Les marques ciblent désormais les enfants… dès 3 ans
Masques hydratants en forme de panda, crèmes à paillettes, packagings licornes : le marché du skincare pour enfants explose. L’actrice Shay Mitchell a récemment lancé Rini, une marque destinée aux 3-12 ans, avec des masques et sprays vendus comme « doux et adaptés ». Et elle n’est pas la seule. Evereden, Glow, Drunk Elephant ou The Ordinary séduisent une clientèle toujours plus jeune, encouragée par TikTok et ses vidéos virales.
Ces produits sont pourtant loin d’être nécessaires. Interrogée par AFP, Laurence Coiffard, professeure en pharmacie spécialisée en cosmétologie, le rappelle simplement : un enfant n’a besoin que de produits d’hygiène basiques et de protection solaire lorsqu’il est exposé. Rien de plus.
TikTok, routines interminables et surcharge de produits
L’étude menée par Molly Hales et Sarah Rigali, publiée dans Pediatrics, apporte un éclairage précieux sur ce phénomène. Les deux chercheuses ont créé de faux comptes TikTok de jeunes filles de 13 ans pour observer le contenu recommandé.
Elles ont ensuite analysé 100 vidéos publiées par 82 mineures. Les résultats donnent le vertige : en moyenne, ces jeunes appliquent six produits chaque jour, et certaines montent à plus d’une douzaine. Une enfant a même raconté se lever à 4h30 pour boucler sa routine.
Les produits utilisés coûtent cher (environ 145 euros par routine) mais c’est surtout la composition qui inquiète. Dans les vidéos analysées, les produits contenaient en moyenne 11 ingrédients potentiellement irritants et parfois jusqu’à 21. AHA, BHA, rétinol, huiles essentielles… autant d’actifs puissants que la peau d’un enfant ne devrait jamais rencontrer.
Pour Molly Hales, l’inquiétude est sérieuse : trop d’actifs fragilisent la barrière cutanée et augmentent le risque de développer une allergie de contact durable. Et une fois installée, cette allergie peut limiter à vie les cosmétiques et produits d’hygiène que l’enfant pourra utiliser.
Un risque réel : réactions cutanées, allergies et absence de protection solaire
Dans une vidéo étudiée, une jeune TikTokeuse applique dix produits en six minutes. Sa peau rougit, brûle, et la réaction apparaît… alors même qu’elle poursuit le tournage. Dans de nombreux cas, les routines sont saturées d’actifs, mais dépourvues d’essentiel : seulement 26 % incluent une protection solaire, pourtant indispensable dès le plus jeune âge pour prévenir les dommages cutanés.
L’étude met en lumière un autre danger : l’accumulation involontaire d’un même actif, présent dans plusieurs produits. Un cocktail irritant que même les adultes peinent à repérer.
Derrière les flacons, une pression esthétique bien réelle
Ces contenus ne sèment pas seulement la confusion côté skincare. Ils façonnent aussi l’image de soi des enfants. Pierre Vabres, de la Société française de dermatologie, alerte sur le risque d’une « image de soi faussée, voire érotisée ». Selon les chercheurs, certains discours véhiculent des codes racisés autour de la peau « bright » ou « flawless », superposant normes de beauté et quête de santé.
On voit aussi se dessiner un rapport problématique au temps et à l’argent : consacrer 20 minutes par jour à sa peau, investir dans des routines à plus de 100 euros… autant de gestes présentés comme « normaux » dans les vidéos, alors qu’ils relèvent d’une pression esthétique adulte.
Comment accompagner les enfants face au skincare ?
Pour les parents, la première étape consiste à démystifier ce qu’ils voient en ligne. Les routines viralement glamour ne sont ni adaptées, ni nécessaires. Si votre enfant manifeste de la curiosité, mieux vaut l’orienter vers le minimum : une crème hydratante simple, un nettoyant doux, et un écran solaire en cas d’exposition.
Inviter l’enfant à parler de ce qu’il voit sur TikTok, questionner ses envies, rappeler que sa peau est différente de celle des adultes… tout cela peut l’aider à se recentrer sur ce qui compte vraiment. Les dermatologues insistent : la peau des enfants est robuste, mais fragile face aux ingrédients actifs.
Le skincare peut être un jeu, mais pas avec n’importe quoi ni à n’importe quel âge. L’objectif n’est pas d’interdire, mais de protéger : préserver la peau, mais aussi l’estime de soi et la liberté de grandir sans pression esthétique. Les routines beauté n’ont rien à faire dans la vie quotidienne d’un enfant, et les études le confirment. Aux parents maintenant de redonner à la salle de bain son rôle premier : un lieu d’hygiène, pas de performance.
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