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Source : X / @P0lineFerrari
Société

Pauline Ferrari : « On a tendance à considérer internet comme un espace sans loi »

En ligne, les masculinistes, ces hommes qui harcèlent sans relâche les féministes, sont de plus en plus organisés. Afin de décrypter la « manosphère », la journaliste spécialiste des violences contre les femmes en ligne Pauline Ferrari a mené une enquête passionnante dans les tréfonds d’internet. Rencontre. 

Entretien avec Pauline Ferrari, autrice de « Formés à la haine des femmes » (Ed. JC Lattès)

Madmoizelle. Pourquoi avoir écrit ce livre ? 

Pauline Ferrari. En tant que journaliste, cela fait longtemps que je travaille sur les cyberviolences. En parallèle, je fais de l’éducation aux médias dans des établissements, collèges et lycées, en Seine-Saint-Denis. À la demande des professeurs via une asso, on travaille sur les questions de genre, les LGBTphobies ou le racisme, spécifiquement sur internet. Les propos que j’entends en classe sont de plus en plus décomplexés et cela passe totalement sous le radar des adultes. Il y a un gros fossé entre ce que les parents et les enseignants savent des activités des enfants et ce qu’ils font réellement en ligne. C’était important pour moi de rendre compte de ce que j’observe et investigue sur l’impact des masculinistes en ligne depuis des années. 

En quoi les violences sexistes en ligne sont un problème encore trop peu pris en compte de nos jours ? 

Les cyberviolences sexistes et sexuelles sont un bout du continuum des violences. Chez les ados, ce sont des violences très ordinaires, comme le revenge porn, par exemple, ils connaissent tous une histoire qui est arrivée à une copine. Ce sont des problématiques très présentes, beaucoup ont été victimes, mais le banalisent, particulièrement vis-à-vis des jeunes filles, qui parfois peuvent juger très durement les autres filles. Pour moi, il y a deux choses qui s’imbriquent, on a trop tendance à considérer internet comme un espace sans loi, sans responsabilité, alors que c’est faux, avec l’idée que les victimes n’ont qu’à éteindre leur téléphone. D’autre part, il y a le sujet de la jeunesse, on a du mal à considérer que les mineurs peuvent être victimes ou bien auteurs de toute forme de violences. Ces deux problématiques sont des impensées. 

Comment le masculinisme se conjugue en ligne avec d’autres formes de complotisme ? 

L’historienne Christine Bard parle « d’intersectionnalité des haines » et c’est très juste. Le masculinisme, ce n’est pas seulement s’attaquer aux femmes, mais aussi aux LGBT, aux handicapés, aux personnes racisées, juives. C’est une pensée très poreuse avec l’extrême droite qui possède dans son fondement une approche viriliste. Ces dernières années, on a pu assister à une montée en puissance d’influenceurs d’extrême droite qui capitalisent sur le masculinisme pour ramener le public vers leur bord politique. La misogynie est un terreau fertile pour toutes les idéologies extrémistes. 

Pourquoi les ados sont-ils les plus réceptifs à ce genre de discours ? 

Être un ado en 2023, c’est connaître la crise climatique, la crise économique, les guerres dans le monde, le manque d’emploi… Il est très compliqué de se projeter dans un futur serein. De plus, l’adolescence est de manière générale une période de grande vulnérabilité, où l’on se pose plein de questions liées à l’amour, aux relations, au sexe. Les masculinistes poussent vers les jeunes des contenus clés en main, qui permettent de trouver des réponses simples en blâmant les autres et particulièrement les femmes. Avec l’usage de multiples réseaux sociaux, ils peuvent vite se retrouver dans des bulles d’information avec toujours les mêmes contenus.  

Peux-tu nous donner un exemple d’une technique utilisée par les masculinistes en ligne pour propager leurs idées dans l’espace public ? 

Une des premières techniques est de noyer le public de contenu. Par exemple, des influenceurs mascus vont faire des dizaines de vidéos TikTok par jour, avec des phrases provocantes pour faire beaucoup de vues. Ils donnent des fausses statistiques, des fausses citations, ou bien, ils instrumentalisent un drame pour servir leur cause, par exemple le meurtre de Lola. 

Tu évoques plusieurs solutions concrètes pour essayer de contrer le phénomène, peux-tu nous en donner deux ? 

Une des priorités est l’éducation aux stéréotypes de genre et aux inégalités. Il faut respecter la loi en donnant les cours d’éducation à la sexualité et faire également de l’éducation aux médias et à l’information. Ensuite, il faut mettre en place des espaces pour travailler autour de la santé mentale des jeunes garçons, ou jeunes adultes. Il faut qu’ils puissent exprimer leurs sentiments, leurs émotions et frustrations, sans en faire quelque chose de viriliste qui amène à la haine de soi et des autres.


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