Les personnes qui font plus qu’une taille 44 doivent-elles être condamnées à ne porter honteusement que des vêtements amples et mornes ? C’est ce que semble souhaiter une journaliste très connue au Royaume-Uni.
« Le mouvement bodypositive n’est pas inclusif mais dangereux »
Isabel Oakeshott, célèbre journaliste, présentatrice, et commentatrice politique britannique a tweeté sa stupeur face à une vitrine de vêtements le 6 janvier 2022 :
« Voici à quoi ressemble l’obésité dans un magasin de fitness de Regent Street [une grosse rue commerçante à Londres]. Des courbes flasques soulignées d’un hideux velours vert citron. Le mouvement dit “body positive” n’est pas « inclusif », il est dangereux. »
On peut s’interroger sur les capacités d’Isabel Oakeshott à pouvoir diagnostiquer en un coup d’oeil l’obésité chez un mannequin en plastique. Mais c’est surtout la double injonction contradictoire de son message haineux qui a choqué une grande partie de Twitter.
À la fois la journaliste déplore l’obésité de façon générale, à la fois elle s’insurge qu’une marque puisse proposer et afficher des vêtements de sport dans des grandes tailles ! Et Isabel Oakeshott tire même de cette innocente vitrine une conclusion sur le mouvement bodypositive, comme si les personnes dites en surpoids n’avaient pas le droit de se sentir bien pour faire du sport, car leur bien-être serait dangereux.
Bref, c’est l’éternelle rengaine selon laquelle le mouvement bodypositive ferait la promotion de l’obésité. Donc, en creux, qu’on ne devrait cultiver que des discours et des représentations grossophobes, afin que la honte d’être une personne perçue comme grosse serve de prévention au surpoids.
Divulgâchons : la grossophobie ne « soigne » pas l’obésité. Et Internet s’est fait une joie de le rappeler à la journaliste britannique.
Des représentations bodypositive ne promeuvent pas l’obésité
Sans surprise sur Twitter — qui est vraiment le Far West des réseaux —, des tonnes de personnes ont tenu à répondre à Isabel Oakeshott : elle a reçu des centaines de réactions sous son tweet, et suscité près de 15.000 quote-retweets (quand on partage en ajoutant une photo/vidéo et/ou un commentaire), contre 4.000 « J’aime » de soutien.
Dans l’argot Twitter, c’est ce qu’on surnomme subir un « ratio » (entre l’importance massive de quote-retweets qui visent à remettre une personne à sa place, versus le nombre moindre de likes de soutien) : quand on affiche une opinion censée provoquer l’adhésion mais qu’on se voit finalement contesté plus massivement.
Loin moi l’idée de me réjouir d’un retour de bâton de réponses d’une telle ampleur — puisque cela peut s’apparenter à du cyber-harcèlement de masse, d’une part (et personne ne mérite ça). Et d’autre part, cela fait de la promotion gratuite au propos haineux de départ, à chaque fois qu’une personne quote-retweete pour s’indigner publiquement (et je vous vois déjà pointer en commentaire que je participe également à cette promo par cet article) (et vous auriez un peu raison… sauf que le métier de journaliste, c’est aussi réagir pour informer, pour analyser).
Mais ce ratio reste manifeste d’un changement en cours des mentalités face aux discours grossophobes. D’ailleurs, une belle réponse se dégage en particulier.
La plus belle des réponses face l’absurdité de ce tweet grossophobe
Sophia Tassew, designer de bijoux à Londres, a quote-retweeté le message haineux d’Isabel Oakeshott pour ajouter sa propre photo dans la tenue en question :
Que cette bijoutière porte ainsi cette tenue avec tant de classe a mis du baume au coeur à une grande partie de Twitter (près de 30.000 retweets de soutien et 350.000 J’aime), sans surenchérir dans la violence pour autant. Un coup de maîtresse !
Parmi les soutiens de Sophia Tassew, l’intellectuelle Roxane Gay (qui a notamment écrit contre la grossophobie dans son essai autobiographique Hunger) a déjà tenu à l’appeler « Reine ». Et plein de Twittos tannent déjà Fabletics, la marque de la tenue de la discorde, qui aurait trouvé là sa nouvelle égérie.
D’ailleurs, si cette tenue vous intéresse le legging est disponible des tailles 2XS à 4XL à partir de 24€, et même panel de tailles pour la brassière au détail torsadé, à partir de 11,23€.
En tout cas, cette histoire est une belle illustration de comment transformer le fiel en velours (vert citron).
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Crédit photo de Une : Capture d’écran Twitter @SophiaTassew.
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Les Commentaires
J'aime bien le fait que la tenue soit dans toutes les tailles, y compris les plus petites, on ne les trouve pas tout le temps partout non plus, même si plus de marques font désormais des collections pour personnes menues ou moins hautes que la moyenne.