Je suis chanteuse. J’ai commencé avec des covers sur YouTube et après, j’ai fait des parodies, notamment pendant le confinement.
« C’est soit ça, soit je ne suis personne »
Petit à petit, j’ai commencé à faire des rencontres, dont une qui m’a amenée vers une maison de disques. La maison de disques à laquelle je suis signée aujourd’hui. À ce moment-là, j’ai 20 ans et je n’ai pas confiance en moi. On me dit : “T’es super. Tu vas être une star. T’es géniale.” Moi j’y crois. Donc je fonce tête baissée. Surtout qu’évidemment, la personne qui me dit ça était quelqu’un de plus âgé, avec plus d’expérience.
J’ai accepté de faire tout ce qu’on me disait de faire parce que je me disais en fait, c’est soit ça, soit je ne suis personne.
Rapidement, je me suis retrouvée sur scène, à défendre un projet auquel je ne croyais pas. On m’a mis en tête que je ne pouvais pas écrire, que je ne pouvais pas composer. En fait, que je ne pouvais rien faire vraiment de moi-même et que de chanter bien, ça suffisait. Les seules fois où j’ai essayé, même un tout petit peu, on me ramenait très vite au : “ Évite, tu ne sais pas faire. C’est mieux que tu ne fasses pas. Tu chantes bien, c’est déjà super.” Mais ce n’était jamais vraiment dans l’agression.
« J’étais profondément triste et angoissée en permanence »
Alors, je m’étais convaincue que je ne savais pas écrire, que je ne savais pas composer, que je ne savais pas faire ces choses-là. Plus ça allait, plus c’était vraiment de la culpabilité permanente. Par exemple, je me souviens avoir posté une story dans laquelle je mettais en avant mon double menton. Je trouvais ça marrant. Au final, je me suis fait incendier et on m’a dit : “Comment tu penses qu’après les médias voudront de toi ? Personne ne voudra de toi.”
Ensuite, j’ai appris par ma styliste qu’on lui avait conseillée de me dire de mettre mes hanches en avant alors que j’étais très complexée par celles-ci, encore aujourd’hui. Je m’habillais en gros jogging que je n’aimais pas du tout et je me suis un peu convaincue que j’aimais ça parce qu’on m’a fait comprendre : “Mais si, c’est hyper stylé. Toi, tu n’as pas la notion du style. Tu ne connais rien.” J’étais profondément triste et angoissée en permanence. J’avais tout le temps peur de recevoir un message, de voir un certain nom affiché sur mon téléphone.
J’ai eu par miracle un appel à ce moment-là d’une personne de mon label qui m’appelait pour autre chose. J’ai fondu en larmes et elle m’a dit : “Mais qu’est-ce qui se passe ?” Et là, je lui ai expliqué un peu tout. À partir de là, ça y est, le pas avait été fait. C’est là que j’ai commencé à m’en sortir. J’ai fait appel à un avocat, etc, pour me sortir de cette situation. Je pensais que c’était vraiment derrière moi jusqu’à ce que la dépression me rattrape.
Comment je m’habille ? Qu’est-ce que j’aime porter sur scène ?” Je ne savais plus rien
Je pense que c’est lié à toute cette histoire. Je ne blâme personne parce que je me suis laissée aller en fait, dans cette relation toxique. J’ai accepté tout ce qui s’est passé. Ça a été très très dur d’en sortir. Parce qu’encore une fois, il y a ce truc de : “Si je me casse, il me restera quoi ?”
Je me rappelle d’un truc terrifiant où vraiment je ne savais plus qui j’étais. Le lendemain ou deux jours après la rupture officielle, je me revois appeler ma meilleure amie en disant : “Comment je m’habille ? Qu’est-ce que j’aime porter sur scène ?” Je ne savais plus rien.
Un des trucs aussi qui m’a énormément aidée, même si je pense qu’il ne sait pas vraiment l’impact que ça a eu, c’est que j’avais fait une vidéo avec Pierre Croce où c’était un concours de chant. Il demandait de présenter une de nos compos. Sauf que moi je n’avais pas de compo parce que j’ai jamais écrit vraiment. Je me suis quand même forcée à le faire.
J’ai présenté cette musique. J’ai, au final, gagné ce concours.
À partir de ce moment-là, je me suis dit : “OK, là pour le coup, ça vaut peut-être le coup de continuer.” J’ai commencé à écrire, à recomposer, à resigner directement avec mon label sans aucun intermédiaire. Quand j’ai commencé à tomber en dépression, je n’avais aucune idée que c’était une dépression.
Besoin d’attention et auto-culpabilisation
Parce qu’en fait, quand je vois sur TikTok, sur Instagram : “Quand t’es en dépression dans ton lit”, des trucs comme ça, je me dis : “Mais moi, c’est pas ça.” Ce que je ressens, c’est avoir besoin littéralement d’attention en permanence, de culpabilité d’être triste, de me dire que je ne mérite pas d’avoir ce que j’ai, que je ne devrais pas être en dépression, culpabilité d’être triste, culpabilité de passer à côté de bons moments de ma vie. Du coup, j’avais très très peur d’en parler en musique et j’ai quand même réussi à le faire à 4h du matin en étant vraiment malade avec 40 de fièvre, en me disant littéralement : “J’ai besoin d’attention”. Alors, je me suis mise au piano et j’ai commencé à chanter : “J’ai besoin d’attention, qu’on me dise que je suis belle”. Et je l’ai vraiment écrit comme ça.
J’ai remarqué qu’un des trucs qui me maintient aussi dans la dépression, c’est l’égocentrisme. Ce n’est pas : “Oui, tout le monde me regarde en me disant que je suis trop belle”. Non, c’est : “Tout le monde me regarde en disant : c’est qui cette merde ?
Pourquoi elle est dans cette soirée ? On ne l’aime pas.” Ça se traduit plus comme ça. Au début, je donnais un conseil qui était d’en parler. C’est primordial parce que sinon on reste bloqué dans sa tête, on pense être fou et c’est une catastrophe. Et après ne plus en parler.
Je me suis retrouvée un peu bloquée dans ce cercle vicieux à vouloir en parler en permanence, comme si ça justifiait parfois mon comportement.
C’est-à-dire qu’en fait, j’avais tellement peur qu’on me trouve désagréable, chiante, pas assez intéressante que je me disais : “Bon bah je vais dire que je suis en dépression.” Je suis en dépression, c’est une couverture.
Mon dernier EP s’appelle Antidépresseur. Et en fait, toutes ces chansons, je les ai écrites ces deux dernières années surtout où je suis tombée en dépression.
« Je me soigne aussi par la musique »
Toutes ces musiques ont été écrites sous antidépresseurs. Cet EP était même comme un antidépresseur pour moi. Je me soigne aussi par la musique. J’aimerais tellement dire : “Oui, l’EP est sorti, tout va bien. La dépression est derrière moi.” Mais c’est si faux. Non, malheureusement, je suis encore malade. Je vis avec de plus en plus. C’est très très dur. D’autant plus, j’ai l’impression, quand on est artiste.
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