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Santé

J’ai le syndrome de Poland, qui entraîne des malformations physiques

Loulalou est née avec le syndrome de Poland : cela s’est traduit par un sein en moins et une main atrophiée. Elle vous raconte son enfance, son adolescence, et la façon dont elle a accepté ses particularités.

« Je suis née avec un seul sein, mais steuplé panique surtout pas ! »

J’ai adressé cette supplique au premier garçon qui allait me voir nue. J’étais en terminale, folle amoureuse, et j’allais coucher avec un mec pour la première fois. C’est toujours un moment compliqué de l’adolescence : il faut se laisser aller, on met de côté nos complexes pour se faire accepter par quelqu’un d’autre… Mais ce fut un peu plus difficile pour moi.

Le syndrome de Poland

En effet, quand je suis née en 1994, j’avais, comme vingt autres bébés cette année-là, un syndrome de Poland. C’est-à-dire que pendant la grossesse, mon artère sub-clavière a momentanément arrêté d’être irriguée par le sang, ce qui a entraîné un certain nombre de complications.

Je suis ainsi née avec ma main gauche « atrophiée » et les doigts palmés. Je n’avais pas de muscle grand pectoral gauche et donc pas de glande mammaire gauche. Là où j’aurais dû avoir un petit sein potelé de bébé, moi, je n’avais que mes côtes. Mon père l’a tout de suite remarqué. Après la joie de ma naissance est donc venue l’inquiétude de mes parents. Qu’est-ce que j’avais ? À quoi était due cette malformation ? Était-ce leur faute ? Est-ce que c’était grave ? Comment allais-je grandir ? Leur en voudrais-je ? Serais-je triste ?

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C’est dans des thèses d’étudiants en médecine que mes parents trouvèrent la réponse. J’avais un syndrome de Poland, ma santé n’était pas en danger, ce n’était pas génétique. Mais pour mes parents c’était la fin du monde, la pire chose qui pouvait arriver. Ils étaient inquiets quant à de futures séquelles psychologiques.

Selon L’association Syndrome de Poland,

« Le syndrome de Poland touche une naissance sur 30 000, soit environ vingt naissances par an en France.

Il touche deux fois plus souvent des garçons que des filles. Le syndrome de Poland peut être sous des formes très variables. Plus fréquemment, il est traduit par l’absence du grand pectoral, ce muscle situé sur la poitrine qui permet de réaliser les mouvements de l’épaule. Ce phénomène peut influer sur le diaphragme, les intestins et les côtes. Le cœur est parfois repoussé du côté droit.

Un autre signe se situe au niveau de la main, qui est trop courte, du à un développement insuffisant. Il y a également diverses anomalies des doigts : les syndactylies, qui correspondent à l’accolement de deux ou plusieurs doigts.

Le bras est souvent plus fin et plus court car les trois os qui le constituent peuvent être touchés.

Le syndrome de Poland se manifeste également par une agénésie des faisceaux inférieurs du muscle grand pectoral avec agénésie mammaire. Il peut s’agir également de seins tubéreux dont les bases sont rétrécies. »

Mon père le vit comme une fatalité : « Ma fille est née avec un syndrome de Poland, et je n’y peux rien ». Il n’y avait plus qu’à faire avec et m’accompagner, m’aider a me sentir bien et à m’accepter comme j’étais. Ce fut par contre plus difficile pour ma mère. Elle culpabilisait, s’en voulait. Elle avait peur que je ne sois jamais heureuse, que je sois rejetée par les autres, que j’en souffre. Elle avait peur que je ne m’accepte jamais, que je ne sois pas bien dans ma peau et que je ne me construise pas correctement.

Les premiers mois furent donc difficiles pour elle. Elle ne voulait pas que sa fille, qu’elle aimait de tout son coeur, soit malheureuse.

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Mon enfance, ma petite main et les autres

J’ai eu ma première opération à neuf mois. Il fallait me « décoller » les doigts et on ne pouvait le faire que progressivement. J’ai dû me faire opérer trois fois, la dernière opération ayant eu lieu quand j’avais sept ans. Ces opérations ont laissé beaucoup de cicatrices sur ma main.

Mes parents surveillaient comment j’allais, comment je le vivais. J’ai su me servir de cette petite main aussi vite que l’autre main.

Ma mère a voulu avoir un deuxième enfant rapidement. Ils ne voulaient pas que je soit seule, et voulaient que j’aie quelqu’un de mon âge pour jouer avec moi. J’ai donc eu un petit frère quand j’avais un an et demi.

Lors de ma première rentrée des classes, mes parents étaient inquiets et avaient peur que la réaction des autres enfants me touche. Mais tout s’est bien passé. Les enfants m’ont posé des questions, se demandaient pourquoi j’avais une main « bizarre ». J’étais un peu gênée et je ne savais pas quoi leur répondre. Je ne savais pas non plus pourquoi j’avais une main plus petite que la leur. Personne n’y pouvait rien, c’était « la faute à pas de chance ».

Mais j’avais autant de copines que les autres filles de mon âge et ma différence ne semblait gêner personne, au contraire. Passé le cap de la rentrée, personne ne me posait plus de questions sur ma petite main. J’en avais une, elle faisait partie de moi, et elle pouvait s’avérer pratique. On m’appelait quand quelqu’un avait fait tomber un jouet dans un petit trou par exemple : j’étais la seule qui pouvais le récupérer ! Mes parents remarquèrent cependant que petit à petit j’avais tendance à la cacher. Je laissais volontairement la manche gauche de mes pulls la recouvrir pour qu’on ne la voie pas.

Quand j’ai eu quatre ans, nous sommes partis vivre aux Antilles. Je n’avais plus de pull, je ne cachais donc plus ma petite main ! J’ai dû faire avec et assumer. À chaque rentrée les enfants me posaient toujours les mêmes questions. Ce n’était pas par méchanceté ou pour se moquer, c’était juste de la curiosité. Et inlassablement je répondais la même chose : « C’est la faute à pas de chance ».

Puis j’ai commencé à poser des questions à mes parents pour comprendre ce qu’il m’était arrivé. Pourquoi j’avais cette petite main ? Pourquoi moi et pas mon frère par exemple ? Est-ce que les cicatrices que j’avais sur cette mains partiraient un jour ?

Sauf que mes parents n’avaient pas plus de réponses que moi. On ne savait pas pourquoi tout d’un coup mon artère s’était bouchée, ou pourquoi c’était tombé sur moi et pas sur un autre enfant. Mais une chose était sûre : mes cicatrices ne partiraient pas. Encore une fois, c’était juste la faute à pas de chance. Je l’acceptais, ayant par exemple plein de copines avec qui je faisais de l’équitation ; comme quoi, niveau motricité, elle ne me gênait absolument pas cette petite main !

Puis nous avons de nouveau déménagé quand j’avais sept ans. Et là, ce fut plus difficile. C’est l’âge où les enfants commencent à devenir bêtes et méchants… J’avais des copines, mais j’ai dû essuyer quelques moqueries qui me touchaient beaucoup. Je trouvais cela injuste, je ne comprenais pas pourquoi on se moquait de moi. Ce n’était pas de ma faute si ma main n’était pas comme la leur ! Je pouvais faire les mêmes choses qu’eux, je savais m’en servir comme eux !

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Tu veux la voir de près, ma main ?

Je me souviens d’une fois où deux enfants s’étaient moqués de moi à la cantine. Je n’avais rien osé dire, je cachais ma petite main et j’avais ravalé mes larmes pendant tout le repas. Quand ma mère est venue me chercher, je lui ai tout raconté. Elle était tout aussi triste que moi (voire encore plus !), et on a pleuré toutes les deux dans la voiture pendant une bonne demi-heure. Au bout d’un moment, ma mère m’a dit :

« C’est parce qu’il sont trop méchants, tu dois t’en moquer ! »

J’ai donc appris à faire avec ma petite main. Je me suis renforcée, et quand des enfants se moquaient de moi je savais que c’était parce qu’ils étaient « trop méchants ». Je faisais comme si ma petite main n’existait pas et j’étais heureuse. Certains enfants pensaient que j’étais triste d’avoir une petite main, et ils me racontaient leurs défauts à eux. Une fille m’avait notamment montré qu’elle avait des verrues sur les doigts et dit qu’elle en avait honte. Le but était de me montrer que de toute façon, on était tous différents et qu’on avait tous des « défauts ».

À lire aussi : Le harcèlement scolaire… et ses conséquences

La puberté avec le syndrome de Poland

Mes parents voyaient que tout se passait relativement bien, que j’étais heureuse malgré tout. Cependant je ne leur parlais plus de ma petite main, ce qui les inquiétait un peu. Ils pardonnaient beaucoup de mes comportements par rapport à ça, et ils étaient tellement attentifs à mon bonheur et à mes sentiments qu’ils délaissaient un petit peu mon petit frère.

Puis un jour ils remarquèrent que ce n’était pas facile pour lui, qu’il se sentait abandonné par rapport à moi. On a découvert qu’il était dyslexique et qu’il avait du mal à l’école. Mes parents s’en sont voulu et lui ont donc accordé un peu plus d’importance. Mais tout d’un coup, c’était moi qui me sentais abandonnée ! Je n’étais plus la petite princesse et j’ai commencé à faire beaucoup de caprices et de colères pour attirer leur attention.

Je devenais insupportable et piquais une crise lorsqu’on ne me donnait pas ce que je voulais ou qu’on me faisait la moindre remarque. Quand j’ai eu dix ans, ils m’ont donc emmenée voir une psychologue. Ils pensaient que je me livrerais plus facilement à elle concernant ma petite main, et que cela calmerait mes colères. Ce fut un échec, je ne voulais pas la voir et c’était une corvée. Je n’avais rien à lui dire, et elle restait complètement passive, attendant que je lui parle, sans me poser de questions. Ce qui donnait lieu à des séance d’une demi-heure où nous ne parlions pas du tout, ni elle, ni moi. Ils ont fini par abandonner l’idée. Je n’étais pas malheureuse, mais mes crises ont continué.

Je suis ensuite entrée au collège, et si ma petite main ne me posait plus de problème, elle a été remplacée par autre chose. J’entamais ma puberté, et mes seins poussaient. Ou plutôt… mon sein droit poussait, puisque n’ayant pas de glande mammaire au gauche, celui-ci restait désespérément plat, avec juste mes côtes sous ma peau. J’étais complètement asymétrique et si cela ne posait pas trop de problème au début, plus mon sein droit poussait, plus cela se voyait.

Je me souviens de mon premier soutien-gorge. Ma mère avait mis du rembourrage du côté gauche pour combler le vide. Je l’ai essayé et j’ai passé la soirée à me regarder dans le miroir. On ne se rendait compte de rien et j’avais l’impression d’avoir deux petits seins normaux !

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Personne ne savait pour mon « problème ». Je ne l’avais dit qu’à quelques ami•e•s en primaire, et au collège personne n’était au courant, pas même mes meilleures amies. Je ne voulais pas que tout le monde le sache, encore moins les garçons, et j’avais peur d’en parler à mes amies et qu’elles aillent le répéter. Je n’en parlais pas non plus avec mes parents. Je ne voulais pas qu’ils pensent que j’étais triste alors que ce n’étais pas le cas. J’étais heureuse, même si j’aurais préféré avoir deux seins « normaux ».

C’est quand nous avons fait natation que cela s’est compliqué. Il fallait que j’ai un maillot de bain qui dissimule l’asymétrie, et ma mère pensait qu’une brassière était plus pratique pour y glisser du rembourrage. Mais moi j’avais envie d’avoir le même maillot de bain que mes copines, celui avec des triangles, comme tout le monde. Je suis partie dans ma chambre triste et fâchée, puisque ma mère voulait me convaincre que la brassière était mieux. En revenant pour m’excuser, j’ai vu qu’elle pleurait. Elle s’en voulait, et ne voulait pas que je sois triste à cause de mon sein. Elle culpabilisait et pensait que c’était sa faute.

Mais je ne voulais pas qu’elle soit triste, je ne l’ai jamais tenue pour responsable.

C’était « la faute à pas de chance », ni plus ni moins.

Je voulais juste être « normale »

Puis s’est posé la question des opérations pour me créer un sein. Mes parents ne savaient pas quelle méthode était la meilleure et nous avons vu beaucoup de spécialistes qui proposaient parfois des méthodes très très lourdes. Ça a été une source d’inquiétude chez mes parents, qui ne voulaient pas m’infliger des opérations trop invasives si elles n’étaient pas nécessaires. Ils ont finalement opté pour le lipofilling mammaire. Ça consistait à me prendre de la graisse dans le ventre ou les cuisses, puis à me l’injecter dans le sein.

Je ne prenais pas part aux débats, et quand mes parents me demandaient mon avis, cela me gênait et j’abrégeais la discussion sans poser de question. C’est en quatrième que j’ai eu ma première opération du sein, au beau milieu de l’année. J’ai dû retourner en France et j’ai raté deux semaines de cours. J’ai fait croire à tout le monde que je me faisais opérer pour ma main, et ils ont tous été adorables. Mes amis m’avaient écrit une looongue lettre en me racontant tout ce que je manquais à l’école et m’avaient envoyé tous les cours.

L’opération fut assez dure. On m’a pris de la graisse dans le ventre, ce qui est loin d’être agréable. Surtout lorsque l’on m’a enlevé mon pansement au ventre : j’ai pu voir le massacre. Il était tout bleu et j’avais quatre petites cicatrices autour du nombril, pleines de fils de suture. Je savais qu’une fois que ce serait bien cicatrisé, mes cicatrices seraient très discrètes, du coup avec mon père on en plaisantait. C’était le nombril de Chucky ! Il m’a même acheté une figurine de Chucky qui trône pitoyablement dans le salon, car je n’ai jamais pu dormir avec ça dans ma chambre.

Mais lorsqu’on a enlevé le pansement de mon sein, j’ai été déçue du résultat. Il était toujours très petit, et si on ne voyait plus mes côtes, ce n’était pas un sein à proprement parler. Je suis donc allée avec ma mère acheter mon premier « soutien-gorge spécial » et la prothèse en silicone qui va avec. C’était une brassière affreuse que j’ai eu en plusieurs exemplaires de plusieurs couleurs. Oh joie !

C’est en sport que c’était le plus compliqué. Toutes les filles avaient de jolis soutien-gorges tout mignons, et moi j’avais mon affreuse brassière. De plus, les douches étaient communes, en maillot de bain : je devais transvaser ma prothèse entre ma brassière et mon maillot de bain sans me faire voir. J’ai donc appris à être un ninja.

Puis le problème des garçons a commencé à devenir compliqué. Les autres filles commençaient à parler de leur première fois et moi je n’avais même pas embrassé un garçon. J’étais inquiète. Je savais que mes seins ne seraient jamais « normaux », et j’avais peur qu’aucun garçon ne veuille jamais coucher avec moi. J’ai l’impression que la société nous pousse à croire que l’amour passe d’abord et avant tout par le sexe, or je n’arrivais pas à m’imaginer coucher avec un garçon. J’avais peur de leur réaction, qu’ils soient dégoutés.

Je pensais donc joyeusement que je finirai vieille, seule et vierge. Avec des chats. Plein de chats.

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Une bien belle perspective.

Je me suis de nouveau fait opérer à la fin de la troisième. Et je n’étais toujours pas satisfaite. Mon chirurgien disait que je n’avais pas assez de graisse à prendre et que c’était pour cette raison que l’opération n’avait pas permis que mon sein gauche grossisse vraiment. J’avais un peu l’impression de m’être fait opérer pour rien…

Cependant, en-dehors de cela, j’étais habituée à mes prothèses, à mes brassières, et à tous les désagréments qui en découlaient. Je n’en parlais toujours pas, ni à mes parents, ni à mes amis. Je faisais comme si de rien n’était, comme si j’étais née normalement. J’étais heureuse, et je savais que si j’avais besoin d’en parler, mes parents étaient là et me soutenaient.

Je ne participais pas à mes opérations. Je ne posais pas de question et suivais l’avis de mes parents quand ils me demandaient le mien. J’étais complètement passive alors que j’étais la principale concernée. Je ne voulais pas être dans cette position, celle d’un objet cassé qu’on devait réparer. J’étais « normale ». Point. Les opérations me faisaient peur, me fatiguaient, et tout ce que je voulais, c’était être « normale ».

À lire aussi : Les médias, les femmes et leur estime d’elles-mêmes

Mon corps (presque) définitif… et les garçons

J’ai eu mon premier copain en première. Je n’étais pas réellement amoureuse de lui, mais c’était un bon ami depuis le collège et j’étais très heureuse d’intéresser enfin quelqu’un. Nous avons dépassé le stade des bisous, mais je ne voulais pas qu’il me voit nue. Je ne lui ai jamais avoué n’avoir qu’un seul sein et il ne pouvait pas le soupçonner. J’avais encore ma prothèse, des cicatrices affreuses et j’avais honte. Les seins sont généralement considérés comme l’attribut sexuel de la féminité, et je n’en avais qu’un sur deux !

Nous avons finalement fini par nous séparer sans qu’il ne se doute de quoi que ce soit. Je ne lui faisais pas assez confiance, j’avais peur qu’il me trouve affreuse, qu’il se moque ou pire : qu’il raconte à tout le monde mon plus grand secret.

Ma dernière opération eut lieu entre ma première et ma terminale. Ce fut également la plus lourde. On m’a pris de la graisse dans les cuisses, sur les hanches et sur le ventre. On a aussi dû me prendre un peu de mon sein droit pour la mettre dans mon (futur) sein gauche. Lorsqu’on m’a enlevé les pansements, j’ai enfin pu voir le résultat « définitif ». J’étais effondrée.

Mes seins n’étaient pas du tout symétriques et mon sein droit, qui avait toujours été normal, avait été charcuté. J’avais une grosse cicatrice tout autour de l’aréole, puis une autre qui rejoignait la dernière : un gros trait tout en relief qui partait de mon aisselle droite, passait sous mon sein et allait quasiment jusqu’au sternum. C’était affreux. Et mon sein gauche n’était pas vraiment en meilleur état. J’avais plein de petites cicatrices parsemées sur ce sein qui n’en était pas vraiment un. Il n’avait pas la forme d’un sein, et encore moins celle de mon sein droit. Je détestais le résultat.

J’ai demandé à mes parents pourquoi ils avaient choisi cette méthode et pas une autre. Pourquoi ils ne m’avaient pas tout simplement fait mettre une prothèse qui aurait eu la forme d’un sein. Ils ont répondu qu’ils avaient fait ce qu’ils pensaient être le mieux, qu’ils avaient vu des photos de femme atteinte du syndrome de Poland avec une prothèse et qu’ils n’avaient pas été convaincus. De plus, j’avais dit être d’accord avec eux. En effet : quand on ne donne pas son avis, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même si on n’a pas été écouté•e.

J’ai été une des première à utiliser la méthode du lipofilling mammaire, et le résultat était au-delà des espérances des médecins…. mais pas des miennes. Je ne sais pas ce qu’ils imaginaient, mais ça ne devait pas être beau à voir s’ils étaient ravis du résultat ! Ils m’assurèrent que les cicatrices finiraient par être plus discrètes et que mon sein gauche aurait une forme de plus en plus naturelle avec le temps. Je n’étais pas convaincue.

Puis j’ai découvert un nouvel aspect de mes nouveau « seins ». Je ne sentais plus rien du sein droit. Un mois après il était toujours comme anesthésié. Je n’avais plus aucune sensation. Heureusement, cette opération aura tout de même permis l’arrêt définitif des prothèses et des brassières. J’ai pu avoir des vrais soutien-gorges, et c’était une petite victoire.

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Je suis ensuite partie passer mon bac en France en internat. Mes crises et mes caprices devenaient de plus en plus pesants, surtout que mes parents découvrirent que je séchais les cours régulièrement. Cela n’avait néanmoins plus aucun rapport avec mes malformations, j’étais juste une ado carrément chiante. C’est là-bas que je suis tombée amoureuse d’un garçon de ma classe. Nous sommes sortis ensemble, et c’est avec lui que je voulais faire ma première fois.

Au bout de trois mois, il m’a proposé de dormir chez lui. J’en ai parlé à ma mère qui m’a demandé si je me sentais prête. Je n’en avais aucune idée. Oui, j’avais envie de coucher avec lui, mais j’étais morte de trouille. Il ne savait pas que j’avais deux seins asymétriques et pleins de cicatrices. Il ne m’avait jamais posé de questions sur ma petite main, et je ne savais pas comment il allait réagir.

Et s’il ne m’aimait pas assez ? Et s’il ne voulait plus sortir avec moi ? Et s’il était dégoûté ? Et s’il m’en voulait de pas l’avoir prévenu ? J’avais l’impression de le rouler, d’être une arnaqueuse qui lui avait vendu du matériel cassé.

Mais je lui faisais confiance, et même si je n’avais pas la certitude qu’il continuerait de m’aimer, je savais qu’il ne le raconterait à personne, même pas à ses meilleurs amis. Je préférais lui dire avant qu’il ne le voie, pour lui laisser une chance de s’enfuir avant de me dévoiler (oui, je n’étais vraiment pas sereine). Cependant, je ne savais absolument pas comment lui dire. Je ne voulais pas lui faire peur, mais je ne voulais pas non plus minimiser « la chose ».

J’ai dû passer trois bon quarts d’heure à pleurer dans ses bras avant que je ne décide de lâcher la bombe :

« Je suis née avec un seul sein, mais steuplé panique surtout pas ! »

Il était très calme, et il m’a dit qu’il ne paniquait pas et qu’il s’en fichait, en me regardant droit dans les yeux, sans une once d’humour. J’étais rassurée. J’étais même plus que ça : c’était des années d’inquiétudes qui s’envolaient. Je ne mourrais pas veille, seule et vierge. Je mourrais vieille, dans ses bras, les seins à l’air ! Je dois reconnaître que c’est un peu ridicule dit comme ça, mais ce fut vraiment un gros soulagement. Et j’étais un peu euphorique aussi. Donc je ne réfléchissais plus normalement.

Nous avons passé le reste de la nuit à discuter. Je lui ai tout raconté : mon enfance, ma puberté, mes parents, mes opérations… Quand il m’a enlevé mon t-shirt, il m’a regardé, et il m’a dit qu’il m’aimait. Oui, c’est un peu gnangnan et ça fait film américain, mais c’est comme ça. J’étais amoureuse.

Je suis ensuite partie faire mes études à l’étranger, tandis que lui restait vivre en France. Nous sommes restés ensemble à distance pendant six mois, puis j’ai voulu qu’on se sépare. J’étais jeune, je voulais faire la fête, m’amuser, rencontrer d’autres garçons. Nous nous sommes quittés en bons termes, même si nous n’avons maintenant plus de contacts.

Mais en me séparant de lui je fus prise d’un doute. Et si c’était le seul garçon capable de m’aimer malgré ma différence ? Cependant je ne voulais pas rester coincée dans une relation juste par peur de ne trouver personne d’autre. J’ai donc continué ma vie d’étudiante, en découvrant de nouveaux aspects de ma personnalité. Je me suis rendu compte que je pouvais plaire à beaucoup de garçons, et je m’en amusais, sans qu’ils ne voient mes seins.

J’assumais pourtant beaucoup plus : j’avais expliqué mon syndrome à la plupart de mes amies, j’avais même montré mes seins à certaines (ce qui a entrainé des soirées « étranges » ou l’on comparait nos seins), et je m’acceptais mieux. Je pouvais en parler à mes parents, ce n’était plus un sujet « tabou » pour moi. Mes amies y sont pour beaucoup, elles m’ont aidée à dédramatiser tout ça !

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Puis un soir, je suis tombée sur un jeune homme très charmant. Il m’a tout de suite plu, et nous nous sommes embrassés. Je ne le connaissais pas, et nous n’avions pas d’amis en commun. Quand il m’a proposé de rentrer avec lui j’ai d’abord refusé par habitude, même si j’en mourais d’envie. Mes amies m’y ont alors encouragée. Je ne le reverrais jamais, c’était l’occasion de voir, en plus il avait l’air gentil. Il m’a dit qu’il ne tenterait rien si je n’en avais pas envie, et m’a promis qu’on regarderait Tarzan. Impossible de refuser !

Je suis donc rentrée avec lui, et même si nous n’avons pas couché ensemble ce soir-là, il m’a enlevé mon soutien-gorge. Je ne l’avais pas prévenu, et il n’a fait aucun commentaire, ni posé de questions. Je n’étais même pas sûre qu’il avait remarqué ! Quand je suis partie le lendemain, on a échangé nos numéros. Le soir-même je dormais de nouveau chez lui, et nous ne nous sommes plus quittés. C’est au bout de deux semaines qu’il m’a enfin demandé ce que j’avais. Il pensait que j’avais été brûlée (eh oui, les cicatrices sont moches). Je lui ai expliqué en gros, sans rentrer dans les détails, et il a compris.

Je lui ai depuis posé des questions, sur ce qu’il avait ressenti quand il s’en est aperçu. Il m’a dit ne jamais s’être senti « roulé » comme je le craignais tant. Il avait été curieux, sans oser me poser de question pour ne pas me vexer. Il se demandait si j’avais la même sensibilité que les autres. Il n’a jamais été dégoûté, mais plutôt surpris.

C’est le regard des autres qui le gênait un peu au début. Il n’aimait pas que je sois cataloguée comme « la fille avec une petite main », et ne voulait pas être « le mec qui sort avec la fille à la petite main ». Il ne voulait pas qu’on se moque de moi. Maintenant, il s’en fiche. Il aime « mes roploplos » comme si c’était des vrais !

À lire aussi : Mes seins et moi, de la malformation aux balafres

En conclusion

Cela fait maintenant deux ans que nous sommes ensemble. Je suis rentrée en France après deux années à l’étranger. Mes études ne me plaisaient pas (et je n’ai pas eu mon année aussi, ça joue). J’ai repris d’autres études et j’espère être prise dans l’école de mes rêve l’année prochaine. Lui finit ses études à l’étranger, et pour l’instant tout se passe bien entre nous. On s’appelle tous les soirs et il vient me voir à Paris une fois par mois. On s’aime et on est heureux.

Moi, j’ai appris à m’accepter, même si je me ferai sûrement opérer de nouveau un jour pour « symétriser » tout ça. Mon sein droit a retrouvé des sensations, et les cicatrices s’effacent peu à peu. La vie continue, et contrairement à ce que pensaient mes parents à ma naissance, c’est loin d’être la fin du monde. Je suis née avec une petite main et un seul sein. Tant pis, c’est comme ça. « C’est la faute à pas de chance ! »

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Les Commentaires

21
Avatar de Freehug
23 mai 2015 à 05h05
Freehug
Je tiens à dire que ton histoire est très belle <3 Je te souhaite plein de bonnes choses pour ta vie future ! Et puis c'est bien la preuve qu'on peut être heureuse sans avoir ce corps parfait impossible à la con qu'on nous vend dans les médias pour nous pousser à acheter des cosmétiques inutiles (au hasard, les crèmes censées nous faire maigrir).
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