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Grossesse

Il faut qu’on parle de la maternité selon Selling Sunset

Dans cette saison 4 de Selling Sunset, la grande Christine est enceinte et donne naissance à un petit garçon ! Forcément, c’est très drama… voire trop, en fait.

Alors certes, c’est un plaisir coupable – un peu au même titre que You ou encore Emily in Paris – et il est possible de le regarder au millième degré.

On peut en effet se demander où notre féminisme a bien pu foutre le camp quand on se délecte devant Selling Sunset, à savoir : des bimbos gossipant et s’écharpant à longueur de journées. Mais les apparences bling bling sont parfois trompeuses et c’est plus compliqué qu’il n’y paraît : ce carton d’audience de Netflix dit finalement beaucoup de choses de nos sociétés… et de la maternité.

Christine, ou la maternité selon Selling Sunset

Cette saison 4 de Selling Sunset était riche en émotions et en leçons. Alors que les rumeurs concernant la possibilité que Christine n’ait pas été enceinte durant le tournage vont bon train, on a décidé de s’intéresser à la vision de la maternité – un peu schizophrène il faut le dire – qui nous est proposée.

Le but n’est pas ici d’accuser Christine d’être une horrible menteuse : dans un sens, on sait déjà qu’elle l’est et on aime la regarder pour ça. Ni de mettre en doute la vraisemblance de cette série – nous ne sommes pas naïves, c’est une téléréalité, le pacte de non-vérité est bel est bien signé entre la productions et l’audience. L’idée est bien d’interroger les modèles offerts par Selling Sunset, consciemment ou non.

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Du drama, du drama et encore du drama ! (© Netflix)

Fake or not fake, la grossesse de Christine ?

Christine n’aurait pas été enceinte pendant le tournage — ou n’aurait pas été enceinte du tout, faisant possiblement appel à une femme porteuse. Remettre en cause la parole des femmes, c’est plutôt bof en général mais vu le contexte, certains se demandent, sans doute à juste titre, si on ne nous prendrait pas un peu pour des bleues.

Il faut bien reconnaître que la timeline est difficile à suivre. Et quand on se penche de plus près sur la chronologie des faits, peu avant l’accouchement et peu après, il y a des incohérences dans ce que vit Christine, comme ce tweet le résume (oui, Reddit s’est enflammé : les fans ont joué une fois de plus les enquêteurs et enquêtrices, mettant au jour des détails troublants).

D’autres questionnent son récit d’accouchement, totalement dramatique : elle aurait failli mourir, et il aurait été demandé à Christian de choisir entre elle et le bébé si l’un des deux ne pouvait pas être sauvé. Effectivement, c’est intense… mais c’est Christine !

Il est difficile de remettre en cause la véracité d’une histoire si intime et tragique, surtout dans un monde où on a trop souvent tendance à douter de la parole des femmes. La trentenaire exagère-t-elle ce qu’elle a vécu afin d’offrir plus d’emphase à son personnage ? Peut-être bien. Et peut-être ne le saurons-nous jamais.

Ce que l’on sait, par contre, c’est ce à quoi est censé ressembler le corps de Christine juste après sa césarienne d’urgence — rapport au fait que la série ADORE en parler.

Un modèle de grossesse et de post-partum qui culpabilise

Une injonction permanente semble être martelée dans cette saison : il ne faut pas prendre de poids pendant sa grossesse. Tout le monde félicite Christine en permanence sur son corps qui ne change pas (en dehors du ventre !) et qui revient exactement à l’identique après l’accouchement.

C’est un phénomène ni nouveau, ni étonnant. Dans les télé-réalités tout comme dans les magazines féminins et people, on a l’habitude de glorifier le corps maternel mince. On donne comme modèles des maternités épanouies, des corps qui ne vivent aucun aléa de grossesse et dont la silhouette reste filiforme.

Mona Chollet l’expliquait bien dans Chez Soi, en évoquant le cas de célébrités qui essaient de concilier l’idéal de minceur avec la grossesse :

« Les riches New-Yorkaises s’inspirent notamment de Victoria Beckham, la femme qui ne sourit jamais, la sainte patronne des control freaks, qui a mené sa quatrième grossesse à terme sans avoir pris un gramme. Elles se soumettent à des régimes draconiens et s’épuisent à la gym, avant comme juste après l’accouchement. Leur entourage se répand en compliments.

”Un comportement modèle !“, applaudit lui aussi le Daily Mail britannique, en titre d’un long article consacré à un mannequin – jusque-là inconnu – qui a repris les défilés neuf jours après la naissance de son fils. La jeune femme, qui pose avec ses deux enfants, revendique une démarche féministe, affirmant que “les femmes ne devraient pas avoir à choisir entre la maternité et leur carrière”. ».

Comment ne pas y voir un lien avec Christine… Effectivement, on peut avoir un enfant en bas âge et vouloir bosser tout de suite après — ce qu’elle dit à plusieurs reprises et ce que l’on ne conteste pas. C’est bien de montrer ce modèle-là aussi.

Mais dans la majorité des cas, cela n’est pas possible… Et on peut douter d’une véritable visée féministe lorsque l’on propose aux femmes, par le biais d’un exemple bien particulier, un modèle inatteignable.

De plus, la jeune mère clame haut et fort qu’elle s’alimente peu, fait du sport tous les jours, quasiment jusqu’au terme, mettant peut-être son corps à rude épreuve.

Le corps de Christine ne subit presque pas de modification et d’autres agentes s’en étonnent. Alors que Vanessa rencontre Christine deux semaines après son accouchement, et qu’elle est vêtue d’un crop top bleu, la nouvelle agente réagit, en plaisantant :

« Mais regarde-toi ! Quand as-tu eu ce bébé ? Honnêtement, je pense que tu mens…»

Christine
Personnellement j’étais pas shiny comme ça, deux semaines après mon accouchement. (© Netflix)

Citons aussi l’épisode 4 où Maya, elle aussi mère, dit à une Christine toute mince qui porte une robe dévoilant une grande partie de son ventre :

« Je n’arrive pas à croire que tu aies accouché il y a un mois, tu es sublime, tu dois être une extra-terrestre. »

Ou peu de temps avant, la même Maya lui disant :

« Je ne peux pas imaginer que tu as accouché il y a trois semaines. Je t’aime, mais aussi je te déteste. »

MERCI de rappeler que ce qui se passe n’est pas normal… et que cela n’a rien à voir avec la réalité ! Illana Weizman décrivait bien dans son livre Ceci est notre post-partum que les normes attendues sont inatteignables et que ce décalage peut être dévastateur. Dans une démarche politique, elle met donc au jour ces injonctions contradictoires :

« Ainsi, le corps post-partum est un corps éminemment politique. Il est politique dès lors que la société dans laquelle il s’inscrit refuse de le reconnaître, puisqu’en décalage avec les normes de beauté imposées aux femmes. Il est politique dès lors que la santé mentale de celles qui vivent dans ce corps importe moins que la sommation à la beauté, à la minceur et à la joliesse. Il est politique dès lors que les femmes en sont dépossédées. Éloignées de ce qu’elles vivent pourtant au plus près, au plus intime.

Il est nocif pour sa santé physique et mentale de chercher à correspondre à des critères physiques inatteignables dans un moment où nos besoins sont ailleurs, où il nous faut être bienveillantes et douces envers nous-mêmes, où nous méritons sérénité et amour de soi. »

Christine nous propose un modèle de maternité où les modifications du corps ne semblent pas avoir leur place. Et cela est dangereux !

Beaucoup d’internautes se sont également interrogés sur la séance de yoga présentée comme « post-accouchement » de Christine. Elle s’y contorsionne dans tous les sens, juste après avoir eu une césarienne — ce qui semble peu crédible, la plaie n’ayant pas encore eu le temps de cicatriser. Une session de yoga que Davina commente ainsi :

« Je n’ai aucun idée de comment elle peut faire tout ça ! C’est hallucinant pour moi. Je ne comprends pas. »

Christine-Yoga
Whaou. (© Netflix)

Mais notre Queen vient de répondre que la production s’était trompée au montage et qu’elle était enceinte à ce moment-là.

Car il ne faut pas sous-estimer, dans toute cette affaire, un tournage perturbé par le Covid et l’habitude des monteurs de télé-réalité de faire raconter aux images ce qui fera le plus d’audience, au détriment parfois de la… réalité, justement.

Maternité versus monde professionnel

Selling Sunset fait l’apologie de femmes badass qui travaillent et qui réussissent (passons sur l’aspect ultra-capitaliste de cette série, il faudrait y consacrer un autre article). Mais par son retour précoce à l’agence, Christine met aussi au jour une crainte fréquente et justifiée des femmes enceintes : qu’en sera-t-il de mon poste à mon retour ?

Cette volonté de revenir tout de suite au travail cache peut-être une peur d’être remplacée, écartée, ostracisée. Elle s’agite dans tous les sens, comme pour dire : « ne m’oubliez pas ! ». Jennifer Padjemi, autrice du passionnant livre Féminismes & pop culture, le dit à Madmoizelle :

« En France, il y a des droits, on est protégées, mais il y a cette peur de ne pas retrouver sa place. On comprend que la manière de Christine de vouloir revenir au travail très rapidement, de montrer qu’elle est active, qu’elle continue de travailler, c’est pour ne pas se faire prendre son poste, qui est en jeu, par les autres filles. Il y a une forme de fragilité, tout est remis en question. Les gens ne te regardent plus de la même manière. »

Cela apporte aussi une touche d’humanité et de vraisemblance à la série. Lors de la scène de la fête de l’amour sur le yacht (ça ne s’invente pas !), Brett, l’un des patrons de l’agence, affirme contre les demandes des agentes que Christine récupéra son bureau :

« Hors de question qu’elle ne récupère pas sa place à cause de sa maternité. Point barre. »

Peut-être souhaite-t-il être réglo avec son employée, ou peut-être – comme le craint également Jennifer Padjemi – déclare-t-il cela en grandes pompes pour se protéger au niveau de la loi. En tout cas, la place physique de Christine, son bureau, est souvent évoquée, mais on comprend bien que c’est symbolique : c’est en fait son poste qui est en jeu.

La peur de la placardisation est hautement légitime lorsque l’on sait les femmes peuvent être pénalisées pour leur maternité — c’est une de premières causes d’inégalités dans le monde professionnel (à cause du temps partiel, de l’auto-limitation, de la peur des absences, etc.). Un exemple frappant est aussi le traitement réservé à Amanza dans les saisons précédentes. La décoratrice est souvent en retard, notamment car elle a des galères avec ses enfants, mais elle est rabrouée et critiquée pour ça.

De plus, la série nous propose une vision un peu essentialisante des femmes. Jennifer Padjemi développe cette idée pour Madmoizelle :

« Il y a toute cette vision de la maternité qui devrait être un changement absolu dans la vie d’une femme, comme si c’était presque un rite de passage pour devenir une meilleure personne, avoir un enfant rendrait meilleur.

Christine est passée de l’autre côté, c’est presque une divinité. On doit respecter cette haute autorité de la maternité. On s’attend aussi à ce qu’elle soit, instinctivement, plus douce, plus gentille, plus aimante, très maternante. Sa personnalité, quelle qu’elle soit, n’a pas à être caractérisée par la maternité. »

Cette maternité intouchable, comme toute arme, peut être retournée par celles qui la subissent : Christine est prompte à invoquer son bébé et son rôle de mère lorsqu’elle se retrouve empêtrée dans ses mensonges, exaspérant ses collègues qui ne savent jamais où commence le faux et où s’arrête le vrai.

D’autres modèles de maternité

Tout n’est pas à jeter concernant les modèles proposés par Selling Sunset côté maternité. Si le personnage de Christine nous a un peu poussées à bout, d’autres mères nous proposent des modèles plus vraisemblables, plus crédibles et surtout déculpabilisants.

Amanza
Amanza. (© Netflix)

Amanza a deux enfants ; c’est une mère solo qui rencontre plein de galères. Le père est parti du jour au lendemain sans plus jamais donner de nouvelles, sur le même modèle que Brandi Glanville dans The Real Housewives of Beverly Hills (allez un autre plaisir coupable avoué). Ce n’est pas si courant, heureusement, mais ça permet à d’autres mamans célibataires de s’identifier.

Mais bien qu’Amanze n’impose pas de modèles inatteignables comme Christine, son personnage n’est pas dénué de stéréotypes, comme nous l’explique Jennifer Padjemi :

« C’est la seule personne racisée du groupe, comme par hasard elle galère. On la voit peu pendant cette saison mais quand on la voit, c’est pour dire qu’elle a été soupçonnée de négligence.

Avec ce storytelling, il faut faire attention aussi à ne pas tomber dans une forme de misérabilisme. Regardez, la pauvresse, ce qu’elle vit ! Cela permet quand même un retour à la réalité, les pieds sur Terre. C’est intéressant mais il y a un poil de voyeurisme. »

Mary, quant à elle, annonce vouloir congeler ses ovocytes. Elle dit mettre son travail en priorité pour l’instant, mais elle attend surtout que son jeune compagnon soit prêt — le Français, pâtissier devenu chef de construction Wrrrromayne (avec l’accent, ça fait tout drôle).

Selling Sunset offre donc une saison 4 contrastée mais révélatrice d’une vision de la maternité assez schizophrène, comme le conclut Jennifer Padjemi :

« Cette saison autour de la maternité, il y a vraiment tout ce qu’on a dans la société. Toutes les contradictions. On comprend Christine, elle n’a pas envie d’être réduite à sa maternité et en même temps elle en joue, elle se met dans cette position de dire que depuis qu’elle est maman elle a changé, qu’elle ne veut plus de drames… »

C’est toujours agréable de regarder Selling Sunset, pas si superficielle que ça, mais gardons tout de même notre esprit critique. Les femmes enceintes et les mères subissent déjà beaucoup d’injonctions sans avoir besoin que la magie du montage et les névroses de Christine ne viennent en rajouter une couche !

À lire aussi : « Le congé maternité, c’est un peu des vacances non ? » HAHAHA

Image en une : Christine à sa baby shower (© Netflix)


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Les Commentaires

1
Avatar de Tzig0ne
30 novembre 2021 à 21h11
Tzig0ne
Christine est passée de l’autre côté, c’est presque une divinité. On doit respecter cette haute autorité de la maternité. On s’attend aussi à ce qu’elle soit, instinctivement, plus douce, plus gentille, plus aimante, très maternante. Sa personnalité, quelle qu’elle soit, n’a pas à être caractérisée par la maternité.

C'est une interprétation, ce n'est pas tellement ce qui est dit. Les gens autour d'elle s'attendent surtout à ce qu'elle ait d'autres préoccupations, plus mature, que de colporter des ragots et créer des dramas avec des mensonges.
Donc pas "plus douce, gentille aimante", mais : avec d'autres priorités.
Par ailleurs oui les modèles irréalistes autour de la maternité c'est terrible ohlala... mais TOUT le principe de Selling Sunset, c'est d'avoir des modèles irréalistes.
Quelle femme, même, quel.le personne qui travaille, avec ou sans enfant, a le temps d'être aussi parfaitement coiffée et maquillée en permanence ? Le tout en générant des millions d'euros, en créant des business en plus de son daily job, en ayant une vie sociale, amoureuse, un corps entretenu par le sport (en plus de la médecine), en travaillant ses réseaux sociaux... ?
Donc franchement le côté réaliste de la grossesse de l'une d'elle, c'est une goutte d'eau.
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