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Santé mentale

Je n’ai pas niqué mon complexe… j’ai fait de la chirurgie à la place

Complexée par l’asymétrie de ses seins, cette lectrice a choisi le bistouri pour se débarrasser de ce complexe qu’elle ne parvenait pas à envoyer valser.

Le 9 janvier 2019

Ah, les complexes…

Niquer son complexe, plus dur qu’il n’y paraît

Ces petits détails que nous sommes seules à remarquer devant la glace, paraît-il, et qui pourrissent la vie des superficiels adolescents et jeunes adultes (essentiellement du genre féminin bien sûr, c’est connu que nous n’avons que ça à foutre).

Une bonne guerre ou une petite épidémie de variole pour leur faire prendre conscience de ce qu’elles ont à présent, voilà ce qui leur manque à ces jeunes ! Et puis dans « body positive », il y a positive non ? Mais les autres parlent-ils d’un « body negative » ? Est-ce que cela aurait du sens ? En tout cas voici ce que cela m’évoque, dans mon cas.

Si à l’âge de dix-sept ans, quelqu’un m’avait parlé de niquer son complexe ou d’acceptation de soi à force d’auto-persuasion, je sais que j’aurais juste eu envie de lui mettre une grosse baffe dans la gueule.

Et franchement, encore aujourd’hui, je ne suis pas sûre que je le prendrais bien… Car je fais partie des gens qui ont eu les sous de la sécurité sociale pour de la chirurgie plastique.

Mes seins asymétriques, mon insupportable complexe

Mon complexe est né aux alentours de la quatrième.

Le manuel sur l’adolescence que ma famille m’avait dégoté (pas le plus mauvais du marché) précisait qu’il était possible « d’avoir une légère différence de forme ou de taille entre les deux seins ».

Chez moi, la différence était telle que j’avais besoin d’un bonnet C à gauche et de même pas un A à droite.

J’avais des vergetures rouges sur tout le pourtour du sein gauche. Les vergetures, comme vous le savez certainement, sont des cicatrices dues à la peau qui ne peut pas suivre la croissance rapide des tissus en-dessous que ce soit à cause de l’âge, du poids ou d’une grossesse.

La peau n’est pas aussi ferme que ce qu’elle aurait dû être. Mon sein gauche tombait donc, à dix-neuf ans, et le mamelon regardait le sol. En plus avec une forme particulière dite « tubéreuse » : une bonne part de la chair contenue dans le sein migre dans le mamelon qui était donc énorme.

Le tout bien mou bien sûr, rapport aux cicatrices devenues fines et blanches puisque la peau ne soutenait rien du tout.

J’ai choisi la chirurgie pour être mieux dans ma peau

Je n’ai pas de maladie particulière.

Les médecins, incapables d’expliquer ce que j’avais, ont conclu qu’il faudrait passer par la chirurgie esthétique pour espérer une correction. Une gynécologue a employé devant moi l’expression « se faire charcuter » à propos de l’opération. Ça m’était complètement égal.

Personne autour de moi, hormis ma famille, ne s’était aperçu du problème (j’étais dispensée de piscine depuis la cinquième jusqu’en terminale pour une sombre histoire de verrue plantaire).

J’utilisais divers trucs pour gonfler le bonnet A, des cotons stop-allaitement aux coques en mousses post-opération de cancer du sein. J’avais bien trop peur des réactions des autres lycéens pour oser en parler autour de moi… Je n’ai jamais été suicidaire, mais l’idée que ma malformation soit connue m’interrogeait sur le passage à l’acte.

Sans compter que c’était comme une ceinture de chasteté machiavélique qui me coupait la plupart de mes envies d’aller jeter un œil dans le slip de mes petits camarades, tant la réciprocité aurait été délicate.

Le complexe de l’asymétrie de mes seins dans l’intimité

Je pensais être capable de faire fuir n’importe quel garçon en soulevant mon haut (je rassure, je n’ai finalement jamais testé). J’ai tout de même fini par perdre ma virginité, mais en portant un t-shirt : mon copain de l’époque n’a jamais eu le droit de voir mes seins.

La question de l’asymétrie de mes seins m’obsédait tellement que je m’inventais des pathologies compliquées pour expliquer mon problème. Un jumeau mosaïque au niveau de ma poitrine ? Une forme étrange d’hermaphrodisme ?

Je me souviens avoir fondu en larmes durant mon premier toucher vaginal. J’étais persuadée que la gynéco allait trouver quelque chose d’anormal au fond de mon vagin (en fait, non)…

Elle était perplexe de me voir me mettre dans un tel état, mais je ne sais pas si elle a compris que c’était associé à ma poitrine.

La chirurgie plastique de mes seins à 19 ans

Et enfin, à 19 ans, j’ai pu me faire opérer. Pourquoi à 19 et pas à 18 ? J’ai été voir le chirurgien esthétique pour la première fois en terminale à l’âge de 17 ans. Mais celui-ci m’a dit qu’il ne pouvais pas m’opérer tant que j’étais en surpoids.

Le risque était que si je perdais du poids par la suite je pourrais de nouveau avoir une asymétrie dans l’autre sens. Mon père, qui m’accompagnait en consultation, a déclaré qu’il s’opposerait à l’opération tant que je n’aurais pas perdu mes kilos en trop.

(J’en faisais quatre-vingt pour un mètre soixante-quatorze. Rétrospectivement, c’était pas grand-chose en fait…) Bref, en 2006-2007, je suis devenue obsédée par la bouffe. J’ai atteint les soixante-cinq kilos six mois après un régime drastique.

Le rapport avec son corps et son alimentation est propre à chacun et chacune. Si cette madmoiZelle a suivi ce parcours, il n’est pas dit que le résultat soit identique pour quelqu’un d’autre.

Le métabolisme, le mental, l’expérience et d’innombrables facteurs entrent en ligne de compte.

Si tu souhaites perdre ou prendre du poids, changer ton régime alimentaire pour des raisons de santé ou de bien-être personnel, tu peux aller chercher conseil auprès de spécialistes de la santé, de la nutrition, du sport.

Ça peut être la personne responsable de l’infirmerie de ton établissement scolaire, la médecine du travail, mais aussi ton ou ta généraliste par exemple.

Il existe aussi des associations comme Endat qui peut apporter aide et soutien aux personnes atteintes de troubles alimentaires dont l’obésité.

Mon sein droit n’a pas poussé, et personne ne sait pourquoi

Arrive enfin le moment de revoir le chirurgie,, sans mon père (youpi). Il m’a pris en photo pour le dossier pour l’assurance maladie. En effet, j’étais sans doutes, selon lui, dans les critères permettant de rembourser au moins une partie de l’opération.

Je lui ai redemandé s’il connaissait une origine possible de ma malformation. Comme il le dit, « il y a de la glande » dans le sein droit, mais il n’avait aucune idée de la raison pour laquelle il n’a pas poussé…

Le syndrome de Poland ressemble un peu à ce que j’ai, mais celui-ci est beaucoup plus grave et étendu (il s’agit d’une malformation pendant la gestation où tout le côté droit du corps peut être malformé, avec un bras droit plus court que le gauche ou des muscles manquants par exemple).

Et l’assurance maladie ? Parfois, il y a une visite de contrôle pour s’assurer que l’opération est justifiée.

Dans mon cas, cette étape a été zappée (la personne qui a reçu les photos a dû faire « oh bordel » et a tamponné mon dossier sans estimer nécessaire de me rencontrer). J’ai donc été opérée avec une part de l’argent public. Mon père a payé l’autre moitié sans plus rien me demander (perdre du poids a au moins permis cela).

Comment se passe la chirurgie mammaire  ?

L’opération consistait à gonfler le sein droit avec une prothèse en silicone (comme pour une augmentation mammaire classique). De l’autre côté, il fallait retravailler le sein gauche pour l’accorder avec le droit (celui-ci était de toute façon nettement plus moche que le droit même s’il était plus gros).

Le chirurgien était rompu à ce genre de technique : même si mon cas était rare, ses patientes étaient souvent atteintes de cancer du sein et avaient besoin d’une opération pour masquer l’asymétrie. C’est parfois plus que mettre une prothèse d’un côté.

Un passage à l’hôpital et une cicatrice sur le sein

L’opération à la clinique s’est bien passée. J’ai été opérée vers 8h du matin sous anesthésie générale et me suis réveillée dans l’après-midi.

J’avais un bandage assez léger sur la poitrine (pleine de bleue et de taches de bétadine avec un drain en bonus), et plus aucune sensation dans la peau de chaque côté.

Forcément, pour faire passer le bistouri, les terminaisons nerveuses sont un peu sectionnées, la sensibilité met longtemps à revenir !

À gauche, le chirurgie a retiré toute la peau affaiblie par les vergetures pour reconstruire un sein de forme ronde plus proche du droit.

Au final, ça me fait une cicatrice en forme d’ancre de marin, avec un cercle autour du mamelon (qui a été recousu directement à de la peau plus saine, donc toute la peau qui l’entourait directement a été retirée).

Avoir deux seins que j’aime et que j’accepte

Donc j’ai à présent deux seins de la même taille, mais ils n’ont toujours aucun air de famille entre eux.

Les mamelons, par exemple, ne se ressemblent pas du tout. J’ai des poils que j’enlève à la pince à épiler à droite et rien de tel à gauche !

Mais vous savez quoi ? Je m’en fous. Par rapport à la galère avant l’opération, c’est un tel bonheur que ce genre de petit désagrément n’est rien du tout.

Je peux oublier des jours entiers la présence de ma prothèse à droite. L’obsession pour ma poitrine a disparu du jour au lendemain avec l’opération, ce qui me libère un sacré temps de cerveau disponible.

Je sais bien qu’elle est artificielle, mais je n’y pense pas au quotidien.

C’était il y a dix ans.

Au fait, j’ai repris quasi aussitôt tout le poids perdu pour l’opération. Dès que ma grande cause a disparu, l’envie de manger et de récupérer toutes les calories manquante est arrivée comme un cheval au galop !

Mais je m’en fous complètement, et aujourd’hui j’assume très bien mon opération et mon ancienne difformité.

Soulagée, bien dans ma peau, je ne regrette rien !

Si je devais refaire les choses, je ferai exactement pareil.

Je ne sais pas s’il existe une thérapie qui aurait pu me faire accepter ma poitrine telle qu’elle était… Mais je pense qu’elle aurait été tellement longue qu’elle m’aurait fait perdre toutes les années entre ma vingtaine et ma trentaine.

On ne meurt pas d’une asymétrie, de la poitrine c’est vrai.

Mais l’opération a transformé ma vie et m’a donné un soulagement que je n’aurais jamais ressenti autrement. J’ai retrouvé une énergie que je peux utiliser à des fins plus utiles.

L’opération m’a donné une confiance en moi qui me sert encore aujourd’hui. En fait, je n’ai rien à dire aux gens qui ont des complexes. Chacun est différent, et se répéter jusqu’aux larmes qu’il n’y a pas de problème là où il y en a manifestement un, ça n’aide pas.

Je souhaite à tout le monde de trouver une méthode pour s’accepter, mais parfois, le bistouri est juste la solution la plus simple !

À lire aussi : J’ai été incitée à me faire poser des implants mammaires, et je vais les faire retirer

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Les Commentaires

20
Avatar de Shaloupla
26 octobre 2022 à 18h10
Shaloupla
Peut-être que c'est hors-sujet, mais j'avoue que je ne peux pas être "contre" la chirurgie esthétique et je suis en totale empathie avec la Madz qui témoigne (et contente pour elle si elle va mieux!)
Quand la société demande aux gens, et notamment aux femmes, d'atteindre des canons de beauté irréalisables (ou difficilement), puis qu'on les blâme de faire de la chirurgie pour y arriver je trouve ça très hypocrite.
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Voir les 20 commentaires

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