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J’ai un syndrome des ovaires polykystiques, et je lutte pour qu’on en parle

Caroline est atteinte du syndrome des ovaires polykystiques ou SOPK, un dérèglement hormonal qui touche 10 à 12% des personnes menstruées. Elle a créé son association pour sensibiliser et communiquer autour de cette maladie répandue, et pourtant méconnue.

Grande lectrice des témoignages sur Madmoizelle, je n’ai encore jamais lu de récit sur le syndrome ovarien polykystique, aussi nommé SOPK ou syndrome de Stein-Leventhal, pour faire plus scientifique. Cette pathologie peu connue touche pourtant autant que l’endométriose, soit une personne dotée d’ovaires sur 10 !

Je fais partie de celles-ci, et j’ai envie d’en parler.

Le SOPK, un dérèglement hormonal aux lourdes conséquences

Mais avant de vous raconter mon histoire, revenons un peu sur ce fameux SOPK. C’est un dérèglement hormonal d’origine ovarienne ou cérébrale, qui entraîne un taux de testostérone plus élevé que la moyenne chez les femmes qui en sont atteintes.

Cette variation hormonale entraîne de nombreux symptômes, parmi lesquels on compte des règles très irrégulières, des pertes de cheveux, de l’acné, des dérèglements métaboliques qui entraînent des surpoids, une pilosité importante sur le corps, des difficultés à tomber enceinte…

Chaque cas est différent : on peut être atteinte de SOPK et ne développer que certains de ces symptômes, plusieurs ou tous. Dans mon cas, j’ai tous les symptômes possibles. 

 

Baptisé ainsi par les chercheurs Stein et Leventhal, ce syndrome se traduit par la présence, dans les ovaires des personnes touchées, de follicules bloqués dans leur évolution par un dérèglement hormonal. L’androgène en excès empêche ainsi ces follicules de devenir des ovocytes fécondables et ils s’accumulent, sans ovulation.

Selon le Dr Pugeat, endocrinologue à Lyon et spécialiste du SOPK, le syndrome des ovaires polykystiques touche entre 10 et 12% de la population menstruée. Pourtant, il fait partie des pathologies diagnostiquées sur le tard. Il explique :

« Quand, au début de sa puberté, une jeune femme consulte pour des règles irrégulières ou des douleurs, les médecins vont avoir tendance à lui prescrire la pilule sans avoir recherché la cause de ces irrégularités.

La pilule atténuera en effet certains aspects du SOPK, mais ne fera que masquer sa présence ! Les personnes concernées ne pourront être diagnostiquées que des années plus tard, à l’arrêt de la contraception. Et entre temps, certains symptômes du syndrome comme la prise de poids s’installent de manière durable. »

Pour diagnostiquer un syndrome des ovaires polykystiques, le Dr Pugeat et d’autres experts ont établi, lors du consensus de Rotterdam, les trois critères de diagnostic suivants :

  • Une absence de règles, ou des cycles menstruels très longs et irréguliers (en dessous de six périodes de règles par an)
  • Une hyperandrogénie clinique (accentuation de la pilosité, très spécifique au SOPK, ou de l’acné, qui peut aussi être causée par d’autres facteurs) ou biologique (qui implique une mesure de la dose de testostérone)
  • Un aspect multifolliculaire des ovaires à l’échographie

Deux de ces critères sur trois suffisent à caractériser un SOPK : l’échographie, par exemple, n’est pas indispensable.

Un diagnostic du SOPK arrivé par hasard

J’ai toujours été une petite fille ronde. Quand j’ai arrêté de grandir, j’ai continué à grossir et ma mère s’est interrogée sur les causes de mon surpoids. Nous en avons parlé avec mon médecin généraliste, fait des prises de sang, vu des endocrinologues… sans résultats probants. 

Arrivée en terminale, j’ai décidé de passer un concours pour faire médecine dans l’armée après le bac. Ce concours nécessitait une visite médicale très pointue en amont.

J’ai donc eu droit à un contrôle de la vue (tout ça commençait mal, car je suis très bigleuse), un examen du cœur, des oreilles… Puis après tout ça, une visite avec un médecin. Et ce docteur, que je n’avais jamais vu auparavant, a soupçonné en l’espace de 5 minutes que j’avais un syndrome ovarien polykystique ! 

J’avais une pilosité assez importante, surtout sur les jambes et les bras (c’est toujours le cas) et ce détail lui a mis la puce à l’oreille. À ce moment-là, j’attendais les résultats de ma dernière prise de sang, et il m’a demandé de les lui envoyer une fois reçus. Il les a fait suivre à un endocrinologue réputé à Paris, et je n’ai pas eu le concours. Fini l’armée !

Il s’est avéré que mes résultats n’étaient pas normaux, et que ma dernière échographie révélait bien des kystes dans mes ovaires. Verdict : j’avais bien un SOPK.

Un traitement du SOPK controversé

Bien sûr, le diagnostic vient mettre des mots sur des soucis de santé. Mais une fois que je l’ai reçu, je me suis surtout sentie très seule : je ne connaissais personne qui avait un SOPK, je ne savais pas comment les choses allaient évoluer. Quand on fait des recherches sur Internet, le tableau qui est dressé est toujours très sombre, et cela peut être un peu déprimant…

Et puis, on m’a prescrit un traitement : l’Androcur, le médicament de référence en France pour soigner les effets du SOPK.

Cela fait maintenant onze ans que je le prends, et les effets ont été efficaces assez rapidement : baise de ma pilosité, plus de kystes dans mes ovaires à l’échographie… Mais il quelques années, un scandale a éclaté : il a été prouvé que l’Androcur pouvait avoir, dans certains cas très rares, des effets secondaires assez dangereux pour celles qui le prenaient, et notamment ceux de favoriser l’apparition… de méningiomes, des tumeurs bénignes au cerveau. 

Évidemment, ces révélations ont été extrêmement stressantes pour moi. Mais mon endocrinologue m’a rassurée, et a ajouté à mon suivi des IRM régulières. Nous en avons prévu une tous les deux ans ; même si la première a été très effrayante, je n’ai à ce jour aucun effet secondaire. D’après mes médecins, j’ai très peu de risques d’en développer.

En parler avec d’autres patientes atteintes de SOPK

Quand on est diagnostiquée d’un syndrome des ovaires polykystiques, la première chose sur laquelle les professionnels de santé mettent le doigt est l’hyperandrogénie : on nous propose des solutions pour la pilosité ou pour l’irrégularité des règles. Mais le SOPK impacte le quotidien de celles qui en sont atteintes

de manières très différentes. 

Pour m’en rendre compte, il a fallu que j’en parle avec d’autres personnes concernées… ce qui a été rendu possible par le biais d’associations ! Quelque temps après cette découverte, j’ai rejoint une association de patientes atteintes de la même pathologie que moi. Ensemble, en discutant, nous avons réalisé que de nombreux symptômes étaient liés au SOPK mais n’étaient que rarement mentionnés :

  • Des règles de sept à huit jours avec un flux extrêmement important (des tampons extra-absorbants remplis en deux heures par exemple)
  • De grosses douleurs pendant les règles
  • Des migraines
  • Des insomnies
  • Des douleurs pelviennes
  • Des sautes d’humeur…

Je n’avais aucune idée que tous ces désagréments de ma vie étaient liés au SOPK. En parler, cela m’a non seulement soulagée, mais m’a aussi permis de comprendre d’où tout cela venait.

Ces rencontres m’ont permis de me sentir comprise : mon entourage proche peut sans le vouloir être maladroit, minimiser le caractère handicapant de ces symptômes. Je me suis souvent entendue dire « ça va, il y a pire ». Certes, mais ce n’est pas pour autant que nous ne sommes pas légitimes à parler de nos souffrances !

Grâce aux groupes de parole entre personnes concernées, nous savons que nous pouvons nous poser des questions ou évoquer n’importe quel sujet en étant écoutés, et sans jugement. C’est extrêmement important, dans la gestion d’une maladie chronique, de pouvoir se sentir compris et écouté.

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Asso’SOPK (@asso_sopk)

J’ai créé mon association pour sensibiliser au SOPK !

Pour aller encore plus loin, nous avons décidé — avec mon amie Ophélie, elle aussi atteinte du SOPK — de créer notre propre association ! Elle s’appelle Asso’SOPK, et elle a été créée le 1er juin. Vous pouvez d’ailleurs la retrouver sur Instagram !

Quand nous avons créé ce compte, nous avons commencé à voir des gens s’abonner alors que nous n’avions encore posté aucun contenu : les sources d’informations sont rares (alors même que le SOPK est la première cause d’infertilité chez les personnes dotées d’ovaires au monde) et les recherches renvoyaient vers notre compte encore vide.

Avec cette association, nous avons des objectifs multiples pour améliorer la vie des personnes atteintes du SOPK. En premier lieu en les soutenant elles et leurs proches, en les aidant à avancer et à trouver les bons médecins pour leur parcours de soin. Et ce n’est pas si simple ! Énormément de personnes viennent nous voir et nous disent :

« J’ai été diagnostiquée du SOPK, on m’a prescrit une pilule en me disant de revenir quand je voudrais un enfant. »

Mais la baisse de fertilité n’est pas le seul symptôme à traiter !

En France, nous sommes très en retard sur la question : aux États-Unis, d’énormes associations sont présentes et font des congrès tous les ans, il y a beaucoup de spécialistes, les connaissances circulent… En France, les spécialistes sont très peu nombreux, et on entend peu parler de cette maladie.

« C’est une maladie dite “féminine”, donc ça n’intéresse pas »

Le SOPK est une pathologie considérée comme féminine, et pour beaucoup, cela veut dire que ce n’est rien. Comme pour l’endométriose il y a quelques années, l’impact sur le quotidien des personnes qui en sont atteintes est constamment minimisé, et il est très difficile de trouver des médecins qui prennent cette pathologie en compte dans le suivi des patientes.

Depuis les débuts de l’association, nous recevons beaucoup de témoignages de femmes auxquelles on a dit « le SOPK ne provoque aucune douleur », par exemple, alors que c’est complètement faux ! Le SOPK provoque des douleurs pelviennes, abdominales, de l’appareil reproducteur, et certaines personnes ont des douleurs pendant des rapports sexuels… Mais comme tant d’autres maladies perçues comme féminines, la recherche s’y intéresse peu.

C’est pour cela que notre association a aussi pour but de sensibiliser, de faire en sorte que le syndrome des ovaires polykystiques soit connu du grand public et que des informations soient accessibles à ce sujet.

Car l’errance médicale est un vrai problème, et nous le constatons via les témoignages qu’on nous envoie !

Nous espérons aussi pouvoir sensibiliser les médecins, en espérant que cela fasse avancer la recherche, un peu comme tout le travail qui a été mené ces dernières années autour de l’endométriose ! À terme, nous aimerions aussi pouvoir lancer des études sur notre plateforme, récolter des informations et créer du savoir autour du SOPK, à notre échelle. 

« Il faut que le SOPK soit reconnu par la société »

J’ai eu de la chance : j’ai été diagnostiquée assez jeune. Mais ce n’est pas le cas de toutes ! Nous luttons pour que, dans un monde idéal, le SOPK puisse être diagnostiqué dès l’adolescence pour en permettre une meilleure prise en charge, peut-être même un traitement curatif !

Militer pour plus de reconnaissance de cette pathologie, c’est aussi militer pour qu’elle soit reconnue comme une maladie chronique auprès de la sécurité sociale. En France, certaines pilules utilisées comme traitement ne sont pas remboursées, et les coûts peuvent être élevés.

Avant d’être diagnostiquée, je suis allée des dizaines de fois chez une dermato pour l’acné. J’ai essayé des crèmes, des médicaments qui ont occasionné des frais. L’errance médicale, en attendant le diagnostic, a elle aussi un coût, tout comme les arrêts maladie occasionnés par les douleurs du syndrome. Et sur ce plan, nous ne sommes pas toutes logées à la même enseigne. 

J’espère que bientôt, tout le monde connaîtra la signification de SOPK, et que les diagnostics comme la recherche pourront avancer ! 

 

Le Dr Pugeat abonde dans le sens de Caroline : pour lui, il faudrait faire des examens un peu plus systématiques au moment de la puberté. 

Par ailleurs, il est capital de permettre une meilleure circulation de l’information au sujet du SOPK. Ainsi, il explique :

« Une étude récemment publiée dans les “Annales d’endocrinologie” a montré que sur Internet, quand on fait des recherches sur le SOPK, on était confronté à une grande errance, des informations très pessimistes, et une grande anxiété. Les jeunes femmes qui recherchent ces informations en sortent complètement démoralisées !

Il est important de pouvoir avoir accès aux trois critères de diagnostic, et de ne pas avoir peur de poser la question à son médecin traitant ou à son pédiatre : “est-ce que j’ai un SOPK ?” si on s’y reconnaît. Une échographie et une mesure de testostérone suffiront à confirmer ou non ces soupçons.

Par ailleurs, les tableaux pessimistes que l’on trouve sur Internet ne sont pas le reflet de la réalité : on n’est pas stériles parce qu’on est atteinte du SOPK ! Aujourd’hui, 75% de nos patientes n’ont pas de difficultés à tomber enceintes spontanément si elles sont diagnostiquées avant leur envie de grossesse.

Nous avons aussi des traitements très efficaces pour l’hirsutisme. Maintenant, il faut répondre à la forte demande, de la part des patientes, d’une meilleure démarche d’information, d’aide au diagnostic, et d’aide au traitement ! »

À lire aussi : EnjoyPhoenix annonce souffrir du syndrome des ovaires polykystiques

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Les Commentaires

9
Avatar de nka
8 juillet 2021 à 16h07
nka
Je me méfie un peu de certains symptômes détectés par échange avec d'autres personnes atteintes: par exemple, pour la migraine, quasiment 20% des femmes en font, c'est très répandu, donc ce n'est pas surprenant que pas mal de femmes avec SOPK en fassent, mais est-ce qu'elles en font vraiment plus? J'ai ce doute car j'ai eu l'occasion de répondre à plusieurs sondages/enquêtes sur le SOPK et à chaque fois, les questionnaires induisaient une sur-déclaration des problèmes (pas de case "aucun de ces symptômes" par exemple) et les réponses obtenues n'étaient pas comparées à la population générale... Je comprend tout à fait le besoin d'échanger, mais attention à ne pas venir trop vite aux conclusions!
C'est vrai qu'on peut se poser la question.

J'ai été diagnostiquée migraineuse enfant, je n'ai plus eu autant de migraines vers la fin du collège et au lycée, une de temps en temps et c'est tout. J'en ai refait fréquemment à 20 ans. J'ai donc des migraines "normales" plus fréquentes qu'avant mes 20 ans et des migraines cataméniales qui sont liées au cycle menstruel, et ces dernières sont excessivement violentes et longues, je suis mal toute une journée ou deux, quasiment pas capable de parler, je reste au lit, dans le noir et j'essaie de dormir. je suis incapable de fonctionner.
Mes autres migraines peuvent aussi être très mauvaises mais jamais aussi invalidantes. Alors oui j'étais migraineuse avant, effectivement les migraines cataméniales ne sont pas réservées aux personnes SOPK. Dur à dire, en tout cas mes migraines hormonales d'avant n'étaient pas si violentes.
Je revois mon neurologue en février de l'année prochaine....j'ai hâte !
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