La collaboration entre Sky (Royaume-Uni), HBO (États-Unis) et Canal+ (France) s’intitule The Young Pope, elle a été présentée à la Mostra de Venise et va en étonner plus d’un. Aux commandes de cette exception télévisuelle, le bon Paolo Sorrentino, qui a signé des films comme Youth, La Grande Bellezza et figure dans le top 3 d’Amy — je peux vous assurer que c’est un véritable honneur.
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Le concept inimaginable de The Young Pope
Imaginez un peu, le pape actuel serait américain, aurait à peine une quarantaine d’années et serait complètement… dément.
Ce que personnellement j’apprécie particulièrement chez lui, c’est son habileté à mixer absurde — tout de même plausible pour que le spectateur s’interroge sur un tel sujet — et réalisme sur une composition musicale parfaite.
Jude Law incarne Lenny Belardo, un Pie XIII fictif absolument grisant. Pouvoir, charisme… le nouveau chef de file de l‘Église catholique est prêt à ébranler les dogmes et se situe complètement à l’opposé du pape actuel, François. Et ça ne va pas faire plaisir à tout le monde.
C’est très paradoxal, car en voyant un pape aussi jeune, on s’attend forcément à un homme moderne, alors qu’en fait pas du tout. Son nom devrait l’indiquer : Pie XIII se positionne comme un conservateur pur et dur.
La première scène de The Young Pope pose le ton et l’atmosphère. Un silence plane dans la vie de Lenny, que seule sa voix brise. Le style reconnaissable de Sorrentino, parfois contemplatif avec une beauté des plans quasi-surréelle mais toujours un ton humoristique, se détache de suite.
Peut-être que je ne devrais pas dire ça en tant que sériephile, mais quelque part, The Young Pope ne ressemble pas à une série.
Car souvent, en deux heures de long-métrage, des non-dits restent tapis en arrière-plan et ce n’est pas toujours au goût du spectateur. Eh bien là, je sens que ça va être satisfaisant et qu’en plus, la saison 2 promet d’autres possibilités.
Je ne veux pas dire par là que la qualité cinématographique ne peut pas être retranscrite en séries, hein, au contraire, vu le budget alloué à The Young Pope, ce serait contre-productif. J’entends plus que ce sont le format et le rythme de narration qui sont inhabituels à la télévision.
La cerise sur le gâteau c’est que je peux vous assurer qu’on rit beaucoup devant le programme, l’absurdité entraînant forcément des situations cocasses.
L’expérience sociale de The Young Pope
En dix épisodes, Sorrentino va pouvoir mener son expérience sociale et sociologique à bien et à mal dans cette réalité alternative. En tout cas, les deux premiers épisodes avec un chef de l’Église à l’image de Pie XIII ne donnent qu’une envie : devenir ou rester athée. Au-delà d’être une expérience humaine, des machinations politiques entrent aussi en jeu.
En plus d’un Jude Law phénoménal, on retrouve du côté américain Diane Keaton et James Cromwell (je dois avouer que je ne comprends pas trop pourquoi ils n’ont pas fait de Jude Law un pape anglais tout simplement, ça aurait été aussi incisif avec un passif anglican, enfin bref), du côté italien on a Silvio Orlando, et du côté français il y a Ludivine Sagnier et Cécile de France qui vont vraiment vous surprendre. Et vous serez ravi•es de savoir que leur anglais est des plus admirables !
Tout le monde est très juste, entre dévotion pure et réflexion profonde.
Les flashbacks montrent un jeune Lenny orphelin qui arrive sous la garde de Sœur Mary — certainement le personnage le plus intéressant après le pape lui-même. Mais Pie XIII demeure tout simplement insondable. Comment son éducation l’a mené à sa personnalité actuelle ? Qu’est-ce qui peut traverser son esprit ?
The Young Pope chamboule tout
En sortant de la projection des deux premiers épisodes, je ne savais pas trop quoi penser si ce n’était que je n’avais encore jamais vu une série de ce genre.
La patte de Sorrentino se reconnaît, bien évidemment. Mais ce dont je suis sûre, c’est que Lenny Belardo est exécrable et mon petit cœur a eu du mal à le supporter. Les coups bas qu’il fait à tout le monde, son égocentrisme et son orgueil m’ont tuée.
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Cette critique du nouveau Vatican fascine. Faut-il croire en Dieu pour être croyant ? C’est un point soulevé par The Young Pope quand Lenny prétend plaisanter en confessant qu’il ne croit pas en Dieu. Bon. Il ne rigole clairement pas, hein.
Mépriser l’humanité serait-il un moyen de communier ? Encore une fois, l’attitude qu’adopte Pie XIII en tant que pape ne le rend pas du tout accessible… Le Vatican a-t-il perdu de sa gloire d’antan ? Quelle est la place du pontife dans le monde d’aujourd’hui ?
Trop de questions engendrées par cette série, je n’en peux plus… Je me prépare juste à ce que certaines associations catholiques viennent condamner la série sur la place publique, car elle risque de faire débat.
La série est actuellement diffusée sur CANAL+, chaque lundi au rythme de deux épisodes d’une heure à partir de 20h55. En tout cas, on ne ressort pas de The Young Pope indifférent, et je suis bien curieuse de savoir ce que vous en avez pensé.