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Culture

Pleine lune : vous croyez à ses effets ?

La pleine lune est l’objet de multiples croyances : on accoucherait plus vite, nos cheveux pousseraient plus rapidement et les troubles mentaux seraient particulièrement vivaces lorsqu’elle monte dans le ciel. Entre légendes urbaines et effets concrets, où se situe la vérité ?

Ça vous arrive, parfois, de savoir qu’un truc n’existe pas, mais d’y croire parfois un peu quand même ? Y a-t-il quelqu’un parmi nous qui n’a jamais laissé échapper un « Ça doit être la pleine lune » ? Cette semaine, nous allons précisément nous pencher sur cette croyance populaire : la pleine lune a-t-elle une quelconque influence sur nous ?

Pleine lune et fréquence des troubles mentaux : aucun effet ?

aoooow

Commençons par une étude (parue ce mois-ci dans la revue General Hospital Psychiatry) menée par Geneviève Belleville, chercheuse en psychologie, et son équipe sur « l’impact des cycles lunaires et saisonniers sur l’anxiété et les troubles de l’humeur, la panique et les idées suicidaires de patients consultant les urgences en se plaignant de douleurs inexpliquées à la poitrine ».

Avant d’entamer leur démarche, ces chercheu-r-se-s travaillaient à l’origine sur les attaques de panique de patients consultant pour des douleurs inexpliquées à la poitrine.  Frappé-e-s par le nombre de professionnel-le-s de la santé qui leur disaient « Ce soir, c’est la pleine lune, vous allez avoir beaucoup de cas », elles et ils entreprennent une nouvelle étude, afin d’observer, donc, les effets potentiels de la pleine lune et des saisons sur la santé mentale de patients des urgences.

Pour cela, pendant trois ans (de 2005 à 2008), l’équipe de Geneviève Belleville a évalué les patients des services d’urgences de deux établissements hospitaliers canadiens, entrés pour « douleurs inexpliquées à la poitrine » (ce symptôme étant souvent dû à des troubles anxieux ou émotionnels). Les diagnostics psychiatriques ont été effectués par le biais d’une partie du questionnaire des troubles anxieux du DSM-IV (le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).

Verdict ? L’analyse de chercheurs-ses ne révèle aucun lien particulier entre la fréquence des troubles psychologiques et les cycles lunaires. Autrement dit, il n’y a pas plus de visites aux urgences en période de pleine lune…

En revanche, la saison pourrait avoir un effet sur les troubles anxieux et paniques : les premiers seraient plus fréquents en été, les seconds au printemps.

Selon Geneviève Belleville, ces conclusions doivent permettre aux professionnel-le-s des urgences de laisser de côté leurs croyances à propos d’une potentielle influence de la lune sur la santé mentale… Citée dans un article de La Dépêche , la chercheuse conclut : « Cette mauvaise perception pourrait, d’un côté, affecter leur jugement pendant la phase de pleine lune. Ou d’un autre côté, les rendre moins attentifs aux problèmes psychologiques qui se manifestent le reste du mois ». Finalement, si la pleine lune n’aurait pas d’impact direct, elle pourrait bien avoir des effets indirects : les professionnel-le-s de la santé mentale, croyant à l’influence de la lune, pourraient influer inconsciemment sur l’état des patient-e-s… Ces croyances seraient alors entretenues par des « prophéties auto-réalisatrices » – je perçois une situation (« OH, c’est la pleine lune, il va y avoir une flopée de patient-e-s avec des troubles mentaux cette nuit »), cette perception engendre un comportement de ma part (je suis plus attentive aux patient-e-s potentiellement troublé-e-s mentalement), qui engendre lui-même la situation que j’attendais (je vois plus de patient-e-s atteint-e-s de troubles mentaux) – nous y reviendrons.

Non, vraiment, la Science n’approuve pas ce message

Le phénomène « pleine lune » a intéressé bon nombre de scientifiques, la plupart du temps au détriment de la croyance – que nous disent leurs études ?

  • Non, la pleine lune n’augmenterait pas les troubles de santé mentale et comportements antisociaux.

C’est en tout cas la constatation de Gorvin et Roberts (1994), qui ont étudié la « relation » entre les phases lunaires et les occurrences d’admissions d’adultes atteints de troubles mentaux dans un hôpital psychiatrique. Selon leur étude, il n’y aurait aucun « pic » d’admission lors de pleines lunes. Pour expliquer les admissions en hôpital psychiatriques, des facteurs environnementaux et des motifs de stress seraient plus plausibles.

  • Non, la pleine lune ne vous pousserait pas plus à rendre visite à votre médecin pour « anxiété et dépression ».

Cette conclusion nous vient d’une étude rétrospective de Wilkinson (1997), portée sur 782 patients suivis en médecine générale entre 1971 et 1988. Pour l’auteur, il n’y aurait aucun lien statistiquement significatif entre les cycles lunaires et les consultations pour anxiété et dépression.

  • Non, les patients d’hôpitaux psychiatriques n’ont pas un comportement plus agité les jours de pleine lune.

En 1997, en Italie, Amaddeo (et al., tu penses bien) analyse les données d’un service psychiatrique italien sur 10 années entières : une fois encore, aucune différence de comportement n’est relevée entre les jours de pleine lune et les autres

  • Non, vous ne risquez pas plus d’accoucher si la lune est pleine.

Et ça, c’est notamment dit par Abell et Greenspan (1979), de Los Angeles, qui ont évalué les liens potentiels entre les cycles lunaires compris entre mars 1974 et avril 1978 et plus de 11 000 naissances. Il n’y a pas vraiment de suspense : selon eux, la fréquence des naissances ne serait pas liée aux phases de la lune.

  • Non, la pleine lune ne rend pas les sportifs plus agressifs.

Du moins pour Russell et De Graaf

(1985), qui n’ont trouvé aucun lien entre la pleine lune et des « penalties » donnés pour comportement agressif dans des compétitions de hockey sur glace.

Je vais vous la faire courte, mais grosso modo, sachez qu’il n’y aurait pas non plus d’effet particulier de la pleine lune sur les homicides (selon l’article The questionable relationship between homicides and the lunar cycle de Pokorny & Jachimczyk, 1974), ni sur le nombre de morsures de chiens (merci Chapman & Morrel, 2000, Barking mad ? Another lunatic hypothesis bites the dust), ni sur la fréquence des accidents de la route (en 1998, Laverty et Kelly ont mis en parallèle 9 ans d’accidents de la route avec le calendrier et les saisons : s’il y a bien un lien avec ces deux facteurs, il n’existerait aucune relation avec les cycles lunaires), ni sur les accidents au sens large et les admissions aux urgences (en 1996, Thompson et Adams effectuent une analyse rétrospective des dossiers électroniques d’un hôpital sur 4 ans… Selon celle-ci, la pleine lune ne changerait rien au volume de patients arrivés, au volume de patients admis, à la manière dont tous ces patients arrivent, etc.).

Des études ont même entrepris de « répliquer » ou d’analyser les enquêtes qui concluaient à un effet de la pleine lune – mais ces réplications ne fonctionnent pas, que ce soit méthodologiquement ou statistiquement (pour en savoir plus, voir notamment Much ado about the full moon : a meta-analysis of lunar-lunacy research de Campbell & Beets, 1978).

En bref : on pourrait continuer longtemps – et pour approfondir, n’hésitez pas à cliquer sur les liens de « Pour aller plus loin… » en fin d’article !

Pourtant, on y croit ?

et

Malgré toutes ces observations, nous serions nombreu-x-ses à croire fermement aux pouvoirs de la pleine lune.

Une étude menée en 1987 aux Etats-Unis conclut ainsi que 80% des infirmier-e-s et 64% des médecins de services d’urgences croient à l’influence de la lune (Danzl), une autre, parue en 1995 (Vance), affirme que 81% des professionnels liés au secteur psychiatrique croient à ses effets (contre 43% de la population totale).

En 1990, Wilson et Tobacyk ont entrepris une étude en deux temps :

  • d’abord, ils étudient les données d’un centre téléphonique d’appels d’urgences sur 6 mois, en analysant la fréquence des appels et les cycles lunaires. Manifestement, il n’y aurait aucune augmentation des appels les jours de pleine lune…
  • ensuite, ils interrogent le personnel du même centre d’appel, ainsi qu’un groupe « contrôle » (des étudiants n’ayant aucun lien avec le centre d’appel). Résultat : le personnel est plus convaincu de l’effet de la lune que les étudiants – alors même que cet effet, selon l’enquête menée dans leur propre établissement, n’existe pas !

En France, des chercheurs-ses toulousain-e-s ont analysé 2478 entrées dans un service d’urgences psychiatriques sur l’année 1992. Encore une fois, il n’y aurait pas d’impact de la lune sur les patients, sur leur mode d’arrivée, sur l’heure de leur arrivée, ni sur les états d’agitation, ni sur les conduites d’alcoolisation… En revanche, les jours de pleine lune, il y aurait un pourcentage plus important d’hospitalisations sur demande d’un tiers : autrement dit, plus d’interventions de l’entourage et de médecins… Ce qui peut amener à dire que si la pleine lune n’a pas d’effet particulier, les croyances de nos proches, elles, ont des impacts. Lorsque l’on « croit » au pouvoir de la pleine lune, on augmenterait nos craintes, et par conséquence, notre tendance à penser que quelque chose « ne va pas » (et donc… à agir en conséquence).

Mais pourquoi y croit-on ?

Nous le disions un peu plus haut, il y aurait dans cette croyance quelque chose de l’ordre de la corrélation illusoire, de l’effet placebo et de la prophétie auto-réalisatrice (tant qu’on y est, hein).

D’une part, donc, nous semblons êtes victimes d’un « biais de corrélation illusoire ». Comme d’autres croyances, la croyance en l’effet de la pleine lune est souvent justifiée par nos expériences personnelles respectivesOuais, mais MOI, je connais quelqu’un qui », « MOI, j’ai bien vu que » – ce qui, rappelons-le, n’est jamais une preuve statistique universelle et infaillible).

Or, en percevant deux phénomènes qui arrivent en même temps, nous aurions tendance à exagérer leur relation. Par exemple, disons que lorsque je ne parviens pas à dormir un soir de pleine lune, je perçois deux faits : 1 – il y a une lune pleine dans le ciel et 2 – je ne parviens pas à m’endormir. Qui me dit que l’un des faits est la cause de l’autre ?

D’autre part, n’est-il pas plus probable que s’il existe un effet de la lune, il puisse plutôt être attribué à notre propre croyance en cet effet ? C’est bien le fonctionnement de la prophétie auto-réalisatrice : nos attentes, de façon inconsciente, nous amène à provoquer les situations auxquelles nous croyons… Ce qui renforce un petit coup nos attentes initiales. Pour le dire autrement, si vous êtes persuadés que la pleine vous empêche de vous vautrer dans les bras de Morphée, lorsque vous constaterez une pleine lune, vous vous direz « OH BAH ALORS je n’arriverai jamais à m’endormir », ce qui pourra vous empêcher de dormir, ce qui pourra ensuite vous amener à penser, le lendemain, que vous n’êtes pas parvenu-e à dormir à cause de la pleine lune.

C’est capillotracté, mais vous voyez ce que je veux dire ? Pour prendre un exemple non-lunaire, la prophétie auto-réalisatrice peut aussi s’expliquer sous cet angle : imaginons que le journal de 20h vous annonce qu’il va bientôt y avoir une pénurie de carburant => une bonne partie d’entre nous se ruera probablement vers la station-service pour faire le plein => une pénurie de carburant aura lieu. Vous voyez ?

Qu’est-ce qu’on en retire ? Que si l’on n’est sûr d’une chose, c’est que l’on n’est sûr de rien. Dans leur article L’obscure clarté de la lune : croyances et représentations , Wagner-Egger et Joris considèrent ainsi que « L’approche scientifique actuelle des effets de la lune sur l’humain n’offre ni certitude ni unanimité. Tout au plus apporte-t-elle un soutien plus fort aux détracteurs des influences de la lune qu’à leurs partisans ». BOOYAH ?

Pour aller plus loin :


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

14
Avatar de vraitine
29 novembre 2012 à 12h11
vraitine
pareil ! j'ai un ami malade mental qui fait toujours des crises à ce moment là (et pourtant on fait le lien 2 jours apres) !
J'étais surexcitée mardi et mercredi et je n'arrivais pas à dormir alors que je suis une marmotte ! et aujourd'hui je me rends compte que c'était la pleine lune !
ce n'est donc pas un effet d'anticipation ! Cela se base à chaque fois sur mes propres expériences, mais au fur et à mesure des années cela se confirme et reste bluffant !! Il me semble qu'il y a quand meme un lien qqpart...
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