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Comment aider son gosse à gérer la frustration alors qu’on a soi-même envie de casser des trucs

Les enfants qui pètent des câbles dans la rue, on en a tous vus, un peu effrayés. Mais quand finalement on devient parents et que ça nous tombe dessus, que faire ?

Qui dit questions d’éducation dit ? Conflit de générations ! Ce qui était permis hier est aujourd’hui interdit, proscrit, banni — « Non, non, on ne peut pas faire ça, vous n’y pensez pas… »

Dans notre toute nouvelle rubrique, Débats de parc, on fait le point sur les grands débats de la petite enfance, si clivants !

On dit souvent que les enfants font des caprices, ou des crise de nerfs, en fait ils essaient souvent tant bien que mal de gérer la frustration.

Quand j’ai pas de chocolat, je ne me roule pas par terre — notamment car mon cerveau est mature (enfin, à peu près) et car j’ai appris ce qui était socialement acceptable et ce qui ne l’était pas.

Comment faire en tant que parent quand on se retrouve confrontés à ce genre de situations, disons… intenses ? Eh bien, comme souvent dans le domaine de la parentalité, les avis diffèrent. On a donc cherché à savoir quelles réponses apporter et quel accompagnement proposer quand les enfants connaissent la frustration.

Mon fils de quinze mois a en ce moment une obsession étrange pour les objets — il paraît que ça arrive ! Et évidemment il a des gros crushs sur tout ce qui est dangereux. Donc son quotidien me semble parfois une suite de frustrations, orchestrée en plus par le soin de ses parents chéris, qui enchaînent les « non, non, non… »

On ne peut pas toujours mettre hors de sa portée tous les objets qui présentent un risque, alors comment faire ?

De quoi parle t-on quand on parle de frustrations ?

À chaque âge ses sujets de frustrations : le bébé sera déçu de ne pas être dans les bras ou de ne pas avoir le droit d’avaler une pièce (les parents ne sont pas sympas quand même), l’enfant de deux ans — satanés terrible two — ne voudra pas mettre de chaussures, celui de cinq ans exigera absolument un bonbon…

Beaucoup de situations dans lesquels on se sent bien dépourvus, si on ne veut pas leur hurler dessus.

L’âge de l’enfant induit des frustrations différentes et donc des comportements différents. Pour Marie Chetrit, docteure en sciences, qui vient de publier Éducation positive : une question d’équilibre ? Démêler le vrai du faux de la parentalité bienveillante :

« Tant qu’un enfant ne parle pas, il va avoir tendance à s’énerver plus vite, car c’est frustrant. Le but sera de lui montrer qu’on comprend. Il faut verbaliser, du type : “j’ai compris, c’est parce que tu n’arrives pas à…”

Une fois qu’ils arrivent à se faire comprendre, on est plus dans les mêmes problématiques.

Il y a plusieurs cas, celui où ils n’arrivent pas à faire quelque chose car ils sont trop petits et il y a : “je voudrais faire quelque chose mais on m’en empêche et j’expérimente tout ce que je pourrais faire pour voir la réaction des adultes”. »

Selon Héloïse Junier, psychologue spécialiste du jeune enfant, qui a publié Pour ou contre ?, Les grands débats de la petite enfance à la lumière des connaissances scientifiques :

« Les enfants ont un manque de régulation émotionnelle, leur cerveau est tellement immature. Quand ils ont un an, deux ans, trois ans, c’est à nous de réguler. »

Enfant
(© Unsplash/Helena Lopes)

Léonie Cance, psychologue, précise la terminologie car le vocabulaire que l’on emploie n’est parfois pas le bon. Ce n’est pas l’émotion de la frustration que l’on peut gérer mais le comportement qui en découle :

« On parle de gérer l’émotion, mais finalement on se trompe en disant ça. Les gens ont du mal à différencier cognition, émotions et comportement.

C’est plus le comportement qu’on leur apprend à réguler parce que les émotions, c’est quelque chose que l’on ressent. Dans tous les cas, l’émotion, elle est légitime. C’est plutôt ce que l’on en fait qui est plus ou moins légitime et socialement acceptable. »

Léonie Cance précise avec un exemple concret :

« Si l’enfant est frustré parce qu’on lui refuse du chocolat, soit.

Par contre, c’est le comportement initié par cette frustration qui est plus ou moins acceptable. S’il dit qu’il n’est pas d’accord, que ça le frustre, qu’il crie un peu, qu’il pleure un peu, on va considérer que c’est un comportement qui est ok.

Par contre, taper maman parce qu’elle n’a pas voulu donner du chocolat, là ce n’est pas OK. »

C’est donc plus sur le comportement induit par la frustration que l’on va pouvoir agir que sur la frustration.

On entend qu’il faut préserver les enfants de toute frustration ou au contraire les y confronter. Finalement, que faire ?

Faut-il l’éviter à tout prix ?

Pour Marie Chetrit, c’est impossible ! Effectivement, nous ne vivons pas dans des crèches, donc il y a des coins de table, des objets, et donc des interdits. Elle nous explique :

« On ne peut pas toujours l’éviter, mais il ne fait pas ajouter de la frustration à la frustration.

Pour les tout-petits, la frustration n’est pas quelque chose d’éducatif, ça ne sert à rien. Donc autant l’éviter lorsque cela est possible. »

Pour les plus grands, les choses sont différentes. Selon Marie Chetrit, on agit différemment avec les enfants plus âgés :

« Quand les enfants sont plus autonomes, qu’ils savent marcher, se faire comprendre. On est plus dans la même relation.

C’est là où il faut lui apprendre à réguler ses faits et gestes. »

Pour Léonie Cance qui parle également des enfants plus grands, la confrontation à la frustration est un mal nécessaire :

« C’est un ressenti que l’enfant va devoir apprendre à gérer. L’éviter, ce n’est pas forcément rendre service à l’enfant. »

Confronter son enfant à la frustration, c’est même essentiel.

On y est confronté en tant qu’adulte tous les jours. Quand on ne sait pas gérer la frustration, on se rend malheureux. »

Pour elle, il faut aussi penser aux parents. Elle l’explique :

« En revanche, ça peut être confortable pour le parent de l’éviter. Il faut composer entre ce qu’on peut faire en tant que parent et les moments éducatifs. On va parfois pas avoir envie ou avoir l’énergie d’accompagner son enfant dans la gestion de la frustration. Parfois on va éviter la source de frustration pour se simplifier la vie.

Apprendre à gérer la frustration, ça fait partie des boulots les plus épuisants de la parentalité ! »

Quand l’enfant grandit, il n’est donc pas nécessaire de l’éviter à tout prix. Mais c’est une tache complexe et fatigante que de l’accompagner pendant ces moment-là. Voici quelques pistes pour y parvenir.

Comment on fait concrètement avec son enfant ?

Dans le cas de jeunes bébés ou de jeunes enfants, Héloïse Junier nous le dit, il faut essayer de les accompagner :

« Quand il y a une frustration, on l’accompagne. C’est facile à dire et difficile à faire.

Il faut essayer de rester détendu et calme soi-même, de prendre l’enfant dans ses bras, de lui apporter notre présence et de l’aider à se réguler, sans lui en vouloir. En restant à côté de lui, on lui apporte de l’apaisement. Ce n’est pas simple à faire. »

La psychologue poursuit en affirmant que le comportement des parents sera un exemple dans l’apprentissage :

« Plus les parents régulent leur frustration et moins ils se mettent en colère, plus les enfants réguleront aussi leur frustration.

Ça nous renvoie à nos propres faiblesses. »

Effectivement en tant que parents, il peut être très compliqué de garder son calme lors de crises d’un enfant. On fait donc ce que l’on peut !

KidCry
(© William Fortunato/Pexels)

Marie Chetrit nous l’explique, ça dépend bien entendu de l’âge. Le comportement est alors à adapter :

« Si un enfant n’arrive pas à rentrer un objet dans un jeu avec des formes, il va se mettre en colère et jeter le cube par exemple. Il faut le rassurer, l’encourager à persévérer, le féliciter s’il y arrive.

Quand l’enfant grandit, il faut qu’il accepte qu’il n’a pas le droit de prendre de couteau ou de mettre les doigts dans la prise électrique. Il y a des limites sur lesquelles il n’y a pas moyen de transiger. Il recevra toujours la même réponse face à ce geste-là.

Il faut verbaliser bien sûr, mais l’enfant ne sera pas forcément apte à comprendre. Le courant électrique par exemple. Il faut qu’il accepte que c’est la règle.

Il doit apprendre à respecter sa propre sécurité et celle des autres. Frapper les copains et les copines, ce n’est pas possible. Abîmer les affaires des autres non plus. Même en se limitant à ça, c’est déjà beaucoup. »

Pour Léonie Cance, c’est un apprentissage, tout ça.

« Tout le monde — et surtout les enfants — est guidé par un principe de plaisir, sauf que face à ça, il y a le principe de réalité. Il faut apprendre à articuler les deux. »

Il est donc intéressant de trouver des substituts, des comportements de remplacement, comme elle nous l’explique :

« Leur apprendre quoi faire plutôt que se rouler par terre.

Verbaliser, mettre des mots sur la frustration. Certains utilisent des méthodes comme les coussins de la colère. »

Dédramatiser est aussi une bonne manière de faire. Elle poursuit :

« Il y a des choses, qui, pour l’enfant, vont représenter une montagne mais qui ne remettent pas en cause son bien-être.

De se confronter à ces situations, d’y faire face, de trouver le moyen d’y répondre, c’est utile.

Trouver des comportements de substitution et de vivre finalement cette émotion fait qu’en fait l’enfant va se rendre compte qu’il est capable de vivre avec. Ça ne l’a pas profondément transformé, bouleversé, empêché, abîmé… »

L’encourager est également une bonne méthode

« Et aussi en faisant du renforcement positif. En le félicitant ! »

Pour Léonie Cance, il faut expliquer même si cela ne suffit pas :

« Le ressenti de frustration, on peut expliquer pourquoi ça n’a pas été possible de faire ça, pourquoi on a dit non, ce que c’est la frustration, comme il l’a ressentie, c’est toujours intéressant.

Mais comprendre et agir, on le sait aujourd’hui en sciences cognitives, c’est deux choses différences. Du coup, expliquer ça ne suffit pas. On peut expliquer mais ce n’est pas pour ça qu’il va réagir de manière adaptée.

On va leur apprendre quels comportements sont acceptables et quels comportements ne le sont pas. Ça se fait en posant une limite claire. […]

Si l’enfant fait une crise, en vient à taper quelqu’un, il faut mettre une limite très ferme. Et punir, en faisant un temps d’exclusion du groupe, un Time Up. Une mise à l’écart de l’enfant de quelques secondes, quelques minutes.

Le ressenti est toujours légitime, le comportement ne l’est pas toujours. »

Pour les enfants en âge de comprendre, on peut donc expliquer et fixer des règles, comme l’affirme Léonie Cance :

« L’important est d’avoir des règles qui soient stables, fixes dans le temps.

On explique une fois le cadre, les tenants et les aboutissants de l’émotion, quel comportement est acceptable et quel comportement ne l’est pas. »

C’est donc ainsi que l’apprentissage se fait !

En clair…

Il est difficile d’éviter toutes les frustrations et ce n’est pas forcément souhaitable.

Pour les bébés et les tout jeunes enfants, il faut les accompagner et les réconforter. Pour les plus grands, un apprentissage est à mettre en place.

Dans tous les cas, la frustration est sorte de passage obligé et il faut apprendre à vivre avec. En tant que parents, tentons d’expliquer, de mettre un cadre fixe et d’accompagner au mieux nos enfants, même si c’est pas toujours faciles. Mais essayons de nous préserver aussi !

On se rend tôt ou tard compte qu’on ne peut pas vivre sur une île paradisiaque et manger des glaces toute la journée. Le principe de réalité, encore et toujours !

À lire aussi : Faut-il punir les enfants ? On s’attaque au sujet du siècle dans Débats de parc

Image en une : ©Getty/Canva


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