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La question d’Alex
Chère Stéphanie,
Je t’écris avec une pointe de colère et un soupçon d’incompréhension. Mon entreprise fait apparemment face à des problèmes financiers, et a décidé d’y faire face par le biais de nouvelles mesures.
L’une de ces mesures implique de ne plus remplacer les congés maternité. Je précise « maternité », car ils n’ont pas parlé de congés « parental » ou « paternité », uniquement « maternité ».
Au-delà de la discrimination évidente des termes employés, les quelques collègues féminines sur le point de partir en congé maternité ressentent de la culpabilité, et les autres qui avaient en tête un projet bébé se disent qu’elles vont finalement le décaler…
Je ne parle même pas du discours culpabilisant que cela peut entraîner (« tu es enceinte ? Mince, ça nous fout dans la m*rde, on va devoir récupérer tes dossiers… »), ni de la réorganisation hasardeuse dans les services concernés…
Quel univers paradoxal où il faut « réarmer démographiquement la France », mais pour ce faire y risquer sa carrière professionnelle…
Bref, tout ça pour demander : cette situation est-elle normale ? Que pouvons-nous y faire ?
Je te remercie par avance pour tes conseils avisés,
Bien à toi,
Alex
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La réponse de notre DRH
Salut Alex,
Ahhhhh le congé maternité, ha ben oui, un congé qui concerne les femmes, est-ce pour cela que l’on doit toujours le défendre ou le justifier ?
Bon, si je me prête à un petit constat rapide :
- On connait la discrimination à l’embauche pour cause de grossesse réelle ou supposée — « Tu comprends, Chloé, à ton âge, tu pourrais vouloir un enfant bientôt. Maxime, lui aussi, mais il n’aura pas à le porter, donc on va embaucher Maxime. » Même parcours, mêmes compétences, mais… voilà.
- Ensuite, on constate la discrimination salariale : « Julie, on ne t’augmentera pas cette année, tu viens juste de rentrer de congé maternité, tu n’as pas contribué à la croissance de l’entreprise… même si, avant, tu pulvérisais les objectifs depuis 18 mois. »
- Puis, celle relative à l’évolution de carrière : « Sarah, le poste va plutôt aller à Jean-Patrick, il sera plus fiable cette année ; lui ne sera pas absent pour donner naissance, même s’il n’a pas ton expérience. »
- Et maintenant, bienvenue à la discrimination au non-remplacement de congé maternité ! C’est l’idée étrange que de ne pas remplacer les collaboratrices en congé maternité pourrait sauver l’entreprise de la faillite — tout en pointant du doigt la responsabilité des futures mamans sur la surcharge de travail imposer aux autres, évidemment sinon ce n’est pas drôle !
Malgré l’absurdité et l’illégalité de ces situations, on doit malheureusement s’adapter à cette réalité et visiblement, tu es au cœur de la tempête en ce moment.
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Le droit au congé maternité
Alors pour mettre tout le monde d’accord : le congé maternité est un droit, inscrit dans la loi. Les articles L1225-16 et suivants du Code du travail protègent ce droit, garantissant aux futures mères un minimum de 16 semaines d’absence légitime. Elles ont d’autres droits associés à l’état de grossesse, comme une protection absolue contre le licenciement, des autorisations d’absences pour les rendez-vous médicaux…
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Et durant ce congé (ou les autres) ?
Rien n’oblige ton employeur à remplacer un salarié absent peu importe le motif. En revanche, il a une obligation d’organiser la continuité de l’activité. Pour cela, il peut tout à fait redistribuer les tâches sur d’autres. Dans ce cas il doit veiller à trois choses essentielles :
- Les personnes désignées doivent avoir les compétences pour remplir leurs nouvelles missions.
- La charge de travail additionnelle doit être supportable sans nuire à leur équilibre.
- Enfin, il faut s’assurer que les collaborateurs acceptent ces missions. Ce dernier point est souvent négligé, malheureusement.
Si ce transfert de missions est bien préparé — avec une fiche de mission claire, une formation, un suivi de la charge de travail et, pourquoi pas, une prime —, cette organisation temporaire peut être parfaitement acceptable, et oui, elle peut même aider à économiser un peu. En tant que RH, je pourrais tout à fait envisager cette solution, si elle est bien expliquée et les salariés correctement accompagnés.
Le souci, dans ton cas, semble résider dans la manière dont cette décision est communiquée.
Est-ce de la discrimination ?
Oui, si et seulement si, cela vise à stigmatiser les futures mamans ou à leur faire porter la responsabilité d’un éventuel inconfort de leurs collègues, ou encore à les décourager un projet de vie personnel qui ne regarde personne, pas même notre Président.
Il est inadmissible que la grossesse soit utilisée comme moyen de pression, à l’embauche, pour le salaire, l’évolution ou même pour laisser entendre que le remplacement d’un congé maternité menace l’entreprise.
Si ta direction et les RH véhiculent un tel message, tu as tout à fait raison de réagir. En premier lieu, adresse-toi aux RH pour signaler ton ressenti. Avec un peu de chance, c’est plus un problème de communication qu’une volonté de discriminer. Souvent, pointer le caractère choquant de la situation permet de faire évoluer les choses.
Si rien ne bouge, tu peux solliciter le CSE, car sans actions correctives, on est peut-être à la frontière de la légalité.
L’Inspection du travail pourra aussi examiner la situation et agir si nécessaire.
J’espère sincèrement que la situation va s’arranger de ton côté et que tu n’auras pas à te lancer dans un débat sans fin ou pire dans une procédure légale.
Transmets toutes mes félicitations aux futurs parents, et rappelle aux mamans qu’elles profitent de leur congé maternité : elles l’ont bien mérité !
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