Article publié le 5 avril 2022
Quand mes jumeaux étaient encore des tout petits bébés (ils le resteront pour toujours dans mon cœur), je les berçais souvent, bon pas en même temps, je suis pas Shiva non plus. Surtout l’un des deux qui avait des coliques, et pleurait beaucoup. Clairement ça le calmait, par un effet tout à fait miraculeux.
Mais j’ai entendu à plusieurs reprises la phrase classique, qui nous vient sans doute d’un autre temps (ou d’une autre réalité) : « Tu vas l’habituer aux bras, et il ne pourra plus s’en passer » ou encore la variante : « en le portant trop, tu vas lui donner de mauvaises habitudes ». Quel parent n’a jamais entendu cela ? Mais on a beau faire, se douter que c’est sans doute un peu absurde, ce genre de sentences reste dans un coin de la tête et sème le doute.
Alors certes, ça peut être un grand plaisir de porter son bébé mais ça peut être aussi une sacrée contrainte, le dos ne dit pas merci. Mais on le fait aussi pour apaiser le bébé ou pour l’endormir… on a parfois pas vraiment le choix. Et au fur et à mesure des mois, le petit poupon acquiert le poids d’un petit fût de bière.
Alors on a sollicité des spécialistes pour en savoir plus sur cette question.
Le jeune bébé a besoin d’être porté et bercé
Le nouveau-né, qui était encore peu de temps auparavant bien au chaud dans un utérus, peut avoir besoin d’être contenu, et les bras sont aussi efficaces qu’un emmaillotage… C’est un peu plus contraignant, certes !
Pour Caroline Goldman, psychologue pour enfants et adolescents, docteure en psychopathologie clinique, auteure de File dans ta chambre ! Offrez des limites éducatives à vos enfants,
« En dessous de 9 mois, on ne tient jamais trop son bébé dans ses bras, on ne l’embrasse jamais trop, on ne le câline jamais trop… le bébé vient d’une matrice utérine qui l’a enveloppé pendant 9 mois.
Il sort au grand air et on voudrait le lâcher, l’expulser loin de tout contenant ? C’est bien cruel… et bien injustifié aussi. »
Un bébé ne va pas s’habituer aux bras, il a besoin des bras.
Les bienfaits du bercement
L’habituer aux bras et engendrer une dépendance : ce serait une contre-vérité scientifique. Le bébé a besoin d’assurance, d’une sécurité affective, comme nous l’explique Caroline Goldman :
« L’idée de “ne pas habituer un bébé aux bras“ en les lui refusant, est une contre-vérité scientifique complète. Les psychologues savent aujourd’hui sans aucun doute possible que plus le bébé a été dorloté, immédiatement secouru et pris dans les bras lorsqu’il le réclamait… plus il est “sécurisé“ sur le plan affectif.
Il a intégré cette expérience de soutien précoce pour toute la vie. Au contraire, les bébés que l’on a laissé pleurer et que l’on a peu portés restent insécurisés, tristes et plus enclins à la dépendance affective… »
Héloïse Junier, psychologue spécialiste de la petite enfance et docteure en psychologie de l’université de Paris, ne tarit pas non plus d’éloge sur le bercement dans son livre Pour ou contre ? Les grands débats de la petite enfance à la lumière des connaissances scientifiques. Selon elle :
« Le bercement permettrait de dormir plus profondément et d’améliorer la mémoire. »
Rien que ça ! De plus, il serait bénéfique pour l’équilibre :
« Le bercement stimule le système vestibulaire de l’enfant. Ce système (situé dans l’oreille interne) est responsable du sens de l’équilibre et de la perception du corps dans l’espace. »
Et bien sûr, le bercement provoque confort, bien-être et réassurance :
« Une telle proximité physique entre le corps de l’adulte et celui de l’enfant favorise la sécrétion de l’ocytocine. Cette hormone tend à diminuer le niveau de stress de l’enfant […] »
Pas mal de points positifs, donc.
« Besoin d’amooooooour (des câlins, des bisous, j’en veux tous les jouuuurs) »
L’amour est très important pour le bon développement du bébé. C’est un peu cucul de le dire, mais c’est vrai.
L’on sait aujourd’hui que le contact physique est aussi primordial. En témoigne, dans les services de bébés nés prématurés par exemple, les bienfaits du peau à peau, considéré comme un soin nécessaire au bébé. Caroline Goldman nous l’indique également :
« Au départ de la vie d’un bébé, il n’y a que l’amour… cet amour parental s’exprime à travers des partages d’expériences sensorielles réussies dans lesquelles s’inscrit le bercement (mais aussi les baisers, les câlins, le bon lait nourrissant, les tétées, les bains tièdes, les petites chansons…).
Il s’exprime aussi à travers les expériences d’attachements, de rires, d’éveil de la pensée, de stimulations, etc. »
L’amour parental donne au bébé les bases de la sécurité affective, et le fait de bercer et de cajoler peut en être un des signes :
« Cet amour parental nourrit l’affectivité de l’enfant de façon merveilleuse et nécessaire, il constituera les bases de sa sécurité affective pour toute la vie.
Donc bercez en toute sérénité, jouez aux “parents kangourous“ pour que votre enfant se sente viscéralement, structurellement étayé, soutenu, pour toujours ! »
Ne nous privons pas, si nous le souhaitons.
Un chemin (parfois long et compliqué) vers l’autonomie
Petit à petit, l’oiseau fait son nid, et le bébé a moins besoin des bras et d’être bercé. Certains bébés ne parviennent à s’endormir qu’en étant bercés, mais savoir s’endormir seul est le fruit d’un apprentissage.
Il est possible d’appliquer des rituels et de mettre en place des techniques, qui permettront certainement d’y parvenir. Dans le livre Le Sommeil du jeune enfant, Héloïse Junier pose en préambule l’envie des parents et propose des méthodes.
L’idée n’est pas de se forcer à tout crin à bercer son enfant. C’est très contraignant et cela peut être épuisant, mais plutôt d’indiquer que l’on peut le faire sans contre-indication si on le souhaite. L’astuce de beaucoup de parents — qui m’a sauvée à plusieurs reprises — est de mettre le bébé en portage, avec une écharpe ou un porte-bébé, et d’essayer de vaquer à ses occupations.
En conclusion, le bercement n’est pas une drogue, le bébé ne va pas être dépendant. Il ne faut pas se restreindre si l’on en ressent le besoin, pour soi et pour lui. Après, ça ne doit pas devenir une contrainte non plus. C’est aussi agréable de rester maître et maîtresse de ces mouvements, et de ne pas devoir devenir musclor.
Voici en tout cas de quoi bien remettre à sa place tata Monique quand elle dira qu’on lui donne de mauvaises habitudes…
À lire aussi : Faut-il laisser pleurer les bébés ? On fait le point dans Débats de parc, notre nouvelle rubrique !
Image en une : © Pexels/Sarah Chai
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Les Commentaires
Nous on a dû se résoudre à utiliser la technique du "laisser pleurer jusqu'à ce qu'elle s'endorme seule", parce que les siestes que sur moi, clairement, j'en pouvais plus. (Bon évidemment on la laissait pas pleurer 30 minutes non plus, on avait défini une limite avant de retourner la voir). Mais par exemple, pour la "méthode" qu'on a appliqué, il faut être prêts à entendre pleurer son bébé sans intervenir, et c'est hyper dur (on l'a fait vers ses 4-5 mois, et c'est toujours aussi dur alors qu'elle en a 14 d'ailleurs :rire
Bref, tout ça pour dire que c'est pas facile à gérer le sommeil de ces crapules !