seule pour y travailler quand j’avais 17 ans. La dernière fois que j’y suis allée, c’était l’année dernière au moment de la mort de mon grand-père.
Une grande partie de ma famille vit là-bas : les frères et sœurs de ma mère, mes cousins et cousines, des amis…
Au Cameroun, je suis donc une jeune femme blanche au milieu d’une famille noire.
Cela fait très longtemps que le sujet de mon métissage traîne dans mes cartons et que je veux l’aborder dans un article pour madmoiZelle, que j’essaye d’écrire dessus, sans jamais trouver l’angle qui correspond exactement à ce que j’ai envie d’exprimer.
Il y a quelques semaines, en regardant une story de l’incroyable A.I.M, afroféministe et écologiste de poigne (en plus d’être une personne admirable), je me suis rendu compte que ça y est, j’étais prête à aborder la question de mon métissage, de ma quête d’identité et de ma place dans la lutte anti-raciste dans un article.
https://www.youtube.com/watch?v=UyzvERvzLDc
J’en ai écrit une première version, de cet article, bien avant la mort de George Floyd et les récentes manifestations organisées par le comité Vérité pour Adama Traoré.
Afin de laisser le temps aux personnes concernées de s’exprimer, de laisser s’écouler le flot de colère, de tristesse, d’agitation sur les réseaux, j’ai décidé de me taire et de décaler la publication de ce témoignage à plus tard.
J’étais mal à l’aise de prendre la parole en tant que femme blanche à cet instant clé.
Aujourd’hui, après plusieurs jours de réflexion et de stupeur face aux actualités, j’ai finalement décidé de vous partager mes ressentis.
Comment je vis le fait d’être une femme blanche et pourtant métisse ? Comment j’ai construit mon identité ? Comment j’appréhende ma place dans ce monde ? Comment j’appréhende ma place dans la lutte anti-raciste ?
Être blanche et métisse en France
Qu’on se le dise : dans ce monde, j’ai bien conscience de mes privilèges, et ce depuis longtemps. Je suis une femme, certes, mais je suis blanche, je rentre dans les standards de beauté et je fais partie de la classe moyenne.
Même si les huissiers ont failli plus d’une fois toquer à ma porte, j’ai un toit, je mange à ma faim et j’ai toujours eu de quoi vivre confortablement.
Pendant une bonne partie de ma vie, je n’ai pas eu à me demander quelle était ma place de personne métisse dans ce monde, puisque la société ne me renvoyait pas dans la gueule ma couleur de peau, jour après jour.
Je suis blanche, je passe donc inaperçue dans mon quotidien français depuis ma petite enfance, je ne suis pas victime de racisme et 80% de mon entourage n’a même pas idée que mes racines sont colorées.
Quand j’étais au collège, puis au lycée, puis jusqu’à il y a peu, j’ai souvent été l’amusement de la soirée quand mes potes et moi rencontrions de nouvelles personnes :
« Alors, à ton avis de quelle origine elle est ?! Tu devineras JAMAIS ! »
En effet, personne ne devinait jamais, et quand des gens prenaient conscience de mon métissage, j’étais tout à coup mise dans la case de l’Africaine blanche, la noire-blanche.
Une case étrange qui semble venir avec un bon lot de privilèges basés sur le racisme ambiant…
Je suis exotique, mais pas trop. J’ai le nez épaté, mais je suis blanche. « Tout va bien » : je reste haut placée sur l’échelle de valeur de cette société.
Être blanche et métisse au Cameroun
Quand il s’agit par contre d’aller de l’autre côté, au Cameroun, ou dans mes réunions de familles en France, entourée de mes tontons et tatas maternelles : je suis la blanche.
Être blanche dans ma famille noire, au pays, me vaut d’être mise dans une autre case que j’aurais beaucoup de mal à décrire avec des mots.
Je n’ai pas été victime de racisme, parce que je tiens à le rappeler, le racisme systémique anti-blancs n’existe pas.
Comme le sexisme et d’autres discriminations sociales, le racisme est systémique dans notre société.
Le racisme, c’est l’idéologie qui prône une hiérarchisation des « races » basées sur une norme blanche : les blancs en haut de l’échelle, les noirs tout en bas.
Le mot systémique est important, puisqu’il indique que cette discrimination basée sur la couleur de peau et les origines ethniques est inscrite dans l’organisation sociale et est le fruit d’un processus historique.
Son existence ne dépend pas de croyances et actions de quelques personnes isolées, mais bien d’une organisation sociale globale.
Du racisme comme des autres discriminations sociales systémiques naissent les privilèges : le privilège d’être blanc (en opposition au racisme systémique), le privilège d’être un homme (en opposition au sexisme systémique)…
Personne n’a jamais été malveillant avec moi, ne m’a fait de remarques désobligeantes. Je ne me suis jamais sentie véritablement mise à l’écart.
Mais il est évident que quand des personnes noires prennent en compte ma personne avec le prisme de ma blancheur de peau, ça génère des préjugés et réactions dans lesquelles je ne me retrouve pas.
Quand je suis au pays, on me regarde différemment, et c’est normal : aux yeux des personnes extérieures à ma famille, je suis la blanche, la touriste, la riche qui vient passer quelques jours dans l’exotisme africain.
Au sein de ma famille je suis la précieuse, plus précieuse que ma sœur au teint un peu plus foncé, en tout cas c’est comme ça que je le ressens. Précieuse, et fragile, peut-être.
On me sent moins capable : moins capable de m’adapter au quotidien de ce pays qui est pourtant le mien, moins capable de me débrouiller, moins capable de manger comme tout le monde.
On pense que je suis étrangère au mode de vie et aux coutumes de cette contrée dans laquelle j’ai pourtant largement baigné. On me met à distance.
Déménager au Cameroun pour retrouver mes racines
Pourtant, depuis petite et jusqu’à mon dernier voyage au pays il y a un an, j’ai toujours ressenti cette évidence chaque fois que j’y mets les pieds.
Cette évidence qui me dit que je suis chez moi, que je suis à ma place, que j’ai des choses à faire ici, des combats à mener, des réalités à montrer.
Je m’y sens bien, à l’aise, tellement à l’aise que j’ai envisagé d’y vivre et que j’ai décidé de quitter la France, d’aller plusieurs mois au Cameroun pour y travailler et en découvrir d’autres facettes. Maintenant que je suis adulte et que j’ai fait du journalisme mon métier, j’ai pris la décision de m’y envoler.
(Mais c’était sans compter le confinement et le coronavirus qui nous a tous et toutes gardées cloîtrées…)
Pendant la préparation de mon voyage, je suis évidemment passée par différentes phases : de la peur à l’excitation en passant par des questionnements sur le réel but de ce séjour, sur ce que je cherchais dans cet espèce d’exil que je m’étais imposé.
Pendant toute cette réflexion qui a duré plusieurs mois, j’ai senti un positionnement assez dérangeant s’installer en moi, sur lequel j’ai mis beaucoup de temps à mettre le doigt
.
Ma place de femme blanche métisse dans la cause anti-raciste
Faisant partie d’un groupe social opprimé (les femmes), j’ai un radar bien aiguisé pour détecter les oppressions.
Cela fait longtemps que j’essaye petit à petit de me « déconstruire », comme on le dit dans le milieu militant, c’est-à-dire de me détacher des mécaniques sexistes, racistes ou autres que j’ai intériorisées.
À force de lire des bouquins et regarder des documentaires sur l’héritage de la colonisation et de la décolonisation que nous portons en nous, de m’observer, d’observer mon entourage, de prêter attention au racisme ordinaire, de suivre des influenceuses, artistes, actrices racisées, d’échanger sur ces sujets, je me suis rendu compte que je m’étais mise dans la case « blanche » de la société.
J’ai réalisé que je ne me sentais pas légitime à m’exprimer sur le racisme parce que j’avais peur qu’on me considère comme une énième personne qui monopolise la parole sur un sujet qui ne la concerne pas.
Une énième personne blanche atteinte du complexe du white savior.
Le terme de white saviorism traduit « complexe du sauveur blanc », s’est démocratisé dans les sphères de l’humanitaire et du volontariat.
Il désigne des personnes blanches se donnant en spectacle dans des voyages (touristiques mais aussi et surtout humanitaires) en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie… bref, dans des pays plus pauvres que leur contrée d’origine.
Sous couvert de générosité, les white saviors ont un rapport déshumanisant avec les populations locales et imposent leurs « solutions » sans prendre en compte la réalité du terrain.
Le white saviorism est perçu comme un énième héritage colonial complexe et globalisé, et le pointer du doigt ne vise aucunement à trouver des coupables et à discréditer les bienfaits des missions humanitaires à travers le monde, mais bien à prendre conscience de notre manière de percevoir le monde et d’y évoluer.
Sur Instagram, plusieurs comptes dénoncent le white saviorism qui entretient des clichés racistes, notamment le compte humoristique @barbiesavior qui met en scène une Barbie qui fait de l’humanitaire, ou encore le compte @nowhitesaviors.
Si tu veux lire plus d’articles sur le sujet, je te conseille cet article du Nouvel Obs ainsi que cet article de la SONU (Sorbonne pour l’organisation des Nations Unies).
Ces doutes m’assaillent alors que je me sens intimement liée à la cause anti-raciste, en tant qu’humaine d’abord, puis en tant que personne métisse dont 50% de la famille est racisée.
En annonçant mon départ à ma petite communauté Instagram, avec une publication comportant une photo de moi au Cameroun tenant mon cousin d’amour dans mes bras, je me suis posé mille questions.
J’ai eu peur de comment cette annonce allait être perçue, de l’image que j’allais renvoyer.
J’en suis même venue à me questionner profondément : est-ce que le but et les motivations de mon voyage sont vraiment légitimes ?
Est-ce que je pars pour les bonnes raisons, ou est-ce que je suis moi-même victime de l’héritage de ma couleur de peau ?
En parlant de mon voyage, je me suis sentie obligée de me justifier, parce que même si je suis métissée, j’ai une place de femme blanche dans ce monde et que je n’avais pas envie d’être perçue comme « la femme blanche qui part vivre en Afrique ».
Toutes ces remises en questions, toutes ces craintes ont créé une dualité très inconfortable en moi.
Au fond, je sais que mes intentions sont profondes, que ce qui motive mon voyage est fort, pertinent, important. Je sais que je suis légitime et que le but intime de ce départ est de renouer avec mes racines.
Alors pourquoi est-ce que je passe mon temps à me remettre en question, pourquoi est-ce que je reste focalisée sur la couleur de mon visage ?
La dualité générée par mon métissage et mon militantisme
Je me suis alors rendu compte que j’étais face à deux problématiques : la dualité interne générée par mon métissage et toute la rigueur militante nécessaire que je m’impose dans mon chemin de « déconstruction ».
La dualité générée par mon métissage
Cette dualité, je pense qu’elle est ressentie par beaucoup de personnes métissées.
Je pense que de cette double culture naît quelque chose de très précieux, mais aussi un tiraillement qui peut être plus ou moins douloureux selon les personnes et les périodes de la vie.
Mon métissage m’apporte un regard sur le monde, une ouverture d’esprit, une manière différente d’accepter et de rencontrer l’inconnu et c’est une immense richesse.
Mais être métisse c’est aussi ne pas pouvoir profiter pleinement de toute la profondeur de mes racines. C’est être séparée de la moitié de ma famille la majeure partie du temps. C’est ne pas voir mes cousins et cousines grandir.
C’est voir un fossé culturel se creuser entre toutes mes antennes familiales. C’est être toujours partagée.
Être métisse et blanche, plus spécifiquement, c’est une posture assez délicate, une manière singulière d’évoluer dans le monde.
Voir le regard des gens changer et toutes leurs interrogations quand ils apprennent que j’ai des origines camerounaises est toujours un moment à la fois intéressant et particulièrement perturbant.
La personne qu’ils connaissent depuis plusieurs semaines, plusieurs mois ne colle plus avec les préjugés qu’ils ont des personnes racisées ou métisses. Tout cela crée une rupture et des réactions parfois surprenantes.
La dualité générée par ma rigueur militante
Pour ce qui est de la rigueur que je m’impose par le biais de mon âme militante anti-raciste, elle est d’autant plus forte puisqu’elle résonne avec mes origines et ma couleur de peau.
Je passe tellement de temps à essayer de me déconstruire et à effacer tout résidu du racisme systémique en moi que j’en viens à douter et à avoir peur d’être animée par des vestiges coloniaux sans même m’en rendre compte.
Je retrouve là les mêmes mécaniques qui m’ont fait beaucoup souffrir quand j’ai commencé à rentrer de manière active dans la lutte contre le sexisme : détruire petit à petit tous les automatismes sexistes qui ont imprégné mon quotidien et mon intimité.
C’est long et c’est parfois douloureux de prendre conscience de toutes les facettes de ma vie qui sont dirigées par des vestiges historiques beaucoup plus grands que moi.
Mon métissage et toutes les richesses qu’il m’apporte
Dans mes réflexions, je me suis souvenue d’une discussion que j’ai eue il y a plusieurs années sur le sujet du métissage avec ma mère et ma sœur.
Si je ne me souviens pas de tout son contenu, j’en ai retenu la prise de conscience qui en avait découlé :
Finalement, je suis chanceuse d’être blanche dans ce monde raciste.
Chez ma mère et ma sœur, le métissage est affiché par leur couleur de peau et leurs cheveux ; elles vivent une réalité complètement différente de la mienne.
Aux yeux des autres, elles ne sont chez elles nulle part : au Cameroun, elles sont blanches, et en France, elles sont noires.
Et cette perception qui les met dans des cases partout où elles vont a dû rendre encore plus difficile la construction de leur identité.
Au moins, moi, dans ma vie de tous les jours, on ne passe pas son temps à me demander « de quelle origine je suis ».
Finalement, mes réflexions autour de mon projet, autour de ma manière de l’aborder et de vivre mon métissage m’ont amenée à un questionnement et des réponses que je n’avais pas vraiment envisagées.
Et si ce sentiment d’être perdue, entre deux, dans cette dualité, c’était ce que mon métissage avait de plus beau à m’offrir ? Si c’était ça la clé pour continuer à me chercher, me trouver, puis me reperdre à nouveau et continuer à avancer ?
Si ce qui me rendait la plus heureuse, me permettait de toucher du doigt de nombreuses réalités, de mieux comprendre le monde qui m’entoure et cette société, c’était de rester perdue dans cet entre-deux métissé ?
Si j’étais encore plus complète dans cette incomplétude ?
Et si toute cette rigueur, cette remise en question permanente de ma place dans le combat anti-raciste en tant qu’alliée blanche mais métissée, c’était ce que j’avais de plus important à offrir à cette lutte ?
Ma place de femme blanche et métisse dans la lutte anti-raciste
Malgré le fait que mes réflexions avancent, que mon militantisme anti-raciste soit chaque jour nourri par de nouvelles connaissances, de nouvelles expériences et par ma confiance en moi qui grandit, ces derniers jours ont été très durs à gérer pour moi, et j’ai recommencé, encore et encore, à me remettre en question.
Je suis passée par des stades de colère, de peur, de tristesse, de haine.
J’ai été en colère en constatant qu’une fois de plus il faille un drame humain, la mort de George Floyd en l’occurence, pour que l’opinion publique se bouge et que je voie tout à coup mon entourage se mobiliser.
Face à mon feed Instagram, j’ai eu peur en me rendant compte que certaines personnes blanches parmi mes proches ne mesuraient pas du tout l’ampleur du problème, ni de l’ampleur de leurs privilèges.
J’ai été immensément triste de voir des personnes racisées assaillies de toutes parts, à la fois soutenues mais aussi spectatrices des discours hyper violents opposés au mouvement #BlackLivesMatter.
Je suis restée cloîtrée chez moi et emmitouflée sous ma couette à me demander, encore plus fort que tous les autres jours :
Qu’est-ce que je dois faire de tout ça ? Quelle est ma place ?
J’ai continué, encore plus fort que tous les autres jours du mois, à ne rien laisser passer dans mon entourage, à débattre et faire de la pédagogie pour la 98ème fois sur le privilège blanc, à déconstruire le mythe du racisme anti-blancs.
Dans tout ça, j’ai même viré plusieurs personnes de ma vie.
Et à chaque instant où j’ai cru que j’allais exploser, de fatigue et de tristesse, il y a cette phrase que j’aurais voulu ne jamais me dire qui revenait dans ma tête :
Heureusement que tu es née blanche.
J’aurais pu naître non-blanche, comme ma sœur, comme ma mère.
J’aurais pu naître non-blanche et me confronter non seulement à la violence des actualités mais à la violence du racisme dans mon quotidien, ma vie professionnelle, ma vie amoureuse.
Mais j’ai le privilège d’être dans une situation assez confortable pour avoir le temps de me poser la question de ce que je dois faire de tout ça, de comment je dois agir.
Aujourd’hui je pense que oui, j’ai une place dans la lutte anti-raciste. J’y ai une place d’humaine, de femme et de personne métissée.
Ma place est celle d’une personne qui a l’énergie de lutter parce qu’elle n’est pas impactée dans son quotidien, celle d’une personne qui ne doit plus rien laisser passer.
Qui ne doit plus ignorer une blague, une remarque, un discours discriminant de la part d’un ou une proche.
Je crois qu’il est important qu’en tant que femme blanche, en tout cas considérée comme blanche, je sois capable de porter la parole et le témoignage des personnes racisées qui sont au cœur de cette lutte.
Capable d’afficher haut et fort ma position dans ce débat public discriminant.
Mes doutes et mon métissage : mes alliés contre le racisme
Je pense aussi qu’il est important, quand on milite contre des discriminations sociales, de perpétuellement se remettre en question, faire un pas de côté, prendre de la hauteur, surtout quand on ne fait pas partie du groupe de personnes concernées.
Je pense que c’est la clé pour être une bonne alliée dans le militantisme anti-raciste : toujours me remettre en question, ne jamais ignorer quand je me sens mal à l’aise face à un de mes agissements ou face à ma couleur de peau.
Toujours questionner mes ressentis, savoir me mettre en retrait quand il le faut, savoir ouvrir ma bouche quand il le faut.
En tout cas, une chose est sûre, c’est que le chemin de mon métissage est le plus intéressant et enrichissant qu’il m’ait été donné de parcourir.
Que je me sens fière et chanceuse d’être confrontée à ces questionnements depuis de longues années déjà, que je ne m’arrêterai jamais de douter et de sans cesse me questionner sur mes choix et mes prises de position.
Je ne pense pas qu’il y ait d’arrivée à ce chemin, mais je compte bien continuer à expérimenter mon métissage et tout ce à quoi il m’expose.
Je compte bien continuer à être la messagère de la lutte anti-raciste, de soutenir les principaux et principales concernées et de continuer à m’éduquer.
J’ai évidemment toujours prévu de quitter ce continent dès que la situation sanitaire le permettra, pour cueillir ce que j’aurai à cueillir là-bas, au Cameroun, et reconnecter avec mes racines en espérant que quelque chose de beau et d’utile en ressortira.
Et toi, comment tu perçois ta place dans le monde en tant que personne métissée ? Est-ce que tu partages certains de mes ressentis ?
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Les Commentaires
Pour rebondir sur ton commentaire, ce n'est pas la première fois que je lis des témoignage de métis·se qui explique ne se sentir à leur place nulle part. Trop noire pour les Blancs, et trop blanche pour les Noir. Comme s'il fallait absolument être l'un ou l'autre...