Cette semaine se tient à Copenhague (Danemark) le sommet mondial de la mode, ouvert le 7 juin 2022. Il vise à penser un présent et un futur plus durable pour l’industrie textile. Et il a commencé fort, par une promesse inattendue de la part d’un tel géant de l’ultra fast-fashion : Shein s’engage à verser 15 millions de dollars (soit environ 14 millions d’euros) sur trois ans à une organisation caritative travaillant à Kantamanto, à Accra. Capitale du Ghana, cette ville abrite le marché de vêtements d’occasion qui s’affirme comme le plus grand du monde.
Liz Ricketts, directrice de l’association en question qu’est la Fondation Or, a ainsi expliqué en larmes à quoi ressemble le métier de ces orpailleurs textile, comme le rapporte le Guardian :
« Ce sont des migrants économiques du nord du Ghana, et ce sont souvent des femmes et des enfants, dont certains n’ont que six ans. Elles portent des ballots de vêtements sur la tête qui pèsent 55 kg, sont payés un dollar par voyage et rentrent chez elles pour dormir sur des sols en béton.
Certaines portent leur bébé sur le dos. Parfois, elles tombent en arrière à cause du poids des ballots, et leurs enfants sont tués [en dessous]. »
Une opération de greenwashing de la part de Shein ?
D’après cette directrice de l’association Fondation Or, 15 millions de vêtements d’occasion arrivent chaque semaine au Ghana, dont 40% tiennent de déchets. Or le pays ne compte ni décharge digne de ce nom, ni incinérateur. Si bien que les vêtements se dégradent dans l’environnement, débordent dans les égouts, polluent les plages, et se décomposent péniblement dans les océans, abîmant la faune et la flore.
C’est ce que racontaient notamment le récent documentaire Sur le front : Où finissent nos vêtements ?, diffusé en décembre 2021 sur France 5, mais aussi cette pétition du collectif français En mode climat, datée du même mois, pour interpeller le Ministère de l’Écologie afin d’empêcher que l’Occident ne continue de se servir de l’Afrique comme sa poubelle à ciel ouvert de mode jetable.
Cela peut donc sembler être une bonne nouvelle pour le Ghana. Mais cela sert également d’opération d’écoblanchiment pour Shein. En effet, ce géant chinois de l’ultra fast-fashion se donne ainsi une image responsable et soucieuse de l’environnement par cette action qui représente beaucoup d’argent aux yeux du grand public. Mais pour une entreprise évaluée à 100 milliards de dollars, donner à une association 15 millions de dollars échelonnés sur trois ans tient d’une maigre opération de charité.
Un petit pansement local sur une industrie mondiale gangrénée
Cette opération de greenwashing tient en fait de pansement trop petit sur une fracture, ou même tout un organisme gangrené. En effet, elle peut donner l’impression qu’il s’agit d’un problème local, alors que c’est toute l’industrie de la mode mondialisée et son hyperproduction qui pose question. Et menace l’environnement partout.
Ce petit geste au Ghana annoncé par un géant chinois lors du sommet mondial de la mode dans une capitale occidentale rappelle et renforce les dynamiques entre pays riches dits du Nord versus les pays dits du Sud. L’industrie textile repose particulièrement sur cette dichotomie dont elle tire un maximum de profit, vendant à l’Occident des vêtements confectionnés en Afrique ou en Asie du Sud par une main d’œuvre souvent sous-payée et maltraitée. Et la pandémie n’a fait qu’aggraver les choses pour les ouvriers textile qui sont surtout des femmes.
Alors, certes, c’est un petit pas dans la bonne direction de la responsabilité sociale et environnementale de la part de Shein. Et d’autres marques gagneraient à en faire de même. Mais prendre le problème à la racine consisterait à produire beaucoup (beaucoup) moins et mieux, ce qui reviendrait à repenser complètement son modèle économique… Mais Shein n’aurait alors plus rien d’un géant qui fait semblant d’avoir la main verte.
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Crédit photo de Une : Capture d’écran Instagram @sheinofficial
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