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Vie quotidienne

Lettre à ma sensibilité, que j’ai trop souvent bafouée

Melissa s’est battue des années contre sa sensibilité que le monde semblait rejeter. Aujourd’hui, paisible, elle lui a écrit quelques mots.

« Tu es trop sensible »

Enfant, c’est ce qu’on m’a souvent fait comprendre, de manière plus ou moins explicite. Et quand on est enfant, on fait tout pour plaire, tout pour être aimé.

Ma sensibilité était de trop, et dans mon contexte familial, il n’y avait pas assez de place pour qu’elle s’exprime, alors je l’ai faite taire.

Mon chemin avec mon hypersensibilité

Aujourd’hui, j’ai grandi, mais je continue à reproduire malgré moi ce schéma. J’ai tendance à considérer ma sensibilité comme une tare, à croire qu’elle est de trop et à la cacher.

J’ai tendance à mettre entre moi et mes sentiments une distance, pour me protéger d’émotions trop fortes que j’ai peur de ne pas réussir à gérer.

L’année dernière, j’ai découvert que ma sensibilité était en fait une hypersensibilité.

Je suis hypersensible et jusque là, « m’insensibiliser » m’a permis de gérer ce trop plein d’émotions. Mais ça m’a aussi coupée de moi-même.

Et puis je me suis mise à écrire. D’ailleurs, ce sont les articles 62 réflexions introspectives de Clémence Bodoc qui m’ont donné envie de me lancer à mon tour, merci ♥

J’ai beaucoup écrit pour moi sans partager et mettre des mots sur ce que je ressentais m’a permis de me retrouver, avec ma sensibilité et mes émotions fortes.

Mais quand j’ai voulu partager ce que j’écrivais avec mes proches (sous la forme d’un blog pour le moment), quelque chose a bloqué et ce vieux réflexe de pensée est revenu.

Il ne fallait pas que je montre ma sensibilité, elle était de trop, il n’y avait pas de place pour elle.

Sauf qu’aujourd’hui, je sais que c’est faux.

Ma sensibilité fait partie de moi et je ne veux plus la cacher, alors je lui ai écrit une lettre pour la rassurer, lui dire qu’elle pouvait revenir et se montrer, lui dire que pour moi, elle était ok.

Lettre à ma sensibilité

« Tu es trop sensible. Fais attention, ça va te faire souffrir. »

C’est ce qu’on t’a dit quand tu faisais couler les larmes sur mes joues. C’est ce qu’on t’a dit avant même qu’elles ne coulent, quand tu faisais briller mes yeux de mille feux.

Tu étais de trop et tu me faisais du mal. J’y ai cru, et moi aussi, je me suis mise à te la dire, cette phrase maudite. J’y ai cru, et je t’ai dit de t’en aller quand je sentais les larmes monter, mes joues rougir, la colère m’envahir subrepticement.

Je t’ai dit de partir, j’ai voulu t’anéantir.

Tu es partie et tu m’as laissée vide, sans vie, car tu ne fais pas de distinction entre les émotions, celles qu’on dit « acceptables, confortables » et celles qui le sont moins, qui ne le sont pas et qu’il faudrait éviter pour faire disparaître la souffrance.

Tu n’es pas partie de ton plein gré. Je t’ai enfermée, par peur de déplaire, d’être de trop, de déranger la quiétude d’un monde tout-puissant qui ne pleure jamais.

Je t’ai enterrée bien au fond et je suis devenue aussi froide que la glace qui ne fond pas, aussi lisse et fragile qu’un masque de porcelaine, aussi indifférente qu’un robot sans cœur, aussi vivante qu’une bougie éteinte, qu’un zombie qui ne ressent plus rien.

« Je suis devenue de celles qui ne ressentent plus »

Je suis devenue insensible. Je suis devenue de celles qui filent droit tout le temps, de celles qui ne font jamais de vagues, qui sont d’accord avec tout car elles n’ont pas d’avis, qui se plient en quatre pour satisfaire les autres.

Je suis devenue de celles qui ne ressentent plus, qui ne pensent plus, qui ne vivent plus vraiment non plus. La survie, le pilote automatique, c’est tout ce qu’il est resté.

La survie, le pilote automatique, et ce vide, immense

.

Un vide si menaçant, si oppressant, si attirant que j’ai eu peur de le regarder en face. En espérant le faire disparaître, lui aussi, pour le masquer, je l’ai rempli du mieux que j’ai pu.

J’y ai mis le travail, la pression de la réussite, la course à la perfection. J’ai couru le plus vite possible pour ne plus le voir, j’ai essayé de te semer, toi et le vide menaçant avec lequel tu m’avais laissé.

Mais je n’y suis jamais arrivée pour de bon.

C’est quand je t’ai crue loin, quand je me suis crue hors d’atteinte que tu as refait ton entrée. Une entrée en grandes pompes.

Ignorée trop longtemps, enfermée, rabaissée, humiliée, tu voulais te faire remarquer : crises de larmes incontrôlées, fous rires nerveux, peurs paniques.

Sensations de malaise, de mal-être constant. Impression de ne pas être à ma place, de ne pas être moi-même. Sentiment d’étrangeté, addictions en tout genre, compulsions. Tu as multiplié les signaux pour me rappeler ta présence.

Même si je ne voulais plus de toi, tu étais encore là et tu ne comptais pas te laisser faire.

Je t’ai détestée. Tu me rendais faible, fragile, bizarre. Tu faisais de moi une étrangère à mes propres yeux. Tu révélais des dysfonctionnements insupportables aux yeux d’une fille qui courrait derrière la perfection.

Hypersensible. Encore une fois, tu étais de trop. Des pics de sensibilité au sein de l’anesthésie générale forcée. Tu me faisais sortir de moi-même et de cette image lisse et contrôlée que je voulais renvoyer.

« Tu es cette étincelle qui éclaire le ciel gris… »

Je n’ai plus réussi à t’ignorer. Peu à peu le verrou a sauté, les vannes se sont ouvertes et des vagues de larmes, des larmes de sang, de tristesse et de colère sont venues combler le vide que tu avais laissé.

C’est comme si toutes ces années, il t’attendait. Le vide t’avait gardé ta place, une place toute chaude au milieu du froid qui me faisait frissonner.

Tu as repris ta place brutalement. Tu t’es écroulée sur ta chaise et tu as crié. Tu as versé des torrents de larmes, tu as fait jaillir le feu et le sang.

Ça a fait mal mais ça m’a fait du bien. Tu as été beaucoup, mais tu n’as pas été de trop. Tu as été toi-même après des années d’enfermement, et je t’en remercie.

Peu à peu sont apparues les vagues de douce chaleur, les larmes de joie. Une joie profonde qui n’a rien à voir avec la joie lisse et fade du masque de porcelaine.

Chère sensibilité, tu es ce que j’admire le plus chez les autres.

Tu es cette étincelle qui éclaire le ciel gris, cette chose mystérieuse qui me relie au monde et à la vie, avec toutes ses facettes, les plus lumineuses comme les plus sombres.

Tu fais disparaître mon sentiment d’absurdité, tu me fais m’émerveiller, me révolter contre ce que tu juges injuste et inhumain. Tu me fais pleurer, de joie, de tristesse, parfois les deux en même temps. Tu fais rougir mes joues de honte parfois.

Tout ça est ok.

Je ne veux plus te cacher sous des airs de dure à cuire, de détachement et d’invulnérabilité. Je ne veux plus que tu te recroquevilles derrière un masque lisse et mensonger. Tout ça est ok. Tu es ok.

Welcome back !

Accepter et embrasser ma sensibilité

Je voulais partager ce texte, que j’ai déjà publié sur mon blog perso Le Grand émerveillement, parce que je pense qu’on est nombreux et nombreuses, hypersensibles ou non, à mettre au placard notre sensibilité, et à ne pas oser montrer ce qu’on ressent par peur de trop en faire, de déplaire, de ne pas être aimées.

Au-delà des contextes familiaux personnels, je pense que les nombreuses normes et injonctions véhiculées par la société — être forte, performante, compétitive, parfaite — ne nous aident pas à nous sentir autorisées à exprimer notre propre sensibilité.

Encore trop souvent, j’ai l’impression que la sensibilité et ses manifestations (les larmes, les cris…) sont vues comme une faiblesse à éradiquer pour répondre aux fameuses injonctions citées plus haut.

Je pense qu’il est important de s’élever contre ce type de discours qui nous uniformisent et nous coupent de nous-mêmes dans notre singularité.

Nos sensibilités ne sont pas de trop et il y a de la place pour chacune d’entre elles, aussi diverses soient-elles.

Chacun, chacune a une sensibilité unique qui fait de lui ou d’elle la personne qu’elle est et toutes les sensibilités sont aimables, acceptables.

Ma sensibilité est ce qui me rend humaine. Lui dire « tu es ok », c’est m’accepter telle que je suis, une être humaine avec des émotions, tout simplement.

Si ce texte peut aider d’autres personnes à mieux s’accepter, avec leur sensibilité, leurs émotions, leur humanité, j’en serai ravie !

À lire aussi : Lettre à mon hypersensibilité, ce cadeau qui me fait voir la vie autrement

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Les Commentaires

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Avatar de Alguiliguili
19 mai 2019 à 16h05
Alguiliguili
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