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femme enceinte avec une main sur son ventre
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« On dit aux personnes grosses qu’elles sont infertiles, alors que c’est complètement faux »

Discriminées par les professionnels de santé, les femmes grosses peinent à faire reconnaître leur désir de maternité et à réaliser leurs projets en toute sérénité. Décryptage. 

Face à leur désir d’enfant ou durant leur suivi de grossesse, les femmes grosses endurent propos et gestes discriminatoires. « Les violences dans le milieu médical causent un évitement des soins de santé des personnes grosses. On leur reproche d’être en mauvaise santé, mais il est probable que l’une des causes principales soit le manque d’accès à des soins bienveillants, car elles attendent le dernier moment pour consulter », analyse Aline Thomas dans son livre Montez d’abord sur la balance !. Parmi les 800 témoignages qu’elle a recueillis sur la grossophobie médicale, la moitié portait sur la gynécologie.

Des idées reçues sur la fertilité

« Les corps gros sont jugés non fonctionnels. Dès l’adolescence on dit aux personnes grosses qu’elles ne deviendront pas mères, qu’elles sont infertiles, alors que c’est complètement faux », rapporte Daria Marx, cofondatrice de l’association Gras politique. 

Pour Maya(1), sage-femme et adhérente de l’association Pour une M.E.U.F., « le poids peut impacter la fertilité et entraîner des troubles de l’ovulation, mais comme beaucoup d’autres choses. » Un amalgame est aussi parfois fait avec les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques, qui fait prendre du poids, mais qui est aussi la cause la plus fréquente d’infertilité.

Exclusion de la PMA

Se basant sur cette idée reçue, les CECOS (centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humain) refusent majoritairement les dossiers de femmes avec un IMC supérieur à 30, les empêchant ainsi d’avoir recours à une PMA. « On conseille aux personnes grosses de faire des régimes ou de la chirurgie bariatrique, on les fait culpabiliser », dénonce Daria Marx, autrice du livre Dix questions sur la grossophobie. « C’est plus simple pour eux de nous exclure, car ils ne sont pas formés aux gestes techniques d’insémination prévus pour des corps minces et n’ont pas de matériel adapté », souligne-t-elle. Autre explication de ces réticences : les soignants pensent que les grossesses de personnes grosses seront plus compliquées à suivre.

Un suivi anxiogène

Lorsqu’une femme grosse tombe enceinte, la grossophobie continue. Une étude du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin(2), publiée en 2018, montrait que « la relation avec le gynécologue se dégradait du suivi courant au suivi de la grossesse, et du suivi de la grossesse au parcours d’une PMA, comme si la maternité autorisait à culpabiliser les femmes, et le désir de maternité encore plus. » Sylvie Benkemoun, psychologue et présidente du G.R.O.S. (groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids) qui a commandé cette étude, déplore ce constat : « lors de la grossesse, il peut y avoir des difficultés (diabète gestationnel…), mais elles peuvent être accompagnées, cela ne légitime pas de faire culpabiliser. D’autant plus que le stress n’est pas bon pour l’ovulation. »

Pour Maya, « il faut changer la manière de parler des risques aux patientes, mais aussi arrêter de les peser systématiquement. Les soignants leur donnent des objectifs de poids à atteindre, alors que ces recommandations sont peu fiables, car elles reposent sur des études observationnelles. Cette pesée a le plus souvent l’effet inverse et peut réactiver des troubles du comportement alimentaire », alerte-t-elle. « La prise de poids pendant la grossesse est un facteur de risques, mais parmi beaucoup d’autres, cela ne veut pas dire que la grossesse sera forcément compliquée », affirme Maya. 

Les actes lors de l’accompagnement peuvent s’avérer violents. « Avec la présence de beaucoup de tissu adipeux (le gras), les soignants ont plus de difficulté à voir le bébé lors de l’échographie, car ils utilisent des ondes basses. L’échographe appuie donc très fort, et souvent avec des commentaires grossophobes. Cette première consultation peut décourager la future mère à revenir », constate Aline Thomas. « Les statistiques montrent que les femmes grosses ont plus de chance d’avoir des complications, mais ces chiffres ne montrent pas l’incidence de la mauvaise prise en charge », ajoute-t-elle.

La grossophobie a aussi un impact sur les personnes qui ont eu recours à la chirurgie bariatrique (qui modifie la façon dont les aliments sont absorbés par le système digestif), car elles peuvent parfois le taire, sans savoir que cette particularité nécessite un suivi adapté. 

Quelles solutions ?

« Les soignants doivent être formés à prendre en charge les personnes obèses, à les accompagner plutôt que de vouloir les mettre en garde », estime Sylvie Benkemoun. Et investir dans du matériel adapté : brassard, brancard, accoudoirs, capteurs… Aline Thomas cite un exemple positif : « à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (93), ils ont investi dans du matériel et les médecins ont été formés aux spécificités des corps gros. Mais s’adapter aux patientes c’est accepter qu’elles restent grosses et ça la majorité des médecins a encore du mal. »

Pour elle, il faut aussi que « la recherche médicale s’intéresse à l’intrication des différentes discriminations, la grossophobie est souvent laissée de côté. » Daria Marx renchérit : « le mouvement féministe doit s’emparer de la grossophobie et de l’anti-validisme, ces luttes doivent converger pour obtenir une accessibilité de soins pour toutes. »

(1)pseudo utilisé par les personnes de l’association Pour Une M.E.U.F.

(2)Les conditions d’accès à la gynécologie, à l’obstétrique et à l’AMP des femmes en « net surpoids » posent-elles question au plan éthique ? Enquête exploratoire auprès des femmes concernées et de leurs gynécologues Perrine Galmiche, Cynthia Le Bon et Véronique Fournier – du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin.


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Les Commentaires

3
Avatar de yeonra
31 mai 2024 à 15h05
yeonra
Question totalement naïve, désolée si je suis maladroite.
Le passage sur l'échographie qui peut être désagréable lorsqu'on est en surpoids m'a un peu interpellée. En effet, j'ai un peu de gras sur le ventre mais je ne suis pas grosse, et lors de mon échographie du 2ème trimestre, l'échographe m'a fait mal car elle devait appuyer à certains endroits pour bien voir les différentes parties de mon bébé (ce coquinou avait la bougeotte et n'arrangeait rien à l'affaire).
Du coup, remarques grossophobes mises à part bien entendu, est-ce vraiment de la discrimination que de faire mal durant l'échographie ? Ils doivent voir quand même, et j'imagine qu'avec une grosse couche de tissus adipeux, il faut appuyer...
Sinon effectivement le poids c'est vraiment un truc durant la grossesse. Je suis dans mon cinquième mois, je n'ai pris que 3 kg depuis le début et je sens bien qu'il y a une pression sur moi pour que je ne prenne pas plus de la part de ma gyneco. Le pire c'est que clairement, y a une bonne partie de la prise de poids qui est hormonale... je fais pas plus attention que ça et je prends pas un gramme (si seulement ça pouvait être le cas hors grossesse aussi ) alors que certaines vont prendre 20 kg à juste regarder un hamburger. Je peux comprendre les risques que ça implique, mais bon, si j'écoute ma gyneco je ne peux manger QUE des trucs sains, jamais un aliment plaisir pour ne surtout pas "faire du mal à mon bébé". Je veux bien croire que manger du fast food tous les jours ne sera pas bon pour lui, mais je pense qu'à côté de mes repas équilibrés, mon goûter sucré ne va pas lui causer un retard de développement
C'est vraiment culpabilisant et infantilisant...
6
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