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Comment ma gardienne d’immeuble est devenue ma némésis

Cheyenne a des problèmes de voisinage. Si elle peut passer outre le bricoleur fou du 5e qui plante des clous toute la sainte journée, elle a plus de mal avec sa gardienne, qui s’introduit chez elle sans lui demander la permission…

Mes premiers fantasmes de jeune ado ne concernaient ni Li Shang dans Mulan, ni même ce bon mécheux de Phœbus, le gars d’Esmeralda, mais bel et bien… un verrou. Cet obscur objet du désir qui permettait de faire ce que bon nous semblait dans notre chambre sans que nos parents aient un regard dessus.

Masturbation intense, lecture après minuit ou simplement mise en bordel indécent de la pièce : le verrou rendait tout possible, et surtout l’intimité.

Chez Castorama ou Bricolex, j’osais donc parfois, à 12 ans, un regard langoureux dans leur direction, sans que ni ma mère ni mon père ne cède jamais à mes roucoulades. C’est ainsi qu’on entrait dans ma chambre comme dans un moulin, faisan fi bien sûr de ma souffrance profonde : celle de n’avoir jamais LA PUTAIN DE PAIX.

Heureusement, les années passèrent, et un jour, j’eus un appartement à moi. On me confia alors un trousseau de clés contenant de quoi locker non pas un, non pas deux, mais bien TROIS verrous.

L’équivalent, en terme de fantasmes, d’un gang bang avec la crème de la crème des contorsionnistes. Je vivais un rêve.

Malheureusement, j’ai appris à mes dépends que l’intimité n’est pas une notion commune à tous, et surtout pas à ma gardienne, qui possède un double de mes clés…

Je pensais être enfin tranquille, j’avais tort

Voilà un peu plus d’un an que j’habite seule dans un appartement cossu du nord de Paris, sur une petite colline du 18e arrondissement — un quartier bobo où personne ne mange de gluten et où tout le monde fait la queue devant la boutique éphémère de la rue Montcalm, lorsque celle-ci est louée par un vendeur de plantes grasses pas chères, pour s’acheter un cactus de taille humaine.

Montmartre, c’est une vie de quartier, et il n’est pas rare de saluer le barman du coin chez le libraire, lorsque le Covid nous permet une libre circulation.

Ravie de payer trop cher un loyer pour compter parmi les élus des coins cool de Paris, je coule dans ma rue pavée des semaines délicieuses, en vivant largement au-dessus de mes moyens.

Mon quotidien est d’autant plus savoureux que je vis seule pour la toute première fois.

La sensation d’être l’unique propriétaire de mon espace (bien que je sois locataire) fut au départ à ce point orgasmique qu’il m’arrivait de passer des soirs seule à simplement boire un grand verre de rouge assise sur mon parquet, à contempler ma porte vieille et robuste, satisfaite de savoir que personne ne troublerait ma paix.

Mais la vie, à l’instar du cinéma, met toujours sur notre route une némésis, qui aura à cœur de bien effectuer des tresses avec nos ovaires.

La mienne a les cheveux blancs relevés en un maigre chignon, des lunettes en demi-lune et une voix d’un autre monde.

Ma gardienne, ma némésis

Je n’ai jamais eu peur ni des serpents, ni des serial killers, mais j’ai peur de Mme Claudel au point d’élaborer des plans plus chiadés que dans Ocean’s 8 pour aller jeter mes poubelles sans la croiser.

Et pour cause : sitôt qu’elle m’aperçoit, elle hurle un flot d’accusations en ouvrant si grand la bouche qu’elle pourrait, j’en suis sûre, m’avaler tout d’un coup, en une seule fois !

Voilà les chefs d’accusations qui sont retenus contre moi :

  • J’aurais « veillé » avec des amis jusqu’à 22h30 (ouhlala) d’après le magnétiseur du troisième étage, porte de gauche
  • Le tapis berbère qui repose tranquillement sur mon balcon serait de « mauvais goût » d’après la dame de l’immeuble d’en face (véridique)
  • J’aurais claqué la porte d’entrée une fois, en février 2020

Bref, je suis l’ennemie à abattre, non seulement pour ma gardienne mais pour le magnétiseur, la dame de l’immeuble d’en face et la police des portes qui claquent.

Aujourd’hui, quand je descends faire mes courses, je plaque une oreille contre le sol de mon entrée pour être sure que personne n’est dans le hall, et je pars en chaussettes, n’enfilant mes souliers qu’une fois dehors pour qu’aucun bruit ne fasse sortir ma gardienne de sa taverne.

Je vis dans la peur. J’ai l’impression d’être Mesrine.

Au début, j’ai tenu bon et surtout tête à mes oppresseurs. Mais désormais, le confinement nous ayant rendus encore plus hostiles les uns aux autres, je suis devenue une véritable vicos. De celles qui font des descentes d’organes dès qu’on frappe à leur porte.

Et j’exagère à peine.

Ma gardienne rentre chez moi sans me prévenir

Vous vous dites sans doute que ces petits conflits entre voisins sont monnaie courante, et vous avez bien raison : dans les grandes villes où personne ne supporte le bruit mais en fait plus que les autres, il est presque de bon ton de râler contre les locataires qui nous entourent.

Certes, mais… il y a « voisins relous » et « voisins relous ». Ceux qui ne disent pas bonjour dans l’ascenseur, et puis ceux qui n’ont peur de rien.

C’est le cas de Mme Claudel, qui ne recule devant aucune solution farfelue pour assoir son règne. Oui, parce qu’il faut savoir une chose sur notre gardienne à lunettes, c’est qu’elle est persuadée que l’intégralité de l’immeuble est son habitat !

C’est ainsi que par une belle pause déjeuner du mois de novembre, je retrouvai Mme Claudel DANS MON SALON où elle s’était introduite sans me prévenir à l’aide du double de mes clés.

Alors que je tentai de faire une sieste, j’entendis en effet une voix de stentor commenter le mauvais état de ma fenêtre. L’individu était tout simplement rentré, pensant que j’étais absente, en compagnie du gars qui répare tous les problèmes de l’immeuble, pour examiner ma fenêtre. Nue, choquée, j’ai gueulé :

— Je suis dans ma chambre, et en culotte !

Ce à quoi ma gardienne répondit simplement, pas honteuse pour un sou, « Ok, je ferme la porte ! » Après quelques commentaires sur ma manière douteuse de faire le ménage, elle repartit comme elle était venue : bruyamment.

Muette, en slip, et passablement secouée par cette intrusion inattendue, j’hésitai entre descendre confronter ma némésis ou remercier le ciel d’avoir sur ma route une personne qui s’occupe à ma place des boulots de réparation.

Car soyons honnêtes, je n’aurais JAMAIS pris l’initiative d’appeler un gars pour bricoler ma fenêtre. Déjà que j’ai pas de Pass Navigo…

Ma gardienne lave mes petites culottes

Quelques semaines plus tard, alors que j’avais passé d’agréables jours de confinement chez ma mère, je revins chez moi pour prendre mon courrier. Mme Claudel, qui vit manifestement le nez collé contre la fenêtre de son salon, ouvrit la porte sitôt qu’elle me vit entrer.

« Mademoiselle, je vous ai monté vos colis chez vous. Et comme c’était le bazar, j’en ai profité pour faire un peu de ménage et j’ai lancé une machine. »

Estomaquée, j’hésitai entre deux pensées contradictoires :

  • Elle était ENCORE rentrée chez moi sans me prévenir, violant ainsi mon intimité (et la loi)
  • C’était quand même sympa de sa part d’avoir lavé mon linge, d’autant plus que j’ai la lessive en horreur

J’ai donc balbutié un remerciement, lui ai précisé qu’elle n’avait pas à faire ça, que c’était à moi de prendre soin de mon intérieur, mais elle me répondit fièrement :

« Allez voir, ça n’a jamais été aussi propre ! »

Une fois chez moi, je constatai qu’en effet, l’appart était nickel et que mes petites culottes avaient été méticuleusement accrochées au tancarville à l’aide de pinces à linge.

Cette fois-ci, j’éprouvais moins d’animosité à l’égard de ma gardienne. Certes, la personne avait pénétré mon intérieur sans me prévenir pour mettre son nez dans ma cyprine séchée… mais en même temps, c’était la première fois que mon appart sentait le crâne de Monsieur Propre.

Et puis franchement, qui aime faire des machines ?

Je commençai à trouver un charme tout nouveau à mon némésis : le charme des gens qui font les choses à votre place. Qui sait, peut-être qu’elle savait aussi faire la compta ? Peut-être même qu’elle aurait pu commander un Pass Navigo à ma place, moi qui ai peur des comptoirs de la RATP…

L’heure de l’affrontement est venue

Récemment, Mme Claudel s’est attelée à quelques autres zinzineries du même goût, comme m’intimer de faire des dizaines de beignets pour une obscure fête de rue qu’elle organisera sitôt le confinement terminé.

Je compris alors que je vivais ce qui ressemblait fortement à un troc.

Dix culottes à l’odeur de lavande contre une trentaine de beignets au sucre. Un procédé vieux comme le monde, censé nous arranger chacune.

Oui mais voilà, j’ai pesé le pour et le contre, et le bordel ne me semble pas 100% équitable ! D’autant plus que tenir le stand de beignets sous-entend me taper la fête de la rue, avec la police des portes qui claquent, le ministère des tapis de bon goût et le syndicat du bricolage dominical.

Une perspective qui m’enchante de manière très moyenne.

Même si ma flemme légendaire et mon animosité pour la Soupline ont failli avoir raison de mon bon sens, il est temps que je rétablisse l’équilibre de l’univers en revoyant avec ma gardienne la notion d’intimité.

Le troc, de toute façon, c’est tellement -6000 av JC !

Il est interdit de rentrer chez les gens sans leur accord

Il convient, par ailleurs, de remettre l’église au milieu du village : la loi interdit fermement que quiconque (sans notre accord bien sûr) pénètre dans notre domicile.

Selon l’article 226-4 du code pénal :

« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le maintien dans le domicile d’autrui à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »

La loi permet toutefois, dans certains cas, d’après le site Justice.ooreka, à certaines personnes de rentrer chez vous : le propriétaire (dans des cas bien précis), les huissiers (avec un titre exécutoire), les ouvriers mandatés, les forces de l’ordre, les pompiers ou les agents de l’administration.

En d’autres termes, Madame Claudel n’est pas autorisée à rentrer chez moi sans mon accord. Tant pis pour mes petites culottes et les habitants de ma rue : je ne tiendrai pas le stand de beignets cette année !

À lire aussi : Mes connards de voisins, mes pires ennemis du confifi

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Les Commentaires
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Avatar de Flopidou
27 janvier 2021 à 10h36
Flopidou
Je suis une pure trouillarde (une tendance que j'alimente bien gentiment à coup de Faites entrer l'accusé et autres récits de faits divers glauques :cretin, ça m'est déjà arrivé de sursauter de peur en croisant quelqu'un dans l'escalier de mon immeuble, donc honnêtement si quelqu'un essaie de s'introduire chez moi quand je suis là, je vais pas du tout avoir de pensées rationnelles du type la personne s'est trompée, ou c'est un livreur/réparateur et j'avais oublié qu'il devait venir, ou alors c'est quelqu'un qui veut voler des trucs mais qui ne fera pas de mal si je n'essaie pas d'intervenir. Mon premier réflexe va être de me dire : iel est là pour me tuer. Du coup j'avoue que j'ai déjà pensé à des solutions type faire chauffer ma bouilloire au max pour en balancer le contenu sur la personne. Et en même temps, rationnellement, je ne souscris pas du tout à la légitime défense type USA où tu peux abattre un type au fusil si tu penses qu'il est en train de violer ta propriété. Donc c'est compliqué.

En tout cas, j'étais surprise de la nonchalance de l'auteure en lisant le témoignage. Quelqu'un qui rentre chez moi sans mon accord pour faire la lessive et le ménage, même si je sais qui c'est, même si ça part d'une bonne intention, c'est no way, je trouverais ça complètement creepy. C'est une intrusion totale dans mon intimité, l'idée qu'on puisse toucher à mes affaires en mode open bar, quand bien même ce ne serait pas des objets de valeur d'ailleurs. (En même temps, je suppose qu'il y a une part de second degré dans ce détachement affiché, une prise de distance volontaire par rapport aux évènements racontés ? J'imagine que dans la vraie vie, la première réaction de l'auteure en voyant ses culottes propres n'a pas été uniquement de se dire "boarf, j'aime pas faire ma lessive en même temps" :cretin Après j'ai jamais vécu dans un immeuble avec gardiennage, peut-être qu'il y a une mentalité particulière qui fait que ça paraît plus acceptable ? Du genre "je suis là pour veiller sur les habitants". Soyons claires, je ne critique pas les réactions de l'auteure, je pense au contraire que c'est mieux de réagir calmement pour éviter l'escalade.
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