Elles sont rares, ces séries dont on ressort sans savoir ce qu’on en pense. Mais elles existent.
Parfois, il nous faut quelques heures, voire quelques jours pour les digérer, et nous faire un avis. Impossible de crier à l’adoration absolue, impossible également de vomir une haine quelconque… On est paumées, quoi !
C’est un peu la sensation qu’on a eue au sortir du binge-watching de la série Le Serpent, qui cartonne sur Netflix depuis sa mise en ligne vendredi 2 avril.
Le Serpent, une traque passionnante
À l’origine de ce programme en huit épisodes, il y a une histoire vraie à vous coller la chair de poule. Celle d’un Français, Charles Sobhraj, né le 6 avril 1944 à Saïgon, qui aurait assassiné de sang-froid plusieurs « hippies » européens venus en vacances en Asie du Sud-Est dans les années 1970.
Son modus operandi ? Séduire par de beaux atours et une bonhomie naturelle lesdits vacanciers, avant de les empoisonner et de les achever selon ses envies (et le matos disponible).
Son prétendu job ? Négociant en pierres précieuses.
Mais avant de vous en dire plus sur les ignominies du criminel, revenons aux origines du mal…
Charles Sobhraj est né d’un père indien et d’une mère vietnamienne, mais s’installe en France assez jeune, sa mère s’étant remariée à un Français.
En 1975, alors que l’escroc est à l’apogée de sa confiance en lui, et en son physique (si l’on en croit la série créée par Richard Warlow et Toby Finlay), il rencontre Marie-Andrée Leclerc, une femme plongée dans l’ennui mortifère d’un couple sans passion, qui tombe désespérément amoureuse de Charles (lequel se fait appeler Alain Gautier et change globalement d’identité comme de chemise décolletée).
Manipulée par ce tas de muscles au regard placide, elle le rejoint en Thaïlande et devient la complice de ses escroqueries d’abord, de ses meurtres ensuite.
Sous son emprise, elle ferme les yeux sur les empoisonnements et autres crimes que commet Charles.
Ensemble, ils connaissent d’abord le faste, les beaux vêtements, les hôtels de luxe, les soirées arrosées au champagne, avant de plonger dans la misère, la crasse, la haine réciproque et… la traque.
Car cela ne fait aucun doute pour Herman Knippenberg, l’employé de l’ambassade des Pays-Bas en Thaïlande : c’est bien Charles Sobhraj qui est à l’initiative de la vague de meurtres qui déferle sur le pays.
Il le sait pour mener une enquête minutieuse, dont tout le monde se moque pourtant. Son patron le premier.
Ainsi, l’irréductible (et franchement héroïque) Knippenberg se met en tête de coincer l’infâme assassin, quitte à éviscérer sa propre vie privée, et surtout son mariage.
Le Serpent ne se concentre donc pas que sur l’arc narratif de Charles Sobhraj, Marie-Andrée Leclerc et Ajay, leur homme de main, mais bien également sur leur principal traqueur, la femme de celui-ci, ainsi que sur Nadine, une ancienne amie de Charles Sobhraj qui entend bien aider Herman à le coincer.
Un jeu du chat et de la souris dangereux et éreintant pour chacune des parties, dont aucune ne sort indemne.
Le Serpent, c’est 8 épisodes dont l’horreur sidère, qui lèvent le voile sur l’un des tueurs en série les plus « doués » du 20e siècle, qu’en France on connaissait finalement assez peu.
Le Serpent, un premier rôle extraordinaire pour Tahar Rahim
Si Le Serpent
a bien une qualité, c’est celle d’avoir en acteur principal l’excellent Tahar Rahim, dont la mue, ici, impressionne.
Quasiment méconnaissable en tueur placide dont la mèche est fixée sur la tête comme sur un Playmobil, il n’arbore aucun des francs sourires à fossettes qui illuminent d’ordinaire son visage. Glacial, calme, réfléchi, il incarne Charles Sobhraj avec brio, jusqu’à sembler ne faire plus qu’un avec Le Serpent.
Comme à son habitude, Tahar Rahim, césarisé en 2010 pour son rôle dans Un Prophète, transcende le programme pour lequel il œuvre.
Dommage que tout le casting ne fasse pas de même…
Le Serpent, des choix de casting étonnant
Il faut bien l’admettre : les seconds rôles ne sont pas à la hauteur des premiers, dans cette série co-produite par BBC One et Netflix.
Si Jenna-Louise Coleman (qui campe Marie-André) est impressionnante de bout en bout du show jusqu’à devenir extraordinaire dans les deux derniers épisodes du programme, on ne peut pas en dire autant des personnages qui tissent le fond de l’intrigue.
Ainsi, Nadine (Mathilde Warnier) et Ajay (Amesh Edireweera) ne brillent que de manière terne, avalés par le charisme de Tahar Rahim.
De leur côté, les personnages qu’assassine Le Serpent sont tous dans le surjeu, ce qui confère un côté grand-guignolesque à un show qui aurait pu être plus crédible.
Par ailleurs, et même si Jenna-Louise Coleman (Doctor Who, Victoria, The Cry) est aussi talentueuse qu’à l’accoutumée , on trouve regrettable que la production n’ait pas choisi d’actrice québécoise pour incarner le rôle d’une… Québécoise ! En effet, pendant les 8 épisodes de la série, Jenna-Louise Coleman se débat avec un Français qui n’est pas sa langue natale (l’actrice est britannique), jusqu’à perdre parfois le spectateur dans sa compréhension des dialogues.
Un non-sens d’après nous, quand tant d’actrices québécoises de talent demeurent inexploitées dans les shows internationaux.
On admettra toutefois que la ressemblance physique entre l’actrice et la vraie Marie-André est frappante, ce qui a sans doute participé au choix de la production.
Le Serpent, des dialogues améliorables
Certaines bribes de discussion entre les personnages nous ont semblé totalement alambiquées.
On rappellera que ceux-ci sont fictifs, les échanges des vrais protagonistes de l’affaire demeurant inconnus des enquêteurs, et donc de la production.
D’où notre surprise quant à l’écoute de certaines répliques, dont le manque de naturel nous a parfois fait lever les yeux au ciel !
On se souvient par exemple de la discussion qui précède le premier assassinat d’Ajay, où Charles précise que la victime en a trop vu, entre autres inepties censées convaincre son « ami » de noyer la jeune femme.
C’est à ce moment-là un tissu d’arguments fallacieux et peu convaincants qui sortent de la bouche de l’homme, censé pourtant être un manipulateur aguerri, expert en palabres.
Un échange qu’on a trouvé particulièrement bâclé… pour ne pas dire mal écrit.
Finalement, on ne sait toujours pas quoi penser du Serpent, qui a beau séduire par ses premiers rôles et glacer les sangs grâce à une histoire vraie, en reste tout de même inégale, voire maladroite.
Il n’en demeure pas moins qu’on vous encourage à laisser une chance au programme, ne serait-ce que pour découvrir l’histoire sidérante qui a secoué l’Asie du Sud-Est et la France avec elle dans les années 1970.
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