Il y a peu, alors que je mangeais des biscuits travaillais d’arrache-pied pour ce bien beau magazine qu’est madmoiZelle, j’ai jeté un oeil par-dessus l’épaule de ma chère collègue et voisine de bureau, Mélissa, qui réunissait des témoignages sur vos métiers de rêves. (Attention, teasing.)
J’ai rêvé un peu, parce que les madmoiZelles font vraiment des trucs de fifou. Et j’ai eu comme une bouffée de nostalgie, aussi, en retrouvant certaines de mes anciennes ambitions concrétisées par d’autres. Pilote de chasse… Prof d’université… Éditrice… J’adore ce que je fais aujourd’hui – mais je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi et comment, finalement, j’en suis arrivée là.
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Parce que, quand on regarde, j’ai commencé par vouloir être Dieu. On partait de loin dans l’ambition.
« Quand j’étais petite, je voulais être Dieu », ou l’époque bénie d’un potentiel divin
Sept ans. Époque bénie de l’acceptation de ma potentielle divinité. Il faut dire que rien ne me résiste, surtout depuis que j’ai compris que moi aussi, j’étais capable d’apprendre à lire, et que je n’allais pas être recalée au CP. À partir de là, plus rien n’est impossible, vous en conviendrez.
Alors entre deux missions d’intérim comme capitaine des pirates ou chevalière Jedi, histoire de passer le temps tout en me rôdant un peu sur le terrain de mon imagination, j’affirme à qui veut bien l’entendre que quand je serai grande, je serai Dieu. Parce que pourquoi pas.
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Et puis ça coupe bien la chique à tous les papy-mamie qui me gratouillent le menton en me demandant ce que je veux faire plus tard. Hé, j’ai sept ans. Si je dois déjà préparer ma carrière professionnelle, autant viser haut.
« Si c’est ça, je serai idole des jeunes », ou la première concession
Onze ans. Je deviens trop vieille pour ne pas friser l’hérésie en continuant sur ma divine lancée. En plus, Amélie Nothomb sort sa Métaphysique des Tubes, et je découvre avec désespoir qu’elle s’est déjà fait un business sur sa divinité infantile. Avons-nous donc tou•tes voulu être Dieu quand nous étions enfants ? Enfer et damnation : je ne suis donc pas unique dans ma mégalo.
Qu’à cela ne tienne. Ma désillusion me donne du panache et des airs rock’n’roll : je serai idole des jeunes.
Non, je ne sais absolument pas d’où je sors ce délire, mais l’important est que ce soit un délire, en fait. J’ai beau entrer au collège et découvrir les joies des excuses menstruelles pour sécher les cours d’EPS, je suis encore une gamine qui a le droit de dire qu’elle a le temps de voir venir.
« Boh, je serai marginale », ou l’angoisse de l’adolescence
Treize ans. Mon beau je-m’en-foutisme fringuant ne dure pas. Je suis en quatrième, ce qui est bien tôt dans mes études, mais les séances de « vie scolaire » consacrées à notre orientation se multiplient déjà. Et ça déconne pas. Essaie d’écrire « idole des jeunes » dans les petites cases, qu’on rigole, et on se revoie mercredi après-midi pour recopier le règlement du collège.
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Alors bon. Moi j’ai treize ans, et comme beaucoup de gamin-e-s de treize ans, je suis en colère. Il avait suffi que je réponde au prof de maths qui me faisaient des commentaires désobligeants pour devenir « la rebelle de la classe », mais alors là… Qu’est-ce que je veux faire comme études ? Université ou école ? Profil scientifique ou profil littéraire ? MAIS QU’EST-CE QUE J’EN SAIS ?! Je suis en quatrième, je fais du latin parce que j’aime dire « rosarum » et des dessins sur le papier millimétré. Ne peut-on pas attendre un peu avant de me faire rentrer dans une case bien précise ?
Si c’est ça, moi, plus tard, je serai marginale. Je vivrai sous les ponts, mais je vivrai en dehors de la société, et j’vous emmerde tous.
« Comment on devient pilote de chasse ? », ou le retour de la vengeance
Quinze ans. Ou seize ans. Je sais plus trop. Je reprends du poil de la bête. Voilà quelques années que je me nourris de dessins animés, de romans et de BDs sur des pilotes aventuriers, qui sauvent le monde et embarquent dans leur vieux coucou pour s’envoler vers l’horizon… et après une tentative réussie de parapente, je suis définitivement séduite. Oui bonjour, comment on fait pour piloter un avion ?
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Je suis prête à signer officiellement pour des études scientifiques s’il le faut, et si ça peut faire plaisir à mes professeurs qui doivent encore cocher je ne sais quelles cases dans leurs dossiers. En attendant, je lève le nez dès que j’entends un avion ou un hélicoptère.
Et puis à force de me renseigner sérieusement sur la question, j’apprends que ce qui se rapproche le plus de ce que je veux faire, c’est pilote de chasse. Qu’il vaut mieux avoir une bonne vue (petite myopie ici), une bonne taille (je reste un peu coincée au mètre 60)… et passer par l’armée.
Seize ans, et déjà allergique à l’uniforme. Tsss. Je m’en fous, un jour, je passerai mon brevet de pilote. Et sans l’armée.
De « reporter (de l’extrême) » à « institutrice », il n’y a qu’un pas
Dix-sept ans. L’année du bac. Les choses sérieuses commencent. Entre deux séances de stress et/ou de révisions intenses, j’essaie de me représenter ce qu’est la vie après le bac (s’il y en a une).
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Je termine une filière littéraire, et boum, il faut que je mette un nom ou deux sur mon avenir. Problème : malgré les années passées à me tanner sur ce que je veux/dois faire plus tard, on ne m’a jamais expliquée concrètement à quoi ressemblait la fac, ou ce qu’il y avait d’autre. Il n’empêche que les dossiers éventuels doivent être envoyés maintenant. Ça sent le foutage de gueule le paradoxe, cette histoire.
Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? Est-ce que je dois vraiment choisir maintenant ? Est-ce que je dois choisir quelque chose, en fait ?
Je prends le temps de réfléchir à ce qui me fait envie. J’ai envie d’aventures au bout du monde, d’apprendre à piloter un avion, d’inventer des histoires, de découvrir des trucs et d’écrire des livres pour partager tout ça. Bon. Je lis quelque part qu’on peut faire une licence au choix à la fac pour tenter l’IUFM et devenir institutrice. C’est ce que j’ai de plus concret qui ne me débecte pas. Je signe.
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Ça me laisse encore du temps pour réfléchir, et j’aime les langues. Je m’inscris en LLCE anglais à l’université. Peut-être que j’aurai du temps pour me pencher sur mes projets personnels à côté. (Naïve enfant.)
« Je fais de la recherche », ou l’université, entre l’amour et la haine
Dix-neuf/vingt ans. Pour un choix fait un peu par désespoir de cause, je m’en sors plutôt bien. Quand la plupart de mes camarades enchaînent plusieurs premières années de licences différentes sans trop savoir à quoi ça va les mener, moi, j’aime ce que je fais. La recherche. L’écriture d’essais, de dissertations, de dossiers. Partager ce que j’ai appris, à l’oral ou à l’écrit…
Au point que j’envisage d’aller plus loin. De tenter le master plutôt que l’IUFM parce que, autant que je l’admette, travailler avec des enfants m’enchante autant que de manger des aubergines (et je déteste les aubergines). Voire même la thèse, et puis, pourquoi pas, tenter l’agrégation. C’est pas l’aventure au bout du monde, mais c’est un challenge, et qui couple écriture et découvertes.
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Ça marche pendant un temps. Je me fais recruter par un prof dans un master international et me spécialise en langues et littérature comparée. J’écris un mémoire sur un sujet qui me passionne. Jusqu’au moment où je réalise que je ne suis pas aussi libre que je ne le pensais, que je suis plombée par un petit millier de conventions universitaires, et que ce milieu ne me convient tout simplement pas.
Vous avez dit chiante ?
De prof, à éditrice, à… journaliste, ou « coucou je me cherche encore »
Vingt-trois ans. Là, c’est la crise. Je valide mon Master, histoire de, mais je refuse toute proposition de thèse ou de colloque. Je termine, je plaque tout, et je me casse à Londres pour y enseigner le français.
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Non, je ne sais toujours pas ce que je veux faire de ma vie, à part que je veux faire quelque chose de bien dans ma vie. Mais je me casse parce que j’ai chopé le goût du voyage pendant mes études, que c’est au moins ça de gagné, et qu’au passage, si l’enseignement c’est fait pour moi, je serai vite fixée. Je suis une foutue hippie de la génération Y, ouais.
Verdict : Londres, c’est génial. L’enseignement, moins. Et au bout d’un an, il faut que je me trouve « autre chose ».
Peut-être, avec le recul, que j’ai été bête. Que j’aurais dû profiter de mon incertitude pour suivre mon envie de voyager. Mais j’étais obnubilée par cette idée qu’il se faisait tard, que j’arrivais sur mes vingt-cinq ans et que je n’avais « rien fait de ma vie ». Cette idée, ou plutôt, cette pression de merde.
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Après, bon, je tenais un truc. J’avais commencé à vraiment écrire, pour moi et pour madmoiZelle. Je savais enfin que le vaste milieu de la culture m’attirait. J’ai suivi une formation professionnelle dans les métiers du livre et de la culture, et après bien des péripéties, j’ai fini là, chez madmoiZelle, carte de presse en poche. (Je ne sais pas trop à quoi elle sert, en vrai, mais je l’aime bien.)
Bref, vingt-cinq ans. Une carrière qui commence, peut-être. Ou peut-être pas. Mais je m’en fous. Je ne suis pas Dieu, mais je suis arrivée à une sorte de paix avec moi-même, ce qui est même mieux. J’ai plein de projets, et après avoir tellement essayé de suivre une voie conventionnelle pour finir avec un parcours éclectique, j’ai moins peur de tenter ce qui me fait envie, et réfrène moins mon ambition.
D’ailleurs, ce brevet de pilote, il tient toujours, hein.
Et toi, à quoi ressemblaient tes ambitions d’enfant… et qu’est-ce que ça donne aujourd’hui ? Tu galères/as galéré, ou tu as toujours su quelle était ta vocation, comme une évidence ? (C’est beau.)
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Les Commentaires
D'aussi loin que je me souvienne, ma première ambition était d'être... Caissière . Je trouvais que les caissières étaient super belles, j'adorais leurs faux ongles (je trouvais ça "classe", je trouvais ça trop marrant de passer des articles devant des machines qui font "bip" et de se déplacer en roller dans tout le magasin. Et puis, j'étais persuadée que tout l'argent qu'elles avaient dans la caisse étaient à elles, du coup, pour moi, elles étaient riches! Et puis un jour, ma maman m'a expliqué que tout cet argent ne leur appartenait pas, que c'était le patron qui en prenait une grande partie... Alors j'ai voulu changer d'orientation (pas vénale, la meuf).
Vers mes 5-6 ans, j'ai voulu être astronaute. Je connaissais toutes les planètes du système solaire par coeur, j'avais pleins de livres sur le sujet (oui, j'ai lu en avance), et j'étais persuadée que ma petite taille était un atout pour rentrer dans la fusée . Jusqu'au jour où j'ai vu un reportage sur la mission Apollo je-sais-plus-combien où la fusée explose et où tout le monde meurt. A partir de là, j'ai voulu être astronome, ceux qui restent sur Terre et qui regardent les étoiles, mais qui vont pas risquer leur vie dans l'espace.
Ensuite, mon frère m'a fait regardé Jurassik Park et j'ai voulu devenir archéologue. J'avais même fait croire à tous les enfants de ma classe (CE1 ou CE2 il me semble) qu'il y avait des os et des oeufs de dinosaures cachés dans la cours de récré (gros LOL). Du coup, ils passaient leurs récrés à gratter le sol avec leurs règles!
Ensuite, en CM1/CM2/6ème, je voulais être actrice (une orientation qui s'est développée avec la pratique du théâtre), ou réalisatrice, ou scénariste. Mais les adultes m'ont vite dissuadée, en me disant qu'on ne vivait pas de ce métier, que si je voulait travailler dans le cinéma, je devais faire un autre métier à côté,, en faisant, par exemple, prof de français. J'adorais écrire des histoires ou des scénarios (j'ai d'ailleurs un cahier avec des petites histoires, des nouvelles, des débuts de scénarios, et des idées d'histoires ; j'ai même écris un jour un scénario de 54 pages, vous imaginez le truc! Et même si l'histoire est assez idiote, je l'ai gardé :fleur. J'ai donc voulu suivre une filière littéraire,, mais ma famille, plutôt scientifique, s'est débrouillée pour m'en dégoûter, en me disant que si je voulais faire du français, je devais apprendre le latin, le grec, changer de lycée pour aller dans un lycée plus "littéraire" que le lycée où j'étais censée aller, enchaîner avec une hypokhâgne et une khâgne... J'étais ultra-motivée, j'ai commencé le latin en cinquième mais ça ne m'a pas plus, et je savais que j'allais devoir me fader cette matière jusqu'à mes vingt ans, en plus du grec, ... Alors j'ai abandonné. Je me suis alors dit que je voulais faire journaliste, ou travailler dans la com. J'ai fait mon stage de 3ème dans une agence de pub, c'était génial, mais j'ai compris que c'était aussi très difficile de percer dans le secteur de la com et de l'événementiel.
En seconde j'ai décidé de tester les métiers des ingénieurs, j'ai donc pris l'option "ISI" (Initiation aux Sciences de l'Ingénieur) : échec total. J'ai poursuivi mes études en S SVT (la L étant diabolisée par le spectre du latin pour moi, et la filière ES m'était inaccessible à cause de mes parents), puis, lors de mon orientation, j'ai décidé de réunir toutes les matières qui me plaisaient et de voir quelles études y correspondaient: finalement, je me suis dirigée vers une prépa ECS. Et après deux ans de dur labeur, j'ai intégré une école de commerce (avec ma première envie d'être caissière, la boucle est bouclée :taquin
Aujourd'hui encore je ne sais pas trop quoi faire: finance ? Marketing ? Communcation ?...