Initialement publié le 22 mars 2018
Comment aimer son corps ?
J’ai des kilos « en trop » et je le vis bien !
Comment j’ai fait la paix avec mes complexes
Tous ces titres, et bien d’autres encore, vous les avez probablement vus passer sur Internet, dans la presse, sur les réseaux sociaux.
Depuis pas mal d’années maintenant, la question du rapport au corps, notamment du côté des femmes, est largement abordée dans les médias.
Tout récemment, j’ai relayé sur madmoiZelle la vidéo de Marion Séclin, Mon corps ce héros, et ce commentaire a fait réfléchir ma collègue Louise :
Elle m’a proposé de me pencher sur ce sujet pour en faire un article.
Le rapport au corps, est-ce so 2013 comme thème ? Est-il temps d’arrêter d’en parler ? A-t-on déjà tout dit ?
Voici mes réflexions à ce propos !
Le rapport au corps, sujet multiple et complexe
C’est presque réducteur de parler de « rapport au corps » tant il existe de corps différents, avec des problématiques d’acceptation différentes.
Des kilos « en trop » pour l’une seront désirables pour l’autre ; accepter de gros seins, ce n’est pas comme faire la paix avec un bonnet A ; se réapproprier son corps via un tatouage, ce n’est pas pareil que faire la paix avec des cicatrices…
Chaque personne a un corps unique, et entretient avec lui un rapport singulier, fait de ses propres expériences.
Deux femmes à la morphologie similaire peuvent avoir des réflexions bien différentes, car il suffit parfois d’une phrase pour faire naître ou disparaître un complexe !
À lire aussi : Celui qui m’a fait perdre confiance en moi (alors qu’avant, ça allait)
Bien sûr, il est possible de tirer de grandes lignes.
Dans une société où la femme parfaite est jeune, blanche, mince, avec un bonnet C et des fesses rebondies, il est souvent difficile d’accepter ses bourrelets, son âge, ses cheveux crépus.
Mais il n’empêche que le complexe des un·es est la force des autres, et qu’il est impossible d’aborder le sujet du rapport au corps dans son intégralité, car chaque personne a son grain de sel à ajouter !
Léa Bordier, qui a lancé la série de vidéos anti-complexes Cher Corps, m’explique :
« J’aurai JAMAIS fait le tour du sujet, c’est infini : je m’étais même pas rendue compte que j’avais publié plus de 50 portraits !
Deux femmes qui ont un physique à peu près similaire vont avoir des histoires totalement différentes à raconter.
Il y a des sujets qu’on découvre à peine (je pense au vaginisme par exemple) et dont on commence à parler, il faut continuer pour que les femmes soient informées et ne se sentent pas seules. »
À quoi bon parler du rapport au corps ?
Toutes les parties du corps peuvent faire l’objet de complexes. Même dans les morphologies qui correspondent aux canons de beauté.
Marion Séclin le dit d’ailleurs dans sa vidéo, et ça a généré ce commentaire :
C’est vrai qu’on pourrait se dire « à quoi bon ? ». À quoi bon continuer à parler de ce sujet alors que les complexes semblent toucher tout le monde ?
Eh bien j’ai envie de répondre : un peu de patience !
Le sujet des canons de beauté irréalistes et impossibles à atteindre pour bien des femmes commence à peine à être largement abordé.
Quelques années de sensibilisation, à l’échelle d’une société, c’est un battement de cils, une poussière de temps.
Des femmes qui, comme moi et peut-être comme vous, ont grandi bombardées de messages leur ordonnant d’avoir telle ou telle apparence, ont derrière elles des années voire des décennies d’idées reçues à détricoter.
Il est important pour moi de ne pas baisser les bras, de ne pas considérer la bataille comme terminée — et encore moins comme perdue !
Si, grâce à des articles et réflexions publiées en 2018, une ado née en 2004 peut apprendre à s’aimer, c’est une victoire de remportée.
Léa Bordier abonde en ce sens :
« Je reçois de plus en plus de messages de jeunes (13-14 ans) et ça c’est super parce que c’est une cible importante pour moi.
J’aurais aimé voir ces vidéos à cet âge-là pour m’éviter des années de complexes de merde ! »
Je crois fondamentalement en l’exemple : chaque personne qui aime son corps est une preuve que c’est possible, et va potentiellement aider une autre personne à y arriver.
À son tour, cette personne en inspirera une autre, et cætera, jusqu’à ce qu’un jour, peut-être, on s’étonne de ces femmes malheureuses du XXème siècle, étrangement tristes de ne pas ressembler à des images de papier glacé…
Les femmes ne sont-elles qu’un corps ?
L’autre point que soulève ce commentaire, c’est que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à parler de leur corps.
Je pense qu’il est possible de dégager plusieurs causes à cet état de fait.
En premier lieu, il se trouve que les femmes sont encore trop souvent réduites à des corps. Au niveau de la société, leur valeur est régulièrement placée dans leur physique, leur capital séduction.
Pour être « validée par la société », il faut être une femme capable de plaire aux hommes, et cela passe par un corps normé, une apparence correspondant à de nombreux critères.
Je pense, par exemple, à l’idée que les chaussures à talons, ça fait « plus pro ». En quoi des souliers souvent inconfortables et mauvais pour la posture donnent-ils la moindre indication sur le professionnalisme d’une personne ?
Même dans le cadre professionnel, l’apparence des femmes est régulée. Celle des hommes aussi (costume-cravate, tmtc), mais dans une moindre mesure : la société n’attend pas d’eux qu’ils se maquillent, par exemple, ni qu’ils portent des escarpins.
Donc oui, les femmes parlent plus souvent de leur corps et de leurs difficultés à l’accepter… Car la société leur apprend que leur physique est leur principal atout.
Quid des hommes, me direz-vous ? Eh bien…
Le rapport au corps des hommes, je l’attends toujours
Je ne pense pas qu’on puisse dire que les hommes sont dénués de complexes, loin de là.
Les canons de beauté masculins existent également ; être petit, être chauve, ne pas avoir de barbe, être gros, ne pas être musclé, sont des choses qui vont à l’encontre du « corps masculin parfait ».
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Un podcast sur le sujet des complexes masculins enregistré en 2015 !
Cependant,
les hommes en parlent peu. Les initiatives body positive mettant en avant la diversité des corps masculins restent rares.
Pourquoi ? Probablement en partie parce que la valeur d’un homme est liée à son statut professionnel et à son argent, avant son apparence.
Probablement aussi parce que les femmes ont été les premières à se saisir du sujet « rapport au corps », et que les hommes n’y trouvent pas forcément leur place.
Ils peuvent se sentir illégitimes à en parler, ou considérer que c’est « un sujet de meuf ».
D’ailleurs, dans Cher Corps, il n’y a que des femmes. Plusieurs personnes l’ont fait remarquer à Léa Bordier. Alors pourquoi pas un Cher Corps au masculin ?
« La thématique du rapport au corps chez les hommes est un sujet qui m’intéresse énormément, mais ce n’est pas mon « combat ».
Je ne néglige pas du tout leurs problématiques, mais elles sont différentes et je ne mènerais pas aussi bien ce projet.
Beaucoup me demandent des conseils pour une série Cher Corps sur les hommes. Mon seul conseil c’est : lance-toi à ta façon et fais ce qu’il te plaît en étant sincère. C’est comme ça que tu touches les gens ! »
Une autre piste d’explication pour ce manque de contenu body positive du côté des hommes : dans les codes de la masculinité, qui définissent ce qu’est « être un homme », il y a un rejet de tout ce qui peut être considéré comme de la fragilité.
Parler d’un complexe, c’est assumer une forme de vulnérabilité, et ça reste compliqué pour beaucoup d’hommes.
C’est là où je reprends mon idée de « donner l’exemple » : un homme qui assume un complexe et réfléchit sur son apparence peut en inspirer un autre, puis un autre, et ainsi de suite.
Le rapport au corps n’est pas mort !
Le sujet du rapport au corps est trop vaste pour qu’on puisse un jour en faire le tour.
Bien des pans de ce thème restent des zones d’ombre dans la société : les complexes des mecs, ceux des personnes en situation de handicap, les multiples façons de se réapproprier son corps…
On n’a pas fini d’en parler, et tant mieux !
En réalité, je suis presque contente que certain·es voient le sujet comme « éculé ». Car le jour où il le sera, ça veut dire qu’on aura battu ces saletés de canons de beauté, de complexes imposés.
Et on s’en portera mieux, si vous voulez mon avis !
Mais en attendant, je vais continuer à parler de mes seins en poire, de mon ventre tout mou, de mon mètre cinquante-huit. Je vous lirai parler de vos fesses, cuisses, cheveux, yeux, nez, mentons, pieds, pénis, vulves, genoux, ou que sais-je encore.
Et le jour où la lutte contre les complexes appartiendra au passé, je serai la première à lever mon verre pour fêter ça !
À lire aussi : Comment faire de sa différence une force ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
De plus, la société n'aide pas à s'aimer. Par ex, c'est un exemple bête, mais quand je regarde "les reines du shopping" c'est affligeant tellement cette émission est complexante et moqueuse. Genre, si tu n'es pas grande et fine, tu ne peux rien porter car "c'est pas élégant" ou "que ca grossit" ou que, quand on a de la poitrine ou des rondeurs "faut pas mouler, faut porter du large et pis c'est tout". . C'est bête, mais c'est stigmatisant