« La curiosité est un vilain défaut ! »
Il est possible que vos parents vous aient seriné ce dicton pendant votre enfance, surtout si vous aviez le malheur de laisser traîner vos oreilles un peu partout dans la maison.
Mais la curiosité est-elle vraiment un défaut ? Vilain, qui plus est ?
Qu’est-ce que la curiosité, ce vilain défaut ?
On peut dire que la curiosité est une attitude complexe, et que son objet, c’est l’information : les personnes curieuses veulent savoir ce qu’elles ne savent pas encore (logique).
Le chercheur George Loewenstein confirme cette idée. Pour lui, la curiosité apparaît lorsque l’on réalise qu’il y a une « absence », un « trou », dans notre savoir. Ce manque créerait un sentiment de déficience nous motivant à combler ce que l’on ne sait pas.
La curiosité n’est-elle qu’un désir de connaissance ? Une envie de répondre à une frustration ? Un besoin d’anticipation ? Tout à la fois ?
Même le Larousse souligne la dualité de la curiosité, qui peut être positive ou négative : le dictionnaire la décrit comme « la qualité de quelqu’un qui a le désir de savoir » ou comme un « désir indiscret de savoir ».
Je peux avoir envie de suivre les prochaines découvertes de la NASA ou… écouter discretos les conversations de mes camarades de classe.
Dans les deux situations, je suis curieuse : j’éprouve un sentiment d’intérêt (j’ai envie de connaître), je ressens une privation d’information (je veux savoir ce que l’on ME CACHE).
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L’adage serait donc partiel : la curiosité peut être un vilain défaut, mais pas toujours, et pas seulement !
La curiosité est un vilain défaut, vrai ou faux ?
Deux scientifiques, Marret Noordewier et Eric van Dijk, se sont intéressés à la manière dont nous « vivons » la curiosité. Selon eux, elle peut créer des émotions plus ou moins plaisantes.
Je peux être agacée en regardant une série (ou un épisode des Marseillais) se terminer sur un cliffhanger (ce personnage de Game of Thrones est-il vraiment MORT ? Quel sera l’avenir du couple Kevin-Carla ?).
Mais je peux aussi être excitée à l’idée d’apprendre des choses que je ne sais pas encore !
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Le temps, la curiosité, et notre (im)patience
Selon Marret Noordewier et Eric van Dijk, ces émotions pourraient être influencées par un facteur : le temps.
L’expérience que je fais de la curiosité peut-elle être positive si je sais qu’elle sera satisfaite prochainement ? La curiosité devient-elle insupportable si je dois attendre six mois avant la reprise de Crazy Ex-Girlfriend ?
Les deux scientifiques ont mené trois études, avec plus de 200 participant•es, pour comprendre le phénomène.
Dans chaque recherche, Noordewier et Van Dijk ont « induit » la curiosité en annonçant aux volontaires que, plus tard, ils/elles regarderaient une vidéo contenant « quelque chose avec des nuances de marron ».
Ensuite, ils ont proposé aux participant•es de réfléchir quelques instants à ce que cette chose pourrait être, sans rien confirmer ou infirmer.
DU CHOCOLAT ? DES CHAUSSURES ? DU BOIS ? QU’EST-CE QUE C’EST ?
Vous savez quoi ? À vous aussi, je le révélerai plus tard (oserais-je dire que la réponse va vous étonner ?).
À la moitié des participant•es, le binôme a annoncé que la vidéo serait diffusée dans une minute. À l’autre moitié, les scientifiques ont indiqué trente minutes d’attente (d’autres exercices étaient effectués pendant ce laps de temps).
Après les délais annoncés, chaque participant•e devait indiquer son degré de « curiosité » à propos du contenu de la vidéo, et dire à quel point il/elle ressentait des émotions positives ou négatives.
Les deux groupes ont rapporté des niveaux de curiosité équivalents, mais celles et ceux qui ont dû attendre une demi-heure ont reporté plus d’émotions négatives que leurs camarades qui n’ont patienté qu’une toute petite minute.
Peut-être que le contenu des autres exercices leur a déplu, me direz-vous. Mais non, car le groupe « une minute » a effectué les mêmes, après avoir visionné la vidéo !
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L’urgence de satisfaire notre curiosité
Les résultats de ces recherches, publiés dans la revue Cognition and Emotion, suggèrent que lorsque notre curiosité ne peut pas être satisfaite immédiatement, nous aurions tendance à nous concentrer sur le fait qu’on ne sait pas, sur notre frustration…
Ce qui serait, logiquement, source d’émotions négatives.
À l’inverse, lorsqu’on sait que notre curiosité va bientôt être assouvie, nous pourrions alors centrer notre attention sur la résolution future de nos préoccupations. Cela permettrait une expérience beaucoup plus positive de la curiosité.
La curiosité est un vilain défaut ? Un sujet fascinant oui !
Bien sûr, ces résultats sont ceux d’une expérience ! Dans la vie réelle, on ne sait pas toujours si notre curiosité pourra être assouvie bientôt… ni même si elle le sera tout court.
Les recherches comme celle-ci peuvent aider les scientifiques à comprendre les comportements et les sentiments humains. Par exemple, on sait aujourd’hui que l’absence de curiosité peut être un signe de dépression.
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Comment agit la curiosité sur notre cerveau, sur notre physiologie ? Est-elle dépendante du contexte ? Dans une perspective évolutive, peut-elle servir à maintenir nos capacités cognitives ? Y a-t-il un lien à étudier entre la curiosité et l’apprentissage ?
Et maintenant… qui pense toujours au contenu de la vidéo, le truc avec différentes nuances de marron ? Qui a envie de savoir ? Est-ce que vos émotions sont positives, ou négatives ?
Eh bien voilà : la vidéo montrait des ours (avec un pelage de différentes nuances de marron, donc) !
- L’étude menée par Marret Noordewier et Eric van Dijk
- Un article publié sur NPR, Is Curiosity A Positive Or Negative Feeling?
- Un article de la revue Neuron, The psychology and neuroscience of curiosity
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