Après le carton du documentaire The Tinder Swindler, Netflix a sorti une série-documentaire en 4 épisodes basée sur les douloureuses turpitudes de Sarma Melngailis, une crudivore sous emprise dont la trajectoire est finalement plus sinistre que loufoque.
Bad Vegan, l’histoire hors du commun d’une arnaque commune
New York, 2004. Sarma est une femme ambitieuse et lumineuse, passionnée par la cuisine.
Dans son école de finance, elle a longtemps dénoté du reste des étudiants, et préfèrait lire des magazines sur la nourriture et les vins que suivre le cours de la bourse.
Très vite, elle s’oriente vers la restauration et ouvre même son propre établissement, aidée financièrement par un investisseur qui devient vite son ami.
C’est le succès immédiat pour Sarma, dont le nez creux — elle ouvre l’un des premiers restaurants végan et crudivore branché de New York — lui apporte la gloire. Littéralement !
Les plateaux de télé se l’arrachent, les magazines font de même et elle finit par carrément recevoir le gratin de la Grosse pomme à ses dîners, parmi lesquels des acteurs cotés à Hollywood.
Il ne lui en faut pas plus pour décider d’étendre encore son ambition et par extension son commerce. Ainsi, elle ouvre un autre établissement, qui marche au point que Sarma se voit offrir d’agrandir sa ligne et d’ouvrir une boutique au Japon.
Les clients de Sarma l’adorent, et ses employés aussi. D’ailleurs, ils l’appellent Mamma Sarma et travaillent avec elle dans la joie et la bonne humeur.
Mais tout ça, vous vous en doutez, c’était avant le drame.
Drame qui prend la forme, comme souvent, d’un homme dont tout le monde aurait pu dire qu’il était louche sauf la principale concernée, trop fragile psychologiquement pour réaliser pleinement qu’elle était sous emprise.
Cet homme, il s’appelle Anthony Strangis, ou plutôt Shane Fox (le surnom qu’il adopte pour tromper son monde) et il séduit rapidement le cœur de Sarma. Il lui affirme qu’il n’est pas un être humain mais bien une sorte d’être supérieur et qu’il peut — en incluant Sarma dans la « famille », une sorte de groupe d’entités plus ou moins cosmiques — la rendre immortelle.
Mieux encore, il peut aussi faire en sorte que son chien, Leon, auquel s’est particulièrement attaché Sarma après sa dernière séparation, l’accompagne dans une vie d’immortalité.
Sarma, victime d’un manipulateur mythomane
C’est le début de la descente aux enfers pour Sarma, qui boit les paroles de son partenaire. Partenaire qui, étonnamment, commence à se taper l’incruste dans son resto où il joue les dictateurs.
Très vite, et en dépit des mises en garde de ses collègues, Sarma commence à donner beaucoup d’argent à son compagnon, et s’enlise dans les dettes. Au point de ne plus payer ses employés, qui font grève et ferment le restaurant.
À mesure que Sarma entretient son conjoint et tente de se plier aux nouvelles règles que lui impose cet « être supérieur » qui l’oblige à diverses pratiques, elle se replie sur elle-même, ne fréquente plus ni amis ni famille et vit recluse dans des chambres d’hôtel avec son chien.
Un phénomène malheureusement banal d’emprise.
On ne vous en dit pas plus, car toute sordide que soit cette histoire, le nombre de twists qu’elle contient lui confère l’aspect d’une excellente série Netflix.
Le problème, c’est que tout est vrai. Et que derrière l’histoire phénoménale se cache la détresse absolue d’une femme à la santé mentale branlante, manipulée au point de commettre l’irréparable.
Comme dans L’Arnaqueur de Tinder, et bien que Sarma a été reconnu coupable d’escroquerie, ce récit est surtout celui d’une femme victime d’un homme qui a précipité sa vie dans le désastre et la dépression.
Bad Vegan, plus tragique que loufoque
Ce qui donne toute sa puissance à cette série-documentaire, c’est sans doute qu’elle est narrée par la principale concernée : Sarma.
Face caméra, la restauratrice d’aujourd’hui 49 ans revient sur sa tragédie, dans les moindres détails. Elle ne nous épargne rien de ses échanges téléphoniques violents avec son ex-conjoint, des circonvolutions de sa santé mentale et de sa cavale.
Toutefois, et même si Sarma a consenti à apparaître à l’écran et a même participé à la publicité sur les réseaux du documentaire en 4 parties, elle a expliqué, quelques heures après la diffusion, que tout n’était pas absolument correct. Elle est notamment revenue sur la fin du programme :
« La fin est trompeuse et troublante : je ne suis plus en contact avec Anthony Strangis et j’ai réalisé ces enregistrements beaucoup plus tôt, volontairement et pour une raison spécifique. Bad Vegan a raconté beaucoup de choses justement, mais c’est difficile de ne pas rester focalisée sur les choses qui sont fausses, ou qui laissent une impression trompeuse. »
À vous de vous faire une idée, désormais, du degré d’opacité de la fin de ce programme, en bingeant toute la série dès ce soir.
En tout cas, une chose est sûre : on pensait passer un moment distrayant devant Bad Vegan, qui nous avait été vendue comme une histoire loufoque, mais on a finalement passé quelques heures hautement dérangeantes, à compatir pour la terrible manipulation dont a longtemps été victime Sarma Melngailis.
Par ailleurs, et au cas où le doute subsisterait : le restaurant Pure Food and Wine est désormais définitivement fermé.
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Crédit photo à la Une : Bad Vegan via Netflix
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