Si vous êtes de celles et ceux qui rougissent, transpirent, bafouillent, gigotent pendant un exposé, je vous rassure : nous serions très nombreu•x•ses dans le bateau de la « glossophobie » — cette peur irraisonnée de prendre la parole en public (et l’envie irrépressible d’éviter à tout prix cette situation).
Comment gérer cette crainte ? Plusieurs recherches scientifiques abordent le sujet et nous offrent quelques conseils pour devenir des orateurs et oratrices serein•es.
1 – Centrer notre attention sur les spectateurs positifs
La chercheuse Muyu Lin a proposé à des volontaires, plus ou moins anxieu•x•ses, de donner à l’improviste un discours de trois minutes sur Skype devant un groupe de personnes. L’expérience contient une supercherie : le public n’est pas vraiment réel — il s’agit en fait d’une vidéo pré-enregistrée avec des acteurs•trices. Ces derniers avaient des expressions faciales et un langage corporel positifs, négatifs ou neutres.
Pendant les trois minutes de discours, Muyu Lin et son équipe observent le mouvement des yeux des orateurs•trices, leur niveau de transpiration, ainsi que leur rythme cardiaque. Après le discours, les scientifiques demandent également aux volontaires d’évaluer leur niveau de stress.
Je vous le donne dans le mille : les participant•e•s avec un haut niveau d’anxiété sociale semblent passer plus de temps à regarder les spectateurs•trices aux réactions négatives.
À l’inverse, les personnes non anxieuses observeraient plus longuement les membres aux réactions positives de l’audience. En fin de compte, l’anxiété nous mènerait à apercevoir plus facilement un signe de mécontentement qu’un sourire.
Par exemple, si vous êtes du côté anxieux de la force, en plein exposé, vous aurez tendance à voir le bâillement de votre camarade — et pas forcément les sourires d’un autre.
C’est un cercle vicieux : vous êtes anxieu•x•ses, donc vous notez les réactions négatives, donc votre anxiété est renforcée…
Les participant•e•s avec un haut niveau d’anxiété sociale semblent passer plus de temps à regarder les spectateurs•trices aux réactions négatives.
Selon cette recherche, le premier conseil à suivre pour vaincre notre peur de parler en public serait celui-ci : exerçons-nous à noter les retours positifs de celles et ceux qui nous écoutent, à regarder celles et ceux qui nous sourient, qui hochent la tête — bref, qui nous transmettent des choses positives ! De cette manière, nous aurons une chance de réduire un peu notre anxiété.
Ce conseil peut également être bon à prendre lorsque l’on fait partie d’une audience : pour mettre à l’aise un interlocuteur, n’hésitons pas à l’encourager par notre langage non verbal…
2 – Se préparer… en s’exerçant à la bienveillance
Comment se préparent celles et ceux qui n’ont pas la trouille de parler en public ? Que font-ils différemment ?
Vous aurez tout à gagner à préparer votre intervention avec bienveillance.
Pour tenter de répondre à cette question, une équipe de scientifiques, menée par Xiaowei Shi, a interrogé près de 200 étudiant•e•s qui venaient justement de donner deux présentations publiques dans le cadre de leurs études, et qui s’apprêtaient à en donner une troisième.
Les chercheurs•ses ont proposé aux étudiant•e•s d’évaluer leur niveau d’anxiété et de répondre à des questions sur la manière dont ils se préparaient à l’exercice oral.
Selon leurs analyses, les étudiant•e•s les plus confiant•e•s (et donc les moins anxieu•x•ses) auraient tendance à être moins centré•e•s sur eux-mêmes et moins adeptes de l’auto-critique. Lorsqu’ils ou elles préparent leur intervention, c’est avec un biais positif — à l’inverse, les étudiant•e•s anxieu•x•ses préparent leur intervention en pensant à des expériences passées négatives, à leurs défauts…
Une nouvelle fois, nous sommes face à ce foutu cercle vicieux : nous sommes anxieu•x•ses, donc nous tombons dans l’auto-critique (je suis nul•le, ma présentation est nulle, et en en plus j’ai toujours été nul•le), donc nous nourrissons notre anxiété !
Finalement, si vous avez peur de parler en public, vous aurez tout à gagner à préparer votre intervention avec bienveillance : exercez-vous à reconnaître la qualité de votre travail, vos atouts… Il est fort probable que l’auto-critique ne disparaisse pas en clin d’œil, mais peu à peu, vous saurez accueillir cette émotion et recentrer votre attention sur vos forces !
3 – Voir les choses autrement
Rougir, transpirer, trembler — les symptômes de la peur de parler en public peuvent sembler embarrassants, mais ce ne sont que des réactions physiologiques à une situation stressante.
Selon le chercheur Jeremy Jamieson, voir les choses sous cet angle pourrait nous aider à vaincre notre peur. Pour vérifier son hypothèse, il a sollicité 73 adultes, dont la moitié était atteinte d’un trouble de l’anxiété sociale.
Le seul fait de percevoir les choses d’un autre point de vue a eu un impact concret et mesurable sur les participant•e•s à l’expérience !
À tou•te•s, le chercheur propose de préparer pendant trois minutes un discours de cinq minutes à propos de leurs forces et faiblesses — les participant•e•s donneront ensuite leur discours devant deux juges. Les juges, complices du chercheur, donnent des feedbacks négatifs lors des discours : ils secouent la tête, tapotent des doigts, restent impassibles…
Immédiatement après le discours, les participant•e•s devront également compter à rebours depuis 996.
Avant de commencer l’expérience, Jeremy Jamieson demande à la moitié des participant•e•s de lire un texte contenant des informations sur les avantages des réponses de notre corps au stress (qui explique notamment que les symptômes physiologiques du stress sont plutôt bénéfiques pour nous).
Avant, pendant et après le test, les chercheurs•ses mesurent le rythme cardiaque et la tension artérielle des participant•e•s.
À lire aussi : Prendre la parole en public, ça s’apprend — Conseils & astuces
Bingo : les participant•e•s qui ont lu le texte montrent moins de signes d’anxiété que les autres (leur rythme cardiaque n’accélère pas particulièrement, leur tension artérielle reste stable)… Après coup, ils expliquent que pendant l’exercice, ils avaient la sensation d’avoir des ressources pour faire face à la situation.
Autrement dit, en jouant sur un facteur cognitif, sur leur perception des symptômes physiologiques du stress, les chercheurs•ses ont diminué le stress effectif ressenti par certain•e•s participant•e•s… Le seul fait de percevoir les choses d’un autre point de vue a eu un impact concret et mesurable sur les participant•e•s à l’expérience !
Gardons cette idée en tête : nos rougissements, transpirations, tremblements ne sont pas négatifs — c’est notre corps qui fait face, qui répond à une situation stressante et essaie de s’adapter !
Je récapitule ? Pour mes camarades qui craignent de prendre la parole en public, trois astuces peuvent vous filer un coup de main :
- Préparer votre intervention en essayant d’être bienveillant vis-à-vis de nous-mêmes,
- Pendant la prise de parole, jeter un œil aux réactions positives (et éviter de se concentrer sur les réactions négatives),
- Changer de point de vue — notre peur de parler en public, c’est juste notre corps et notre tête qui réagissent à un coup de stress !
Pour aller plus loin :
- Un article sur la recherche de Muyu Lin
- Un article sur l’expérience de Xiaowei Shi
- Un article sur l’expérience de Jeremy Jamieson
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Les Commentaires
Ce qui est difficile c'est que je n'ai pas de recette miracle pour surmonter cette peur. J'ai fait du théâtre pendant 12 ans et clairement, ça m'a vaccinée de la peur du public mais comme le dit @Ccile13 c'est différent. Sur scène, on n'est plus soi même, on s'oublie pour devenir un personnage. C'est galvanisant donc on peut passer outre la peur si on se lâche à fond.
Une présentation c'est pour expliquer quelque chose, faire passer un message. Pour passer la peur, je pense que le mieux c'est de le faire encore et encore, se forcer même si c'est dur, saisir toutes les occasions et s'en foutre, s'oublier un peu. J'avais beau avoir l'habitude, quand il a fallu que je récite un poème en espagnol au lycée j'étais terrorisée. Je trouvais que c'était un exercice relativement inutile et les 3 quarts de mes camarades avaient l'air ridicules (dur de ne pas avoir l'air ridicule quand on récite un poème). J'avais rien préparé, je connaissais juste le texte et sans réfléchir j'ai pété les plombs et j'ai juste joué ce que racontais le poème. J'ai enlevé mes chaussures, je suis montée sur les tables, j'ai tendu les bras au plafond. Je tremblais tellement c'était irréel. Et tout le monde a adoré. Le lycée c'est un environnement qui joue sur la honte et autres trucs débiles du style, mais la classe a applaudi parce qu'ils ont trouvé ça cool. Regarder les autres réciter le même truc pendant une heure c'est mortifiant. C'est mortifiant de réciter un truc devant les autres. Faut juste oublier ça. C'est quand on se lâche qu'on fait des trucs cools. Je me suis un peu perdue dans cette histoire, je pensais pas en raconter autant, mais je trouvais que c'était un bon exemple.
Pour les présentations plus classiques je ne répète jamais et je n'apprends jamais par coeur. Je fais juste en sorte d'avoir un support pour avoir les grandes lignes sous les yeux et je bosse mon sujet à fond. Je connais rien par coeur mais je connais toutes les notions, tout ce que je veux dire et aussi ce que je veux pas dire pour pouvoir répondre aux questions. Et j'y vais free style. Ca reste naturel et j'ai remarqué que c'est ce qui fait de bonnes présentations. Je suis déjà allée à des conférences et les meilleurs présentateurs sont ceux qui se prennent pas le choux et restent naturels, sans se poser de questions. Alors oui c'est dur, surtout quand on a peur. Ca vient par la pratique et il n'y a pas de formule magique. Mais quand t'as fini ta présentation et que la première question du public c'est juste quelqu'un qui veut te dire que c'était super bien et ben ça valait les 20 fois d'avant complètement ratées où t'as sué tout ce que tu pouvais. J'ai encore le trac à chaque fois, surtout avant, ça me donne un mal de ventre terrible mais je m'en sers comme galvanisant plutôt que de le voir comme un obstacle. C'est fou tous les trucs qu'on peut faire sous adrénaline.
PS: Pardon pour le pâté et pardon si ça n'aide personne