Live now
Live now
Masquer
Engin Akyurt / Unsplash
Psycho

J’ai un trouble obsessionnel compulsif (TOC) de propreté

Andréa a des troubles obsessionnels compulsifs qui se sont aggravés avec la pandémie. Elle raconte les répercussions de ses TOC sur son quotidien, la manière dont elle les traite, mais aussi le harcèlement qu’elle subit lorsqu’elle en parle sur les réseaux sociaux.

Je m’appelle Andréa, et depuis que je suis toute petite, j’ai des soucis d’anxiété qui se sont aggravés au fil du temps. 

J’étais peut-être une enfant un peu renfermée et angoissée, mais j’avais une vie plutôt « normale », sans aucun problème avec la propreté. En grandissant, je me suis mise à faire des petits trucs que je pensais un peu bizarres, mais sans gravité. Par exemple, refuser de toucher la serviette de bain de mon copain, ne pas utiliser les toilettes d’autres personnes, avoir besoin de désinfecter une plaie immédiatement, même si c’est juste avec du papier… Ces gestes répondaient à un besoin fort d’être rassurée. 

Des gestes qui semblaient rassurants

Quand je me suis installée seule, les choses se sont aggravées. Plus personne n’était là pour m’empêcher de faire mes petits gestes bizarres et ils ont commencé à s’installer, à s’ancrer. J’ai commencé à faire beaucoup trop le ménage, à éviter de toucher des choses chez moi, à tout prendre en photo dès que je sortais pour vérifier que tout était en ordre, à vérifier plusieurs fois que j’avais bien fermé la porte à clef…

Au début, c’était rassurant. Ça me permettait de ne plus angoisser sur le court terme. Mais après l’avoir fait une fois, il fallait que je le fasse de nouveau. Ce geste légitimait ma peur et en essayant de me rassurer, je m’y habituais. Parfois, il fallait que je quitte les cours pour vérifier que j’avais bien fermé ma porte à clef, même si j’avais la preuve de l’avoir fait sur mon téléphone, par exemple.

Par ailleurs, j’ai commencé à ne plus supporter de ne pas être dans l’extrême propreté. À mes yeux, il y a des choses sales, et d’autres non. L’extérieur est sale, et à l’extérieur certaines choses sont plus sales que d’autres, par exemple, les toilettes, certains lieux liés à des traumatismes… C’est pareil à l’intérieur : le sol, notamment, est sale à mes yeux bien qu’il soit lavé tous les jours.

Ainsi, si je touche quelque chose de « sale » à mes yeux, je ressens une immense anxiété, une peur de garder cette saleté sur moi, ou de « contaminer » quelque chose de propre, qui pourra donc me contaminer à mon tour.

Les compulsions comme stratégie de survie

Quand je ressens cette angoisse, j’ai l’impression de mourir de l’intérieur. J’ai envie de hurler, parfois de me frapper ou de me faire du mal. Pour en sortir, je cherche une manière « rationnelle » de faire passer ce sentiment, et c’est ainsi qu’une compulsion s’installe : c’est une solution immédiate à ma détresse, une porte de sortie que je vois sur le moment, une évidence.

L’idée d’agir me calme un peu et me permet d’avoir de l’espoir. Alors, je succombe, et je suis calmée. Mais la prochaine fois que cette situation se manifestera à moi, je devrais réitérer cette solution. Je ne passerai plus par la case crise d’angoisse, car la compulsion sera la suite logique.

Prenons l’exemple des sorties. Je suis allée à l’extérieur, donc je me sens sale. J’angoisse, j’ai l’impression de mourir, que je vais contaminer tout ce qu’il y a chez moi. Une solution s’offre à moi, prendre une douche. J’envisage de ne pas prendre de douche, et l’angoisse s’aggrave, alors je finis par prendre une douche. Cela me calme et la prochaine fois que je sortirai, je n’angoisserai pas, car je sais que je prendrai directement une douche en rentrant.

Petit à petit, cette solution ne sera plus suffisante et j’aurai besoin d’augmenter mon temps de douche pour être rassurée.

Qu’est-ce qu’un trouble obsessionnel compulsif (TOC) ?

D’après l’INSERM, les TOC concerneraient 2 à 3 % de la population. Dans la majorité des cas (65 %), la maladie débute avant 25 ans. Dans un dossier datant de 2021, l’institut national de la santé et de la recherche médicale les caractérise ainsi :

« Le trouble obsessionnel compulsif (TOC) se caractérise par la présence d’obsessions et/ou de compulsions. Les personnes qui en souffrent peuvent être envahies par des pensées récurrentes et angoissantes – des obsessions – centrées par exemple sur la propreté, l’ordre, la symétrie, la peur de faire une erreur, celle de commettre des actes impulsifs, violents ou agressifs, ou encore par un sentiment excessif de responsabilité vis-à-vis de la sécurité d’autrui.

Pour prévenir ou réduire leur anxiété, les personnes concernées effectuent des gestes ou actes mentaux répétés – des compulsions – comme des rituels de rangement, de lavage ou de vérification. Ces compulsions peuvent parfois durer plusieurs heures chaque jour. Les personnes qui souffrent de TOC ont pourtant bien conscience que leurs obsessions proviennent de leur propre activité mentale. Il s’agit d’une véritable maladie, parfois très handicapante au quotidien, qui peut même empêcher d’avoir une vie sociale ou professionnelle normale. »

La pandémie, un facteur aggravant pour mes TOC

J’ai vu ces compulsions se développer chez moi, mais je n’ai jamais pensé que j’étais malade, seulement un peu bizarre. Quand j’avais des doutes, mon entourage me disait juste que c’était normal et que j’avais toujours été une « stressée de la vie », alors je n’ai rien fait pour consulter.

En 2019, ces problèmes d’anxiété sont devenus très handicapants. J’ai commencé à ne plus pouvoir suivre mes études normalement, avoir une vie sociale devenait compliqué et je suis arrivée à un stade où je ne pouvais plus m’alimenter correctement. Je ne pouvais plus prendre les transports en commun, donc je devais marcher une heure pour aller à la fac, je faisais des crises d’angoisse très intenses, et surtout, je ne pouvais plus faire mes courses moi-même.

@kandryle

Réponse à @ailaloup Arrêter / mettre pause ses études pour sa santé c’est ok ❤️ #recovery #troubleobsessionnelcompulsif #trouble

♬ son original – Kandryle

Quand le COVID est arrivé, tout s’est aggravé. Au début du confinement, on ne savait pas comment le virus se transmettait, ce qu’il était vraiment, et on nous incitait à prendre des précautions… qui ressemblaient à ce que j’appelais mes « bizarreries ».

Cette période a normalisé certaines de mes habitudes et en a renforcé d’autres. Je me suis dit « Et si je portais des gants ? » comme de nombreuses personnes le faisaient à ce moment-là, et la machine était lancée. C’est comme si j’avais cédé, et qu’il n’y avait plus de retour en arrière possible. Avec le confinement, je ne sortais plus et je ne voyais plus personne.

Petit à petit, les gens ont réduit leurs précautions liées à la pandémie, mais moi, je n’ai pas arrêté. Je ne pouvais plus prendre les transports, je ne sortais plus, je changeais de trottoir si je croisais quelqu’un… Je n’ai jamais eu peur du COVID pour autant. C’est juste que je ne pouvais plus accepter le moindre risque d’avoir quelque chose d’extérieur à moi, sur moi, par peur d’une contamination.

Cela a empiré les choses. Je prenais des douches de deux ou trois heures, je ne pouvais plus dormir dans mon lit, je ne pouvais plus me faire à manger, c’était vraiment l’enfer. J’ai même dû couper mes cheveux à cause de mon TOC, pour éviter qu’ils ne traînent partout.

Comment j’ai été diagnostiquée de troubles obsessionnels compulsifs

J’ai consulté pour les idées suicidaires que ce rythme de vie et mes angoisses me procuraient, et pas réellement pour le TOC à proprement parler. En octobre 2020, on m’a diagnostiqué un trouble obsessionnel compulsif de propreté et d’une dépression. 

Après plusieurs mois et du recul, nous savons désormais qu’à cette époque, j’avais bel et bien plusieurs TOC et pas qu’un seul.

J’ai commencé un traitement médicamenteux et thérapeutique. Il a fallu du temps pour trouver ce qui fonctionnait pour moi et pour que je rencontre mon psychologue actuel qui m’aide beaucoup. Aujourd’hui, mon trouble est toujours très handicapant : je ne peux pas faire le ménage, sortir est une épreuve et malheureusement, je suis souvent en arrêt maladie pour mon travail. Mais je me bats pour améliorer les choses. Je suis une théorie cognitive et comportementale qui m’aide à restructurer mon esprit et à m’exposer progressivement à mes peurs. Grâce à cela, j’ai pu vaincre mon TOC de superstition, et largement réduire mon TOC de vérification.

Vivre avec un TOC de propreté et de contamination

Pour éviter de déclencher mon angoisse, je suis des étapes assez précises. Dès que je dois sortir, je dois mettre une serviette hygiénique même si je n’ai pas mes règles, je dois m’habiller avec un collant, un pantalon, des manches longues même s’il fait très chaud. Ensuite, mon copain doit m’aider à me coiffer. Je dois attacher et plaquer mes cheveux d’une manière bien précise avec des barrettes, de la laque et de l’anti-poux. Je porte toujours un masque, mon sac à main est en tissu lavable et si j’ai un manteau, il doit aller après chaque sortie à la machine comme tous mes vêtements : je ne peux pas les porter deux fois sans les laver.

Une fois dehors, j’ai toujours mon gel hydroalcoolique dans ma poche droite et mon téléphone dans la poche gauche. J’utilise tellement de gel qu’à la fin de la journée, je dois me laver les mains 10 minutes à l’eau bouillante pour faire partir tout ça.

Dehors, je dois faire constamment attention à ne pas toucher des gens, je ne peux pas m’adosser et je ne dois pas toucher mon visage ou mes cheveux. Je ne peux pas aller aux toilettes à l’extérieur, et j’apprends petit à petit à manger en extérieur, mais il y a de cela un mois ce n’était pas possible.

Quand je rentre, je dois directement aller à la douche. Avant, mes douches duraient deux ou 3 heures, mais grâce à mes progrès, je les ai réduites à 40 minutes. J’utilise beaucoup de gel douche et j’essaie vraiment de réduire un maximum.

Les vagues de harcèlement sur les réseaux sociaux

Pour sensibiliser à cette réalité, je partage mon quotidien sur les réseaux sociaux, et je suis souvent exposée à des réactions violentes.

Depuis que j’ai commencé la thérapie, je sais que quand on a un TOC, l’entourage n’est pas censé intervenir. Mais nous ne le savions pas, alors mon copain a commencé à m’aider, par exemple, en désinfectant des choses que je ne peux pas toucher moi-même. Quand j’en ai parlé sur les réseaux, j’ai subi des vagues de harcèlement qui me disent que je gâche la vie de mon copain, qu’il ne devrait pas être avec moi.

@kandryle

Réponse à @_emma_demoiselle_ Et tous les jours je reçois des messages de ce genre, me rappellant a quel point c’est « dur pour lui » donc oui, je sais #santementale

♬ son original – Kandryle

J’aimerais préciser qu’il peut partir s’il le souhaite, que oui, c’est difficile pour les aidants, mais que c’est aussi difficile pour les personnes malades. Nous sommes ensemble depuis plusieurs années, on sait dialoguer, on est assez grands pour gérer ça ensemble.

La deuxième raison pour laquelle je me fais harceler, c’est la pollution que mon TOC engendre. J’utilise beaucoup de flacons de gel douche en plastique par exemple, et on m’accuse de surconsommer. Je voudrais rappeler que je fais de mon mieux en me battant tous les jours et en essayant d’améliorer ma situation.

Me soigner, c’est ce que je peux faire de mieux. Un TOC n’est pas logique, c’est un trouble mental donc évidemment que parfois, il y a des incohérences dans mon comportement. Mais me les reprocher ne m’aide pas vraiment, cela me stresse et empire le cercle vicieux du TOC.

« Les TOCs se soignent bien de nos jours, il n’y a aucune honte à avoir »

Si j’avais un conseil à donner à celles et ceux qui pensent être concernés par les TOC, ce serait d’aller voir un psychiatre pour se faire diagnostiquer. Moi, c’est parce que j’ai trop attendu que mes TOC ont empiré au point de me handicaper autant qu’aujourd’hui. Les TOCs se soignent bien de nos jours, et il n’y a aucune honte à avoir.

Si en tant qu’aidant ou proche, vous ressentez le besoin de vous aussi consulter, ou prendre contact avec le psychologue de la personne malade, n’hésitez pas, au contraire ! 

À lire aussi : Le podcast Les Maux Bleus déstigmatise la santé mentale, avec expertise et sensibilité

Crédit photo de Une : Engin Akyurt / Unsplash

Témoignez sur Madmoizelle

Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !


Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.

Les Commentaires

7
Avatar de skargard
12 janvier 2023 à 12h01
skargard
@KtyKonéko
Contenu caché du spoiler.
1
Voir les 7 commentaires

Plus de contenus Psycho

couple-dispute
Psycho

Divorce : mauvaise nouvelle, cette croyance populaire est finalement d’actualité

6
Mode

Quelle est la meilleure culotte menstruelle ? Notre guide pour bien choisir

Humanoid Native
Léontine Behaeghel
Psycho

« J’ai vécu enfermée, isolée pendant neuf mois » : Léontine Behaeghel nous raconte sa relation d’emprise avec son parrain de 60 ans

pexels-liza-summer-6382633
Santé mentale

« Ma psy m’a appris à comprendre et accepter mes émotions sans lutter contre elles » : Louise a testé cette nouvelle façon de suivre une thérapie

ramadan-tca
Santé

Le ramadan avec des troubles du comportement alimentaire : « J’étais obsédée par la nourriture »

2
destinations
Psycho

10 lectrices partagent le meilleur conseil de psy de leur vie

Femme triste devant son ordinateur
Société

Les jeunes à la santé mentale fragile sont plus susceptibles d’être au chômage, selon une étude

Psychologue fatiguée dans son cabinet
Psycho

Comment savoir si j’ai trouvé le bon psy ou si je dois en changer ?

9
Patiente chez le psychologue
Psycho

C’est mon premier rendez-vous chez une psy, je lui raconte quoi ?

LELO_Selection Saint valentin // Source : LELO
Sexo

Saint-Valentin : la sélection de sextoys parfaite pour une nuit de plaisir

Zendaya-dans-Euphoria
Amours

Pour la Saint-Valentin, peut-on revendre les affaires de son ex sur Vinted ?

7

La vie s'écrit au féminin