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Interview de Anaïs Bambili, fondatrice de la marque skincare française non-genrée VIBRE Paris // Source : VIBRE
Soins pour le visage

« On développe des soins pour des peaux, pas des identités de genre » : Anaïs Bambili, fondatrice de VIBRE

Lassée du marketing genré plein de bullshit en cosmétique, la docteure en pharmacie spécialisée en dermatologie Anaïs Bambili a lancé VIBRE. Cette marque non-genrée propose des soins efficaces, vegan et fabriqués en France, tout en s’engageant pour la justice sociale. Interview pour en finir avec les idées reçues sur les genres en matière de soin de la peau.

Si vous faites vos courses skincare dans des supermarchés, vous avez peut-être déjà constaté avec plus ou moins de consternation une distinction claire entre les rayons des cosmétiques adressés aux femmes et ceux adressés aux hommes. Pour ces derniers, les packagings sont volontiers noir, gris, bleu ou vert, avec des expressions souvent virilistes histoire d’éviter que ces messieurs ne se sentent trop émasculés d’avoir utilisé un peu de crème. Et pour les premières, des packs souvent plus claires, et des expressions parfois plus ésotériques fleurant bon les miracles bullshit. Sans compter la « taxe rose » qui fait qu’un même produit aura tendance à coûter plus cher pour les femmes que pour les hommes. Et si vous avez le malheur d’être non-binaire, dommage. Bref, cette séparation genrée doit beaucoup plus au marketing qu’à nos besoins physiologiques. Comme le grand public en a de plus en plus conscience, les marques se mettent enfin à faire appel à notre intelligence plutôt qu’à nos insécurités. Preuve en est avec une nouvelle venue sur le marché skincare français, VIBRE. C’est Anaïs Bambili, franco-marocaine de 32 ans, qui l’a fondée fin 2023, forte de sa formation de docteure en pharmacie spécialisée en dermatologie. Pour Madmoizelle, elle démystifie le marketing genré du skincare afin de nous aider à mieux nous y retrouver dans la salle de bain.

Interview de Anaïs Bambili, fondatrice de la marque skincare française non-genrée VIBRE

Interview de Anaïs Bambili, fondatrice de la marque skincare française non-genrée VIBRE // Source : VIBRE

Quel a été ton parcours avant de lancer VIBRE ?

J’ai commencé à développer VIBRE quand j’avais 29 ans. Avant de me lancer, j’ai travaillé dans l’industrie pharmaceutique sur la dermatite atopique (une maladie dermatologique) puis dans une entreprise de cosmétique à New York ce qui m’a permis de mieux comprendre les personnes atteintes de maladies dermatologiques, les consommateur·ices de soins et le marché de la beauté de manière plus globale.

En quoi ton doctorat en pharmacie t’a permis de regarder l’offre de soins de la peau actuellement sur le marché différemment ? Qu’est-ce que tu peux reprocher à cette offre globalement ?

Mon doctorat m’a permis de regarder l’offre actuelle sous le prisme de la santé de la peau plutôt que sous le prisme du marketing et de ce que la marque veut renvoyer comme image (parfois en incohérence avec la qualité des soins qu’elle propose).

Si je devais reprocher quelque chose à l’offre actuelle, ce serait le manque de transparence et des stratégies marketing qui ont partagé des messages normés devenus bien trop ancrés dans les esprits.

À lire aussi : Exit les cosmétiques « pour elle » d’un côté, « pour lui » de l’autre : le futur de la beauté sera non-genré

Pourquoi as-tu voulu lancer ta marque, et en quoi fin 2023 était le bon moment pour toi dans ta carrière, mais aussi plus globalement par rapport à la maturité du marché skincare ?

Quand on fait partie de communautés racisées, LGBT+ et/ou qu’on sort de la norme caucasienne cisgenrée, on est peu représenté… L’envie de créer VIBRE est née de ce manque de représentation. J’avais besoin de me servir de ce que je suis, de mes compétences et connaissances pour créer un projet qui aurait un réel impact sur l’humain de manière authentique et pertinente.

Concernant le marché, il y avait un « trou dans la raquette » : où trouver une marque authentique à l’ADN tourné vers la justice sociale qui propose des soins efficaces, vegan et fabriqués en France ? Plus qu’une marque, j’ai voulu créer une entreprise avec une approche consciente à tous les niveaux et inspirée des individus d’aujourd’hui.

Penses-tu que le marché skincare est encore trop segmenté non par typologie de peaux mais par archétypes genrés ? En quoi cela te paraît-il caduc ?

Oui, je pense que le marché skincare est encore trop segmenté par archétypes genrés ! Ce qui fait d’ailleurs que les mentalités ne changent pas ou alors très lentement.

La problématique c’est surtout les marques qui communiquent qu’en tant que femme, ta peau est différente de celle d’un homme. Les principes fondamentaux de la dermatologie sont les mêmes peu importe le genre. Il faut adresser la peau par problématique, pas par identité de genre. Je le répète peut-être un peu trop mais c’est réel : les besoins cutanés ne sont pas déterminés par le genre mais bien par le type de peau de chacun·e.

En plus de ça, le genre n’est pas binaire donc une segmentation genrée est forcément excluante pour ceux et celles qui ne se conforment pas aux normes binaires traditionnelles.

On libère la parole, on libère les corps. Être le modèle des pub des années 90 ne fait plus rêver grand monde. La tendance est à celui ou celle qui sera le plus unique et authentique. Et j’espère que ça deviendra bien plus qu’une tendance !

À lire aussi : Kelsi Phụng, artiste non-binaire : « La non-binarité n’est pas un phénomène de mode »

En quoi ta marque se distingue-t-elle par une approche non genrée ? Pourquoi c’est davantage pertinent selon toi ?

VIBRE se distingue par une approche non genrée grâce à des soins qui s’adaptent à tous les types de peau, en évitant les stéréotypes de genre, en promouvant la diversité à chaque achat et en créant un environnement inclusif qui contribue à la promotion de normes de beauté équitables. Je trouve cette approche non-genrée plus pertinente car nous développons des soins pour des peaux, pas pour des identités de genre.

Les peaux des hommes et des femmes ont-elles plus en commun que veut bien nous le faire croire le marché skincare ?

Peu importe ton genre, la structure de ta peau sera la même que celle de ton voisin ou de ta voisine : un épiderme composé de la couche cornée, granuleuse, épineuse et basale, un derme et un hypoderme. Il en est de même pour les mécanismes de régénération et de réparation.

Ce qui va changer entre chaque être humain, ce sera les fluctuations hormonales, l’environnement, l’exposition au stress… qui sont des facteurs qui joueront sur l’état de sa peau et ses problématiques.

Il faut voir le soin sous le prisme de la problématique cutanée. Par exemple, si tu as un bouton lié à la bactérie C. acnes, l’acide salicylique sera efficace dessus – peu importe ton genre !

À lire aussi : Et si la mode améliorait ses tailles au lieu de feindre de devenir unisexe et inclusive ?

Dans quelle mesure proposer une marque gender-free tient d’un engagement pour l’égalité entre les genres ?

Proposer uniquement une marque gender-free ne tient pas forcément d’un engagement pour l’égalité des genres ! Être gender-free pourrait aussi signifier ne montrer aucun genre – juste du produit.

Dans notre cas, je considère VIBRE comme une marque engagée (sans ça d’ailleurs, autant arrêter tout de suite car ça n’aurait plus de sens) car nous nous adressons à tou·te·s mais aussi par nos collaborations avec des artistes engagé·es, les dons aux associations, l’éducation concernant les différentes identités de genre (impact des menstruations/puberté/transition sur la peau par exemple).

Dans le cas de VIBRE – notre priorité est de mettre en avant l’humain sous toutes ses formes.

Ta formulation s’annonce biomimétique : qu’est-ce que cela signifie concrètement et pourquoi ce choix ?

Le biomimétisme, c’est s’inspirer des processus présents dans la nature. Concrètement, nous avons décidé de nous inspirer de la peau : chaque soin reproduit la microstructure cutanée. Les ingrédients composant chaque formule sont similaires à ceux présents dans votre peau.

Nous avons fait ce choix pour plusieurs raisons :

  • Biocompatibilité : les soins s’adaptent mieux à votre type de peau
  • Réduction des risques d’irritation
  • Amélioration de la régénération cellulaire
  • Réduction de l’excès de sébum grâce à l’équilibrage des lipides
  • Ajustement des variations hormonales et réduction des taches grâce à la capacité adaptative des formules.

Cela nous permet donc d’avoir des soins qui vont cibler plusieurs problématiques à la fois et s’adapter à chaque type de peau.

Les résultats cliniques l’ont prouvé : sur le nettoyant par exemple, on a vu jusqu’à -92 % d’imperfections en moins de 28 jours d’utilisation et on commence à avoir des avant-après assez impressionnants !

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Nettoyant Purifiant aux Probiotiques + acide salicylique — Vibre — 28 € les 150 ml.

En première ligne du dos du flacon de ton nettoyant visage, on peut lire qu’« un don pour la justice sociale à chaque achat » est effectué. Qu’en est-il ?

Après chaque achat effectué, la personne consommatrice reçoit un mail avec 3 options d’associations. Elle sélectionne alors celle qui l’engage le plus et à la fin de chaque trimestre, nous versons la totalité des dons à chaque association sélectionnée !

Pour l’instant, nous proposons Acceptess-T, Le Refuge et Les Resto du Coeur. Chaque semestre, ces associations pourront évoluer – nous demanderons à notre communauté de choisir et nous irons vers leur sélection !

Dans la communication de ta marque, tes produits ont des noms qui vont droit au but et mettent en avant des principes actifs plutôt que des belles promesses nébuleuses comme le font la plupart des acteurs traditionnels du skincare. Vendre du miracle en pot de crème est-il une époque révolue selon toi ?

J’aimerais que ce soit une époque révolue ! Mais ça évolue, on parle de plus en plus d’une approche holistique de la « beauté » et c’est pour le mieux.

On va tou·tes vieillir – je pense que le end-game n’est pas de garder une peau lisse et sans boutons mais plutôt de vieillir en bonne santé (et l’apparence de la peau suivra !).

Sur ton site, tu proposes aussi un Derm’Dico plein d’articles accessibles sur la peau, ses petits maux, et comment en prendre soin. Pourquoi c’est important de faire de la pédagogie pour tou·te·s sur ces sujets selon toi ?

C’est important car il y a beaucoup de désinformation et de mythes autour des soins de la peau.

Une crème n’est pas qu’une crème. Elle contient des ingrédients actifs qui vont jouer sur l’état de votre peau et donc de votre santé. Si vous n’êtes pas bien informé·e·s, des effets néfastes peuvent avoir lieu qu’ils soient sur le court ou moyen terme.

De plus, en rendant l’information sur les soins de la peau accessible à tou·te·s, quel que soit leur niveau de connaissance ou leur origine, on favorise l’inclusion et l’égalité d’accès aux soins de santé ! Que ça serve la marque ou pas, on éduque de manière objective.

À lire aussi : « Penser la diversité sans inclusion ne mène à rien » : Barbara Blanchard secoue la mode française

Alors que les marques de maquillage se sont saisies des questions de diversité et d’inclusion depuis quelques années, le skincare semble encore à la traîne. Comment l’expliques-tu et comment comptes-tu y remédier ?

Contrairement au maquillage où la créativité et l’expression de soi sont plus visibles, le soin est souvent considéré comme plus « utilitaire » – il y a donc eu moins de pression sociale pour que les marques prennent des mesures en faveur de la diversité.

Le soin est aussi plus facilement axé tech et science que le maquillage. Cela peut conduire à une focalisation plus étroite sur les aspects techniques du produit que sur les questions de représentation.

Il y a beaucoup de choses à mettre en œuvre pour y remédier et j’espère qu’on y arrivera ! Éducation et sensibilisation, représentation, développement de soins inclusifs et qui répondent aux besoins d’une gamme large de types de peau, échange avec les conso pour mieux comprendre leurs problématiques…

Quel est le souvenir le plus fort que tu aies de ton expérience en tant que fondatrice de VIBRE ?

Une rencontre lors de notre dernier shooting. On demandait à tou·tes les participant·es « Pourquoi souhaites-tu faire partie de l’histoire de VIBRE ? » et l’une de ces personnes a répondu : « parce que c’est le premier shooting dans lequel on me demande juste d’être moi ».


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

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Avatar de DamePatience
20 février 2024 à 19h02
DamePatience
J'aime beaucoup la démarche de soins pour des peaux & pas pour des identités.
Mais c'est dommage qu'encore une fois cela se traduise par un packaging blanc/noir hyper sobre.
Ca me donne l'impression, que, comme pour la mode, l'unisexe en fait c'est juste du marketé masculin sans couleur, sans rien.
En plus, je vais faire ma chi*use, mais c'est pas bio du tout, si??
Si tu cherches de la couleur et du bio, je te conseille Pulpe de Vie. En plus, beaucoup de produits sont fabriqués avec des invendus de l'agriculture biologique donc ils ne puisent pas dans les stocks alimentaires et ne produisent pas exprès pour fabriquer. Cerise (bio, la cerise, évidemment !) sur le gâteau, leurs flacons sont recyclés, recyclables et certains sont réutilisables.
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