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Comment devenir parent quand on est soi-même orphelin ?

En France, l’orphelinage précoce concerne 3 % de jeunes de moins de 25 ans*. Une fois adultes, le deuil peut ressurgir au moment de devenir parents. À quoi s’attendre ? Comment repérer un éventuel mal-être ? Nos conseils pour vivre au mieux cette étape.

Lorsque son père est mort, mon amie Claire, alors âgée de 25 ans, a eu une envie soudaine d’avoir un enfant, prise, raconte-t-elle, d’une « bouffée de vie ». Si son projet ne s’est finalement concrétisé que trois ans plus tard avec l’arrivée de sa première fille, j’avoue avoir été assez surprise de sa réaction.

Pour en avoir le cœur net, j’ai demandé l’avis de Nathalie Lancelin, psychologue spécialiste de la périnatalité, histoire qu’elle m’explique ce qu’il se passe dans la tête d’une femme qui perd l’un de ses parents, ou les deux, avant de devenir mère.

« Être orphelin change le regard sur la vie, c’est une certitude, m’explique-t-elle. Mais, face à cela, deux comportements sont possibles : soit, comme Claire, l’envie de créer sa propre famille se fait pressante. Soit, c’est l’inverse, et le désir d’enfant s’en trouve perturbé. Il arrive même que certaines femmes aient du mal à tomber enceintes ; ce qui n’exclut bien sûr pas qu’une grossesse ait lieu par la suite, le temps que le deuil fasse son œuvre ». 

Être marqué à vie

Le deuil, Claire pensait l’avoir fait au moment où le test lui a révélé qu’elle était enceinte. Mais, rapidement, des souvenirs douloureux ont refait surface, et à mesure que son ventre grossissait, une peur panique s’est installée : celle de devoir accoucher à l’hôpital… « Pour moi, c’était un lieu où on mourrait et non un endroit où l’on donne aussi la vie », avoue celle qui a dû consulter un psychologue pour apaiser ses craintes.

L’orphelinage précoce est une cicatrice qui marque à vie et dans ce chamboule-tout hormonal et émotionnel qu’est la grossesse, il arrive que la blessure se rouvre. « C’est effectivement une période charnière, mais heureusement cela ne se passe pas mal pour tout le monde. Il faut simplement être conscient que durant ce laps de temps, des fragilités peuvent ressurgir et qu’il est important de ne pas enfouir pour éviter que cela ne déborde trop », glisse, rassurante, Marie Tournigand, déléguée générale de l’association Empreintes.

Angoisses, difficultés de sommeil, images intrusives, réminiscences, émotions exacerbées… sont autant de signes qu’un blocage dans le processus de reconstruction persiste. Dans ce cas, il faut y voir l’occasion de s’autoriser à faire le point avec un thérapeute formé au deuil ou solliciter une association spécialisée pour participer par exemple à des groupes de parole.

« L’idée de ce travail est d’aider les parents à profiter de la grossesse, censée être un évènement heureux, mais aussi d’éviter de passer deux, trois cailloux dans le sac à dos du bébé quand celui-ci pointera le bout de son nez », appuie Nathalie Lancelin qui conseille aussi de parler à son enfant, y compris in utero

Du soutien ailleurs

En discuter avec lui, c’est assurément une façon de ne pas en faire un tabou. Oui, votre bébé n’a pas la chance de connaître une partie de ses grands-parents en chair et en os, mais à travers les histoires de famille que vous lui racontez, les photos ou les vidéos grâce auxquelles il va pouvoir mettre un visage sur un nom, leur mémoire reste intacte.

« Tant qu’on s’en souvient, ils vivent un peu », résume très justement Julie, qui a perdu son père à 12 ans et sa mère 3 ans après la naissance de sa fille Ella. « Pour moi, leur mort est un non-sujet, dans le sens où je n’ai aucun mal à l’aborder avec ma fille. Par contre, je trouve difficile d’être ainsi coupée de mes ascendants. Quand j’ai des questions sur mon passé, elles restent sans réponse », regrette cette graphiste nantaise.

On sait l’importance d’avoir le soutien de ses parents quand on le devient soi-même. Mais quand les liens sont rompus, par la mort notamment, le soutien peut provenir de son partenaire, des proches, d’amis, de pairs ou de professionnels (PMI, associations dédiées à la parentalité, sage-femme).

Un conseil : n’hésitez pas à lister les personnes susceptibles de vous aider au quotidien et durant les moments de vulnérabilité. Vigilance notamment aux dates anniversaires. Certains orphelins font de l’anniversaire du jour de la mort de leur(s) parent(s) une fête. À vous de trouver le rituel qui vous fait du bien ou d’identifier les activités ou les lieux qui vous apaisent quand l’émotion rejaillit.

Julie, elle, a choisi la fête des Mères pour honorer la sienne. Chaque année, elle envoie un bouquet de fleurs à ses deux sœurs, et en prime, elle reçoit un câlin de sa fille. Une belle revanche sur la vie !

À lire aussi : J’ai été adoptée quand j’étais bébé, et devenir mère a chamboulé mon rapport à la filiation

* Source : C. Flammant, Population & Sociétés, INED (Institut national d’études démographiques), août 2020


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