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Source : Alice Delapéhaimère
Vie quotidienne

Ce que mon handicap physique a changé à mon rapport au corps et à la sexualité

En 2017, Alice Delapéhaimère a été victime d’un accident de la route qui l’a laissée hémiplégique partielle. Pour Madmoizelle, elle revient sur ce que cet événement a chamboulé dans son rapport à son propre corps, à sa sexualité, mais aussi comment il a modifié le regard que les autres lui portent.

Je m’appelle Alice, j’ai 31 ans et le 31 août 2017, j’ai eu un AVP (Accident de la Voie Publique). 

Je rentrais de mon travail d’été. Ce jour-là, il s’est mis à pleuvoir très fort. J’ai donc fait le choix (dommage) de passer par une route qui me semblait plus sécurisée. Cependant, à un endroit, la route devenait une voie rapide. Je me suis insérée dans une voie d’accélération. Malheureusement, j’ai aquaplané dans la voie d’accélération pour regagner la voie rapide. Et pile à ce moment-là, est arrivé un camion. Ma voiture a perdu le duel. Elle a été complètement écrasée.

J’ai perdu immédiatement connaissance. D’après ce que l’on m’a raconté, j’ai été héliportée à l’hôpital. Je suis restée dans le coma un mois, puis j’ai été en état neurovégétatif pendant cinq mois. Je n’ai aucun souvenir du coma, ni après. Je n’ai pas vécu de réveil brutal. J’ai donc eu le temps d’assimiler mon état. J’ai un syndrome cérébelleux grave qui me prive d’équilibre – donc je me déplace en fauteuil roulant – et une hémiplégie partielle à droite.

« C’est le regard des autres sur moi qui a changé »

Avant l’accident, j’étais pleine de complexes. L’accident ne les a pas gommés. Je me trouve toujours trop grande (1,82 m) et trop mince (61 kg dans les meilleurs jours). Mais maintenant, le fauteuil roulant fait diversion. On ne fait plus vraiment attention à ma personne. Le fauteuil prend toute la place.

J’ai décidé de ne pas voir mon handicap. Ce n’est pas ma vision de moi qui a changé, c’est celle des autres. Le handicap est tellement visible au premier coup d’œil que j’ai l’impression que rien d’autre n’est retenu après une rapide analyse de mon physique.

Mais je ne fais rien pour que le regard des autres change et honnêtement, je me fiche de ce qu’ils pensent. Déjà, j’aimerais me plaire à moi-même.

Je n’ai jamais été amoureuse de moi. L’accident a fait que maintenant, c’est encore pire.

J’ai quelque chose d’autre, de plus, à détester. Mais je me tolère. Et j’essaye d’être un peu plus souple, tendre, douce envers moi-même. 

Je dois travailler mon corps quotidiennement. Le fait de réaliser un réel travail sur lui fait que j’arrive à mieux le tolérer. Mais je ne suis pas encore au point de laisser la porte ouverte à une tierce personne.

Après l’accident, j’ai dû réapprendre à tout faire. Même les choses les plus basiques comme respirer et déglutir. Ce fut donc un très long travail pour ce qui est de prendre simplement soin de moi. J’ai dû réapprendre à me laver le corps, les cheveux et les dents seule.

Une fois que ça a été acquis, j’ai aussi pris l’habitude de me rendre chez la pédicure, l’esthéticienne, chez le coiffeur, à l’onglerie… Cela reste une manière de « prendre soin de moi » très personnelle.

Ne plus avoir de sexualité, un choix personnel

En revanche, depuis l’accident, j’ai décidé de ne plus avoir de sexualité. J’imagine que les autres doivent être dégoûtés. De plus, ça me fatigue de devoir réapprendre ça avec un handicap.

II est donc impossible pour moi d’avoir des relations sexuelles. Mais ça ne me manque pas plus que ça. Comme c’est un choix personnel, je ne peux pas m’en plaindre. C’était plus difficile à supporter la première année. Maintenant, je suis endurcie et convaincue.

Il y a quelques mois, j’ai quand même acheté des jouets intimes « au cas où ». Si jamais je suis tentée (ce qui n’est pas encore arrivé), j’ai un plan pour assouvir mes envies seule. Il est, en effet, impossible pour moi de déléguer cela à une personne tierce. Je suis dans une optique de célibat sans date de fin.

En étant en situation de handicap, on doit sans cesse lutter pour son autonomie et moi, j’aimerais être indépendante le plus possible.

Même si je ne suis plus sexuellement active, je constate que la sexualité des personnes en situation de handicap est clairement un tabou

J’ai moi-même érigé des barrières. J’ai maintenant la sexualité en horreur ; je n’ai plus envie et je considère que les personnes valides n’ont pas forcément de désir pour une personne en fauteuil roulant.

Représenter le handicap dans sa pluralité

Mais c’est justement pour lever ce tabou – que je m’impose aussi à moi-même – que j’ai envie d’en parler. J’aimerais contribuer à normaliser la sexualité d’une personne en situation de handicap. Si c’est collectivement accepté, je pourrais, peut-être, tolérer d’avoir moi-même une sexualité. J’ai conscience que je suis sûrement trop centrée sur l’approbation des autres, mais je ne sais pas comment me défaire de cela.

Alors c’est vrai, les personnes en situation de handicap sont de plus en plus représentées dans les médias. Mais je constate que les personnes médiatisées restent « sélectionnées ». Handicapées, mais pas trop. Juste le fauteuil roulant, mais pas plus.

Cependant il y a encore un frein quant aux représentations de la sexualité des personnes en situation de handicap. Je déplore notamment que les différents handicaps ne soient pas vraiment tous représentés. Cela donne l’impression qu’une personne en situation de handicap est forcément en fauteuil et que son handicap n’est que physique. Or, il existe une très grande variété de handicaps, visibles ou non, physiques ou pas

C’est pour cette raison que j’avais envie de témoigner. Pour tenter de faire bouger les choses. J’imagine bien que la tâche est immense. Mais je vois déjà que, petit à petit, les mentalités évoluent.

Vous pouvez suivre Alice Delapéhaimère sur son blog et sur sa chaîne YouTube.

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Les Commentaires

1
Avatar de Papillon Bleu
24 novembre 2023 à 18h11
Papillon Bleu
Merci à Alice pour son témoignage !
Personnellement, je trouve que pour changer de regard sur le handicap, il faudrait aussi "banaliser" leur représentation. On voit rarement des personnes handicapées dans les films, les séries ou même sur les plateaux TV si le sujet ne porte pas sur le handicap.
Par exemple, quand il y a un débat politique ou économique, pourquoi est-ce qu'on ne voit pas d'experts en fauteuil roulant ou aveugles ou autres ? Je trouve que cela contribuerait à changer le regard de la société.
1
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