Au milieu des flopées de mannequins qui restent anonymes aux yeux du grand public, Paloma Elsesser parvient à se démarquer, non parce qu’elle serait une nepo baby comme Kendall Jenner, Gigi ou Belle Hadid, mais plutôt parce qu’elle compte parmi les rares tops plus size. Si bien qu’en décembre 2023, le British Fashion Council lui a attribué le prix de mannequin de l’année aux Fashion Awards. Pourtant, dans un essai personnel pour le média The Cut publié le 15 février 2024, Paloma Elsesser raconte qu’elle avait prié pour ne pas remporter ce prix, lassée d’être « la première top grande taille » à réussir ci ou ça et des violences que cela entraîne. De fait, une fois cette récompense reçue, les espaces commentaires de ses réseaux sociaux ont reçu des torrents de grossophobie qui l’ont amené à fermer ses comptes, raconte-elle ainsi.
Paloma Elsesser : « Il m’arrive aussi de me trouver trop moche, grosse, petite, et mauvaise mannequin »
C’est avec une sincérité désarmante que Paloma Elsesser explique au sujet du raz de marée de cyberharcèlement grossophobe qu’elle a subi :
« Est-ce que les gens qui commentent savent qu’il m’arrive à moi aussi de me trouver trop moche, grosse, petite et un mauvais mannequin ? Avant, je me considérais comme une personne imparfaite – cette fille brune, potelée, malade mentale, avec une maison en désordre et qui lutte constamment pour ouvrir son courrier. Le mannequinat a changé mon récit et m’a donné un but dans la remise en question des normes autour de notre corps dans lesquelles j’ai moi aussi été endoctrinée. Mon corps est devenu un vaisseau de connexion. Un vaisseau de réflexion. »
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Plus elle gagne en notoriété en tant que mannequin, plus elle doit affronter de commentaires violents, ce qui peut être décourageant, poursuit-elle :
« Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que si je me cache, la grossophobie l’emportera et tant de gains potentiels s’effaceront. »
Paloma Elsesser en a marre de servir d’exception plus size qui confirme le règne de la minceur dans la mode
Alors que l’industrie de la mode semble se lasser du body-positive (moins de 1 % des mannequins des défilés pour le printemps-été 2024 étaient plus size), Paloma Elsesser exprime son sentiment ambivalent d’être l’exception qui confirme la règle : de servir de caution plus size à une industrie grossophobe. Elle résume ainsi sa tokenisation :
« L’industrie réserve peut-être de l’espace à quelques noms comme le mien, mais elle ferme fermement la porte à d’innombrables autres. La fierté de faire partie d’une liste de « premières » s’estompe. Être la première mannequin plus size pour une campagne perd de son importance lorsque la marque ne parvient pas à ouvrir ses portes à la quatrième, cinquième, sixième, septième. »
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Cette lettre ouverte de Paloma Elsesser publiée par The Cut interroge donc l’ensemble de l’industrie, ses efforts performatifs en matière d’inclusivité, mais aussi plus largement la vision que nos sociétés occidentales portent sur les personnes grosses :
« Il y aura peut-être des moments où j’aimerais pouvoir évoluer facilement dans ce secteur. Mais parfois, le travail est pénible et les distinctions suscitent la peur. Peut-être que je mérite d’être reconnue non seulement pour les victoires, mais aussi pour les efforts, la lutte et l’espoir que cela puisse compter pour quelqu’un d’autre. Est-ce si grave si nous commençons à croire que nous méritons quelque chose ? »
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Force à elle et continuons d'espérer voir un jour plus de représentativité dans la mode et partout ailleurs