« Choisis la pilule bleue et tout s’arrête, après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux. Choisis la pilule rouge : tu restes au Pays des Merveilles et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre. » Plus de vingt ans après sa sortie, cette séquence de Matrix continue de marquer les esprits et inspire aussi bien les cours de philosophie que les forums de complotistes.
Aujourd’hui, c’est au tour de la cinéaste féministe Greta Gerwig de s’en inspirer pour son adaptation de Barbie qui doit sortir le 21 juillet 2023. Dans une nouvelle bande-annonce révélée le 26 mai, celle qui incarne la poupée censée représenter un idéal inatteignable de féminité se retrouve à son tour confrontée à un dilemme similaire.
Face à une poupée gardienne de Barbie Land interprétée par Kate McKinnon, Barbie interprétée par Margot Robbie doit trancher entre une paire d’escarpins roses (ressemblant à des Manolo Blahnik) qui la feraient rester à Barbie Land, ou des sandales plates Birkenstock qui l’emmèneront dans le monde réel.
Quand Barbie doit choisir entre des escarpins ou des Birkenstock
Alors qu’elle s’est mise à marcher sur ses talons, Barbie panique et cherche à retrouver ses habitudes de poupée complètement déconnectée de la réalité. Elle se rend donc chez une espèce de gourou aux airs de poupée maltraitée par des enfants qui lui ont crayonné dessus, coupé les cheveux en pétard et affublé d’une robe peu seyante qui lui présente l’alternative suivante : « Tu dois aller dans le monde réel. Tu peux retourner à ta vie habituelle [via les escarpins] ou tu peux connaître la vérité sur l’univers [via les Birkenstock]. Le choix t’appartient. » Barbie lui répond du tac au tac : « Première option. Les talons hauts. » Avant que la Barbie cassée ne lui force la main pour le bien de l’intrigue du film absolument perché : « Tu dois choisir de savoir, okay ? Recommence. »
L’ultra féminité incarnée par Barbie est-elle l’exact opposé des enjeux de confort et de réalisme ? C’est la question qu’on peut se poser face à cette alternative qui montre bien que la poupée de la femme parfaite selon les codes patriarcaux occidentaux ne pourraient survivre à l’épreuve du réel.
L’hyper féminité complique-t-elle le rapport au réel patriarcal ?
Barbie ne pourrait même pas exister IRL, vu ses mensurations inhumaines et ses habitudes de vie toujours perchée sur des talons de 12 cm, difficilement conciliable avec l’emploi de médecin, d’astronaute, ou d’avocate. Même si certaines femmes de la vraie vie tentent de rendre compatible les codes de l’hyper féminité avec ce que nos sociétés perçoivent comme de grandes carrières, c’est indéniablement inconfortable. Mais c’est bien souvent ce qu’on attend d’elles si elles veulent gagner au grand jeu social de la vie en accédant à des carrières à responsabilité, cela doit se faire en continuant de performer la féminité, sous peine d’être soupçonnées de négligence, ou de subir de la lesbophobie. Une injonction à l’excellence, à l’exemplarité, à la cisidentité et à l’hétérosexualité. C’est notamment visible dans la façon dont on a souvent attaqué Angela Merkel sur sa façon de s’habiller, parfois jugée trop masculine (ce qui lui vaut beaucoup d’attaques lesbophobes), ce qui arrive beaucoup moins à Christine Lagarde (ancienne présidente du FMI et de la Banque centrale européenne), par exemple.
Qu’elles le veuillent ou non, ces femmes souvent perçues socialement comme des modèles de réussite illustrent combien elles doivent souvent répondre à des injonctions contradictoires, tandis que la classe sociale des hommes n’a pas à répondre à de tels dilemmes. Bref, derrière ses grands airs de farce rose bonbon, Barbie compte bien nous faire réfléchir aux injonctions à la féminité, et à combien elles peuvent bien souvent compliquer le rapport au réel. Alors peut-être qu’il vaut mieux vivre la vie en Birk’ qu’en Manolo Blahnik.
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