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Culture

La vulgarité, qu’est-ce que c’est ?

Vulgaire, vulgarité… Les stars comme Miley Cyrus, Nicky Minaj ou encore Rihanna sont souvent qualifiées ainsi. Mais au fait, c’est quoi, être vulgaire  ?

Article initialement publié le 12 septembre 2014

Pour tes grands-parents, la vulgarité ça commence peut-être à ce short « trop court » que tu as arboré tout l’été. Pour ta mère, c’est cette amie qui est venue manger chez vous et qui a roté à table. Et pour toi, peut-être, c’est cette chanteuse à la mode qui danse en petite tenue.

Mais quelle que soit la définition que l’on en a, ce qu’il y a de marrant avec la vulgarité, c’est qu’elle fait parler d’elle… Même si on ne sait pas trop ce que ça veut dire, « être vulgaire ».

Être vulgaire, l’apanage du petit peuple ?

Car oui, à la base, « vulgaire », ça vient de là : « vulgus », en latin le « bas peuple », le « commun ». La masse.

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Tout ce vulgaire, moi ça me… pff… beurk, caca

Or, une masse, c’est deux choses : déjà, c’est différent de l’élite, et ensuite c’est… la partie la plus nombreuse de la population !

Ce qui veut dire qu’on est toujours le vulgaire de quelqu’un, sauf à être l’Empereur, mais qu’en plus, on ne peut pas y faire grand-chose. C’est une histoire de caste sociale plus que de bonnes manières.

De nos jours, on utilise plus vraiment le mot « vulgaire » dans ce sens-là. Le terme « populaire » a pris sa place. Car oui, à la base, être « populaire » ce n’est pas vraiment un compliment.

Sauf que depuis plusieurs décennies, avec des phénomènes comme la Beatlemania, les choses ont changé : est populaire ce qui est à la mode. Il ne s’agit plus de se faire aimer par l’élite mais par le plus grand nombre… Quitte à ce que certain-e-s hipsters viennent se plaindre du nivellement par le bas de la culture mainstream !

Il existe donc une relation très forte entre la vulgarité et la popularité, que certains communicants vont s’approprier.

Être vulgaire, l’apanage des femmes ?

L’insulte « vulgaire » a ainsi opéré un glissement sémantique. Il ne s’agit plus de désigner du bout des lèvres la plèbe, ces Hommes ordinaires : on s’en sert désormais pour qualifier une attitude volontairement provocante, jouant sur les normes sociales.

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Et étrangement (non), de nos jours, à ce petit jeu, ce sont souvent les femmes qui trinquent.

Un homme malpoli sera plus volontiers qualifié de « grossier » que de « vulgaire », de même qu’un homme jouant sur sa plastique torride sera un « playboy », ou « provocateur », mais beaucoup plus rarement « vulgaire ».

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’est pas encore courant de voir une femme jouer avec les normes de la société.

D’aucun l’ont bien compris et font de la « vulgarité » un argument de vente au service de certaines pop-stars. On souligne alors plusieurs éléments, contre toute attente plutôt positifs dans l’opinion des fans :

  • Cette femme est provocante, donc elle mérite de faire la une. Peut-être même pourrait-on dire qu’elle est courageuse. Elle s’assume.
  • Elle est en avance sur son temps. Ceux qui ne l’aiment pas sont des réactionnaires.
  • Cette femme est proche des gens. Elle n’est pas snob.

Le vulgaire n’a pourtant pas toujours été l’apanage des stars féminines !

Le 14 mars 1964, la revue musicale Melody Maker fait sa une sur les Stones en titrant : « Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stones ? ». Il s’agissait de provoquer l’opinion afin de mieux séduire les adolescents contestataires de l’époque : le groupe mené par Mick Jagger avait mauvaise réputation, contrairement aux Beatles qui avaient su se faire apprécier des parents.

On peut penser aussi aux mouvements de pelvis de ce cher Elvis Presley, qui me remuent encore le dedans…

Être sexy sans être vulgaire

Sauf que voilà ; la sexualité féminine s’est révélée beaucoup plus difficile à domestiquer par les médias que la sexualité masculine. Entre la fille bien et la catin, ils ont de plus en plus de mal à placer le curseur.

  • Candidate de télé-réalité ? Vulgaire.
  • Actrice nue dans un film ? Artiste dévouée, sans tabou.
  • Chanteuse nue dans un clip ? Vulg… Art… heu… ça dépend ?

Avec la libération sexuelle des femmes, l’appréhension de l’usage qu’elles ont de leur propre corps se corse. Même les féministes ne savent pas toujours quoi penser de personnalités comme Beyoncé, à la fois femme forte, businesswoman avisée et sexyness incarnée.

À lire aussi : « We can do it ! », de Rosie la Riveteuse à Beyoncé

Pendant ce temps, les injonctions contradictoires des magazines féminins incitent à être « sexy sans être vulgaire », multipliant les conseils contradictoires et maladroits : mettre des talons ou un décolleté, mais pas les deux à fois, du rouge à lèvres ou du fard à paupières, mais jamais les deux, et jamais trop… Comprendre : « Assume ta sexualité, mais pas trop non plus, parce que bon, la sexualité sur une femme c’est sale ».

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Mon Dieu ! Cette femme porte un gant de hockey ! 

Alors comment savoir si l’on dépasse les bornes du civilement correct ? C’est simple : on est punie. La femme vulgaire se différencie de la femme sexy par les ennuis que son attitude provocante lui attire : insulte, vindicte populaire, voire agression.

À lire aussi : Amy Poehler explique la pression sociale pesant sur les femmes

Quand une célébrité se la joue volontairement « vulgaire », les personnes à l’origine de sa communication savent très bien que les réactions seront divisées, qu’une partie de l’opinion « punira » la star par un jugement réprobateur. Mais ils font ce pari parce qu’une icône non consensuelle renforce l’adhésion de sa base de fans.

C’est aussi ce qu’on peut voir avec l’ouvrage de Valérie Trierweiler : on sacrifie l’approbation d’une partie des élites intellectuelles et littéraires, ou encore de la classe politique, au profit d’un scandale juteux et… profitable.

Qu’est-ce qu’il faut comprendre par là ? Qu’une femme qui ne fait pas consensus est vulgaire. De là naît la tyrannie d’une féminité sans vagues aux contraintes épuisantes.

Que se passe-t-il lorsque ces femmes célèbres sont qualifiées de vulgaire par les médias ? Elles servent d’exemple. Mais pas d’exemple aux jeunes filles, comme on s’en inquiète souvent ! Elles servent d’exemple aux femmes cherchant à vivre une sexualité épanouie : « Voilà, femmes, ce qui vous attend si vous osez montrer un téton. Sortir un peu des rangs. Vous serez vous aussi vulgaires. Et personne ne veut être vulgaire, n’est-ce pas ? ».

On fait de cette sexualité, de cette sensualité, quelque chose que seules certaines célébrités peuvent se permettre, à la frontière entre stars et bêtes curieuses, un exemple à ne pas reproduire à la maison.

Nous sommes donc prisonnière de cette contradiction : d’un côté des artistes s’émancipent du qu’en-dira-t-on, de l’autre ces mêmes artistes renforcent l’appréhension que l’on peut avoir du jugement public. Et les magazines enfoncent le clou avec leurs conseils pour une sensualité libre de toute vulgarité.

Ce n’est bien sûr pas la faute de ces artistes, ni de nos propres hésitations. Mais par contre, on peut faire quelque chose pour sortir de ce cercle vicieux !

En finir avec le concept de vulgarité

La vulgarité n’est pas un concept anodin. Il ne définit rien de précis. Il n’est pas constructif. Il sert à une seule chose : réassurer l’emprise de la société sur nos jugements moraux.

Pour preuve, il suffit de regarder comment ce terme a évolué : d’abord utilisé pour définir les pauvres par opposition aux élites, il qualifie désormais les « catins » par rapport aux « femmes correctes ».

Le mot « vulgaire » n’existe que pour pointer du doigt. Pire, il pointe du doigt avec ce petit air d’évidence, de « bon sens », qui le renforce. Et en matière de jugements moraux, il faut toujours se méfier de ce qui semble être « évident » : il y a trente ans, un homme chantant torse nu était « vulgaire », mais les choses ont évolué !

Je vous propose donc d’abandonner définitivement ce terme faussement évident de « vulgaire ».

Préférez-lui par exemple des périphrases inspirées de la communication non-violente qui décrivent votre malaise : « Je ne suis pas à l’aise devant cette vision de la sexualité », « Ce clip me met mal à l’aise ».

Et si l’exercice vous fatigue, souvenez-vous que l’on est toujours le vulgaire de quelqu’un d’autre et que la mise en avant de ces principes plus respectueux d’autrui pourrait bien vous rendre service plus tôt que prévu !

À lire aussi : Lingerie affriolante : la vulgarité n’existe pas


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

25
Avatar de skippy01
6 janvier 2018 à 11h01
skippy01
J'ai connu un jour un mec qui ramenait absolument tout au sexe, au point que ça en devenait pénible. Son kiff, c'était de pousser des cris de jouissance explicites, comme ça, sans raison, juste pour le fun. Il était à mon sens un parfait exemple de mec vulgaire. Donc non, ça n'est pas un concept sexiste.

De mon côté, j'ai toujours eu une profonde antipathie pour la vulgarité à des fins de marketing. Quand je voit des femmes se dénuder dans des clips, je ne me dis absolument pas «oh, comme c'est admirable, elle se réapproprie son corps et se dénude par choix» mais plutôt «mouais, elle tire profit du scandale provoqué par la vulgarité pour faire parler d'elle sans trop se fouler». La disparition du concept de vulgarité doit certainement être leur pire cauchemar, car n'ayant pas grand chose d'autre à proposer que de la provoc' de bas étage, elles devront faire une croix sur leur carrière.
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