« [Emma] se déshabillait brutalement, arrachant le lacet mince de son corset qui sifflait autour de ses hanches, comme une couleuvre qui glisse », écrit Flaubert dans Madame Bovary, scellant dans une allitération en S toute la sensualité ambivalente du corset à travers le male gaze, tirant son érotisme de sa dimension contraignante. C’est là tout le paradoxe des vêtements contemporains inspirés de corsetterie. Celle-ci a en partie servi à contraindre le corps des femmes pour avoir la taille la plus fine possible, les étouffant, perturbant leur système digestif, déformant leur corps jusqu’à parfois les rendre dépendantes pour les tendances mode les plus extrêmes.
Le corset contemporain prétend ne plus vouloir contraindre le corps des femmes
Pourtant, depuis quelques saisons déjà, des pièces d’inspiration corset s’imposent comme tenue d’extérieur, à porter comme un crop top sans rien en-dessous, ou par-dessus une robe ou une chemise par exemple. Mais pas dans sa version gainante, amincissante, et contraignante, que vante tant le clan Kardashian-Jenner.
Au contraire, les vêtements librement inspirés de corset prétendent désormais accompagner les femmes dans leurs mouvements. Lors du Met Gala 2022 sur le thème du Gilded Glamour (le glamour de « l’âge d’or » étatsunien de la fin du XVIIIe siècle à la première moitié du XXe siècle), de nombreuses célébrités ont également endossé leurs plus beaux corsets et corps baleinés, remettant la tendance sur le devant de la scène mode, en plein revival Y2K.
Comme si, après deux années passées à moitié confinées par le Covid dans des tenues d’intérieur plutôt souples dont des joggings, certaines personnes désiraient se tourner vers une allure plus architecturée, également inspirée en partie par les tenues de Bridgerton.
Comment porter le corset en 2022 sans s’étouffer
Bien moins étouffants que les modèles datant d’avant le XXe siècle, les corsets de créateurs particulièrement en vogue dans les années 1980-1990 comme Chantal Thomass, Jean Paul Gaultier, Thierry Mugler, ou encore Vivienne Westwood s’arrachent aujourd’hui sur les sites de seconde main.
De jeunes designers, à l’instar d’Agathe Leroy ou ByColine, se mettent aussi à en proposer des versions encore plus contemporaines, allégées de quelques baleines, pour faciliter les mouvements dans ce vêtement autrefois si contraignant. Evidemment, du côté de la fast fashion aussi, toutes les marques à petit prix se mettent à en proposer. Y compris de grands équipementiers sportifs, ce qui aurait pu sembler contre-intuitif tant ce vêtement reste associé, dans l’imaginaire collectif, à la contrainte du corps des femmes.
Le corset d’aujourd’hui se veut donc plus léger, décontracté, voire sportif : on ne cherche plus à le serrer un maximum pour afficher une taille de guêpe, et l’associe volontiers à une robe-pull mousseuse, une chemise bouffante, ou encore un pantalon baggy. De quoi créer des effets de contrastes stylistiques savoureux : entre ce haut structuré, sophistiqué, et semblant suranné, versus d’autres pièces plus décontractées et modernes.
Autant de raisons qui peuvent expliquer en partie pourquoi le corset parvient à se frayer un chemin comme une tendance possible alors que le grand public se veut plus body-positive que jamais. Un énième paradoxe textile comme la mode les aime tant.
9 corsets à enfiler sans trop les serrer, parce que faut pas déconner

Corset imprimé renaissance — Le Liona via Etsy — 26,50€.

Top façon corset structuré — Puma — 32,99€.

Corset blanc avec bretelles rubans — TheDivineCorset via Etsy — 30€.

Top façon corset effet satin — adidas Originals — 18€.

Corset imprimé buccolique à laçage bleu — TheDivineCorset — 45€.

Corset à bretelles en mousseline fleurie — Asos Design — 38,99€.


Corset en velours à armatures — Asos Design — 35,99€.

Crédit photo de Une : captures d’écran Instagram
Les Commentaires
17
- Concernant Sissi, je parlais de la "réception" actuelle du corset, pas de la manière dont le corset était vécu et perçu par les femmes de l'époque. La réception actuelle ce serait : on ne nous illustre le port du corset que dans la douleur et la vanité, à ça on ajoute l'idée de que les femmes pendant tous ces siècles n'ont rien produit de valeur (faut voir La Pléiade, là je viens de trouver un chiffre de 2017 : 209 hommes pour 14 femmes). Le combo ultime pour parfaire l'idée fausse et dommageable de l'infériorité intellectuelle des femmes du passé.
- Je suppose, juste une idée, que l'origine du corps à baleine (ou ce qui s'y rapproche le plus), ancêtre du corset, devait être pratico-pratique au tout début : si les femmes avaient des tâches qui sollicitent beaucoup le dos (porter des charges lourdes, travailler la terre, ... beaucoup de tâche à mains nus ou avec outils rudimentaires), l'invention d'un tel objet fai(sai)t sens.
- Pour ce qui est de ta remarque sur les photos anciennes montrant que laçage serré des corsets étaient répandus, je ne pense pas que tu aies tort, mais qu'il faut nuancer :
- d'une part, les photos, on n'en prenait pas souvent donc il fallait marquer le coup et être à son max (en plus d'avoir facilement recours à la retouche). Donc les photos, posées essentiellement, biaisent soit potentiellement la vision que l'on peut avoir du port quotidien du corset ;
- d'autre part, et je crois que Bernadette Banner (voir plus haut dans le topic, je crois que c'est bien cette vidéo) en parle dans une de ces vidéos, les mensurations "idéales" (silhouette finale avec port du corset) présentées dans la presse n'était pas si éloignées de celles actuelles ;
- autre point : les proportions. Il s'agit également d'effet d'optique avec des ajouts de matière sur les hanches et le haut du buste. beaucoup La youtubeuse Bella Mae's Design dans une de ses multiples vidéos sur sa reproduction de la robe de Cendrillon "Cinderella Dress Breakdown - Details of the Huge Skirt & Tiny Waist - Part 1" disait qu'il y a beaucoup d'effet d'optique qui jouent pour crée cet effet dramatique de taille fine, en plus du potentiel laçage serré et de la retouche vidéo ;
- dernier point, d'après des gens qui ont l'habitude de porter des corsets régulièrement (mon échantillon d'individus n'est pas grand, donc pour la représentativité, on repassera), ce serait plus confortable que les gaines. Je crois que cite ma dernière référence : avec Abby Cox "I Wore 18th-Century Clothing *Every Day for 5 YEARS & This Is What I Learned (Corsets Aren't Bad!)" et "Reacting to Vogue's "Everything You Need to Know About the Corset" cause we haven't suffered enough." (à 18'52, elles parlent des gaines).