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Source : tommaso79 de Getty Images
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J’ai contracté des dizaines de milliers d’euros de dette (et ça va bien)

Mal conseillée, Manon s’est retrouvée avec des dizaines de milliers d’euros de dettes. Aujourd’hui, elle reste positive, mais ça n’a pas toujours été aussi simple.

Je suis Manon, j’ai la trentaine, j’habite en région parisienne et si on devait résumer mon rapport à l’argent, je dirais qu’il est chaotique. C’est peut-être dû à mon histoire familiale : mon père avait un rapport obsessionnel à ses comptes qu’il faisait et refaisait sans cesse en nous répétant qu’on n’avait pas d’argent — alors qu’en étant adulte, je me rends bien compte qu’on n’était pas pauvre non plus. Du côté de ma mère, parler d’argent était tout simplement tabou. 

Au final, on ne m’a jamais appris à gérer mon argent de façon saine et le sujet a tendance à m’angoisser. Ceci dit, même si j’ai toujours été très dépensière quand j’avais de bons salaires, j’ai également su rester raisonnable quand mes revenus diminuaient. 

Je ne pensais donc pas avoir le profil d’une personne qui cumule les dettes. 

Le covid, le couple et l’achat d’une maison

En 2020, mon copain a eu envie de quitter notre appartement loué pour s’acheter ensemble une maison en banlieue parisienne. C’était en plein dans la période covid et c’est vrai que les confinements nous ont poussé, comme d’autres, à faire des choix qui semblaient justes sur le moment, mais qui ne l’étaient plus forcément après.

Acheter n’avait jamais été dans mes projets, mais je l’ai suivi. Ça m’a énormément angoissé, d’autant plus que je savais que ça allait être un emprunt énorme, sur plusieurs décennies. J’ai commencé à faire des insomnies, me réveiller à 4h du matin sans pouvoir me rendormir. Je crois que dans mon esprit, cet emprunt résonnait comme une prison, quelque chose qui allait m’enfermer – à juste titre d’ailleurs !

Et puis on a acheté, et on a signé un prêt à 430 000€, qui me coûte 902 €/mois. C’est juste après l’achat que les soucis ont commencé à s’accumuler. 

De l’emprunt aux dettes, il n’y a qu’un pas 

Pour que la demande de prêt fonctionne, il fallait que je justifie les revenus de mes 3 dernières années. La difficulté dans mon cas était que jusque-là, je travaillais dans la publicité en tant qu’auto-entrepreneuse, et que je venais de me reconvertir comme illustratrice. Ce nouveau métier arrivait avec un nouveau statut, celui d’artiste-auteur, qui est plus rassurant pour une banque que celui d’auto-entrepreneuse, à condition de justifier de 3 ans d’ancienneté avec un bon chiffre d’affaires. 

Afin de faciliter le prêt, ma comptable m’a proposé un micmac administratif : faire passer mes trois dernières années d’auto-entreprise sous le régime d’artiste-auteur. Elle m’avait prévenu qu’il fallait un peu d’argent de côté pour cette démarche, car les charges ne sont pas les mêmes d’un statut à l’autre, d’autant plus que j’avais eu des aides sur mon statut d’auto-entrepreneure. Honnêtement, je m’attendais à devoir payer 3 000, 4000 €, pas plus…

En fait, on m’a demandé de rembourser 25 000 € de charges sociales ! Somme que je n’avais évidemment pas sur mon compte. J’ai eu l’impression de tomber dans le vide, mais ça ne s’est pas arrêté là. 

Il y a aussi eu l’Ircec, la complémentaire retraite des artistes-auteurs, qui est obligatoire… Et comme jusque-là, en vrai, j’étais auto-entrepreneuse et non artiste-auteur, je ne l’avais évidemment jamais payé. Là encore, on m’a demandé plusieurs milliers d’euros. 

Puis après, j’ai eu les impôts qui s’y sont mis, et eux, si tu ne payes pas immédiatement, ils majorent ta dette et font une saisie sur compte. C’est chaud, car tous tes comptes se retrouvent bloqués et l’administration aspire tout ce qui tombe dessus. Tu n’as plus AUCUN pouvoir sur ton argent. 

À un moment, ma mère m’a envoyé des sous pour que je rembourse certaines de mes charges, mais ça a été aspiré par les impôts et je ne pouvais rien faire… Bref, l’année 2021 a été terrible, et ça m’a créé de nouvelles dettes envers ma mère.

À lire aussi : Nadège, ex-surendettée à 1 766 € par mois : « Je devais tout calculer au centime près »

Mon copain, l’argent et mes dettes 

Le plus difficile pour moi, c’est que comme je ne pouvais plus payer mon prêt immobilier, mon copain a pris le relais dessus et j’ai donc une autre dette de 22 000€ envers lui. C’est compliqué dans notre couple, anxiogène pour nous deux et vraiment pas bon pour mon ego.

Aujourd’hui, la seule solution qui nous reste est de vendre notre maison, mais pour l’instant, elle ne se vend pas. À cause de ces dettes, je vis au-dessus de mes moyens et je sais qu’au moindre écart, tant que la maison n’est pas vendue, je vais continuer à contracter de nouvelles dettes.

Cette situation me questionne beaucoup sur l’argent au sein des couples hétérosexuels. Dans mon cas, on a fait 50/50 sur l’achat alors que je gagne bien moins que lui. J’ai l’impression que tout dans notre société est fait pour mettre bien les mecs. D’ailleurs, autour de moi, ce sont souvent eux qui poussent à l’achat d’un bien immobilier, et mes copines suivent. 

Je remarque aussi qu’il n’y a que des mecs qui m’ont jugé ouvertement. On m’a déjà dit « bah quoi ? Tu ne savais pas que t’allais te trouver dans cette situation ? ». Il y a un truc très genré dans l’argent, et je me sens très chanceuse de connaître à peu près les façons de s’en sortir administrativement, d’avoir un téléphone qui fonctionne, de connaître mes droits, parce que sinon t’es vraiment foutu.

Et puis, je me suis rendu compte qu’on infantilise beaucoup les pauvres, mais que les endettés, c’est pire. 

Sortir de l’eau et vivre, enfin

J’ai contracté l’ensemble de ces dettes en 2021. J’ai souvenir d’insomnies, de stress permanent à force de recevoir tous les jours des lettres de relance. J’ai cherché des CDI à la con pour gagner un maximum d’argent, et j’ai abandonné des projets qui me tenaient à cœur pour privilégier une rémunération plus forte.

J’ai vraiment eu un passage à vide, mais ça va mieux. Aujourd’hui, j’ai un reliquat de 3 000 € de charges sociales, je dois de l’argent à mon copain, à ma mère et je continue à rembourser mon emprunt pour la maison. Mais je vois le bout des dettes qui sont déclarées, et le positif avec les dettes, c’est qu’on se sent immédiatement mieux quand elles sont remboursées. 

Ce qui est compliqué, c’est que j’ai désormais cette peur d’avoir oublié d’autres charges et qu’une nouvelle administration m’envoie une lettre m’annonçant que je leur dois des milliers d’euros. Je dis ça alors que je ne suis pas du tout à penser qu’on nous taxe trop, je suis contente de payer des impôts pour la communauté. 

J’ai juste l’impression que le système et la fiscalité ne sont pas faits pour les gens indépendants, créatifs, et juste un peu tête en l’air aussi. D’ailleurs, pendant mes études, dans une école d’art, le sujet de l’argent a été à peine survolé, alors que c’est le nerf de la guerre et que ça conditionne notre pratique !

Avoir des dettes, positiver et surtout en parler

J’ai la chance d’être une personne optimiste, et j’arrive à ne plus y penser tous les jours. 

Quelque part, je suis même contente d’avoir fait ce choix d’acheter une maison, ça m’a appris beaucoup de choses sur moi et je ne pouvais tout simplement pas savoir ce que ça me coûterait. Ça m’a aussi rappelé à quel point je suis privilégiée d’avoir pu y accéder, car hétéro, blanche et issue d’une classe culturellement privilégiée, sécurisée par mon conjoint et ma famille.

Aujourd’hui, je blague souvent sur ma situation auprès de mes proches. C’est important que ça ne devienne pas tabou. Parfois, je dis que je suis la personne la plus endettée de la table. C’est intéressant, car parfois je me rends compte que c’est faux, c’est juste que les personnes n’en parlent pas, ont honte. Pourtant, on ne devrait pas avoir honte de ne pas avoir toujours reçu les bons conseils !

À lire aussi : Lola, 2 244 € par mois et en reconversion : « J’ai dépensé environ 3 000 € en coiffure cette année  »


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Les Commentaires

8
Avatar de zenda
29 avril 2024 à 14h04
zenda
Gros gros défaut de conseil de la part de la comptable... Elle aurait dû expliquer les conséquences de ce changement de statut sur le fait que ça allait augmenter toutes les cotisations sociales ainsi que les impôts... Ce qui aurait permis d'éviter ou de minimiser cette situation (en empruntant plus ?)
J'ai eu des sueurs froides en lisant cet article, j'ai un rapport un peu angoissé à l'argent aussi et pourtant je gère bien et je gagne bien ma vie... Mais toujours peur d'avoir des problèmes d'argent et de devoir a quelqu'un...
Heureusement qu'il y a eu ce soutien financier des proches qui permet a la Madz d'en voir le bout... Courage à elle !
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