Aujourd’hui, les modèles familiaux sont multiples. Familles recomposées, adoptives, monoparentales ou homoparentales font partie du paysage. Sur le papier, ça ne fait plus débat. Dans la vraie vie, c’est parfois une autre histoire. À l’école, dans la cour de récré ou lors d’un goûter d’anniversaire, certains enfants doivent encore expliquer, justifier ou encaisser des remarques sur leur famille. Pas forcément méchantes, mais suffisamment répétées pour laisser des traces.
C’est de ce constat qu’est né J’ai deux papas / deux mamans, et alors ?, publié en novembre 2025 aux éditions De Boeck Supérieur. Un livre jeunesse qui prend le sujet à hauteur d’enfant, sans détour et sans dramatisation.
Un livre né d’un manque criant
À l’origine du projet, il y a une demande très concrète. Catherine Viès-Duffau raconte avoir été sollicitée par une famille composée de deux mamans et de leur fille de 8 ans. Elles cherchaient un livre pour enfants qui parle d’homoparentalité de manière simple et rassurante. Elles n’en ont pas trouvé. L’autrice non plus.
Cette absence l’a surprise. Elle pensait que le sujet était déjà largement traité. En creusant, elle réalise que les ressources existent surtout pour les adultes, beaucoup moins pour les enfants directement concernés. Or ce sont eux qui, au quotidien, doivent composer avec le regard des autres.
Illustré par Mathias Rebuffé, l’ouvrage de 104 pages se présente comme un véritable outil d’accompagnement, à la fois pédagogique et émotionnel.

Mettre des mots sur les questions qui traversent les enfants
Le livre aborde frontalement les interrogations que les enfants peuvent avoir. Pourquoi ma famille est différente ? Est-ce qu’il faut forcément un papa et une maman pour être une « vraie » famille ? C’est quoi, être homosexuel ? Comment on fait des enfants quand on est deux femmes ou deux hommes ?
Rien n’est éludé, y compris les questions autour de la naissance, de l’adoption ou de la PMA. Le ton est clair, accessible, jamais condescendant. L’idée n’est pas de faire un cours magistral, mais d’ouvrir un espace de discussion où l’enfant se sent légitime de poser ses questions, même celles qu’il n’ose pas toujours formuler à voix haute.
Le livre parle aussi du regard des autres, des idées reçues, du rejet parfois ressenti envers un parent, et des émotions qui peuvent en découler. Peur, colère, tristesse ou culpabilité sont nommées, reconnues, normalisées.
Un livre à lire ensemble… puis à s’approprier
Ce qui fait la singularité de J’ai deux papas / deux mamans, et alors ?, c’est sa forme. Catherine Viès-Duffau l’a pensé comme un « livre-ami ». Un livre que l’on lit une première fois avec un adulte, pour expliquer et discuter. Puis un livre que l’enfant peut s’approprier seul.
Certaines pages invitent à écrire, dessiner, réfléchir. L’enfant peut raconter ce qu’il aime chez ses parents, ce qui le rassure, ce qu’il adore partager avec eux. Il peut gribouiller, revenir sur certaines pages, les relire quand il en ressent le besoin. Le livre devient alors un espace intime, un point d’ancrage quand les questions ou les doutes ressurgissent.
Des ressources complémentaires sont aussi accessibles via des QR codes, comme une méditation audio pour aider l’enfant à se recentrer, des tableaux pour mieux se connaître ou un jeu autour des émotions. Des outils simples, concrets, qui prolongent la discussion à la maison.
Rappeler que l’essentiel, c’est l’amour
Derrière ce livre, on retrouve la démarche qui traverse toute la collection « Et Alors ». Catherine Viès-Duffau, infirmière de formation et thérapeute spécialisée dans l’accompagnement des enfants atypiques, cherche à briser les tabous qui isolent. Haut potentiel, hypersensibilité, troubles dys, adoption ou homoparentalité, le fil rouge reste le même : aider les enfants à se sentir légitimes tels qu’ils sont.
Le message est limpide. Une famille ne se définit pas par sa composition, mais par le lien, l’amour et la sécurité qu’elle offre. Apprendre à se respecter, à se faire respecter et à répondre aux remarques fait aussi partie du chemin.
Le livre se termine sur une phrase simple, mais essentielle pour les enfants qui grandissent dans des familles encore trop souvent questionnées : « N’oublie pas d’être heureux ». Un rappel précieux, pour eux comme pour les parents qui les accompagnent au quotidien.
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