À l’occasion de la 19ème édition de la journée internationale pour un Internet plus sûr, ou Safer Internet Day, ce mardi 8 février, l’association Féministes contre le cyberharcèlement publie une enquête sur les violences en ligne réalisée en novembre 2021 avec l’institut Ipsos :
« Partant du constat que les cyberviolences sont encore trop peu étudiées, l’association a jugé nécessaire de les quantifier et de les documenter afin de susciter une prise de conscience du caractère massif du phénomène, de ses ressorts spécifiques et de l’urgence de mettre en place des campagnes d’information nationales et des recours satisfaisants pour les victimes. »
Un état des lieux plus que nécessaire puisqu’il montre que 41% des Français et des Françaises se déclarent avoir été victimes de cyberviolences.
Parmi les victimes, c’est la tranche d’âge des 18-24 ans qui est particulièrement touchée : ils et elles sont 87% à déclarer avoir subi une situation de cyberviolence.
L’association Féministes contre le cyberharcèlement souligne qu’il existe des facteurs aggravants. Les personnes appartenant à des groupes minorisés sont particulièrement visées par les violences en ligne : 85% des personnes LGBTQIA+ et 71% des personnes racisées déclarent en avoir été victimes.
« Les cyberviolences ont fréquemment des ressorts sexistes, racistes et LGBTQIA+phobes, ce sont autant de moyens d’intimidation qui incitent à ne pas prendre trop de place et à se conformer à la loi de l’agresseur pour utiliser les réseaux » affirme Johanna Soraya Benamrouche, co- fondatrice de Féministes contre le cyberharcèlement.
Se taire pour assurer sa sécurité sur les réseaux sociaux. L’autocensure devient un réflexe de protection pour certains utilisateurs et utilisatrices qui préfèrent ne rien publier, non par envie, mais par crainte d’être prises pour cibles…
Les conséquences du cyberharèclement
Et ce n’est pas la seule conséquence du cyberharcèlement sur les victimes, notamment d’un point de vue psychologique, comme le montre l’enquête.
- 22% se sont désinscrites des réseaux sociaux
- 11% déclarent avoir perdu leur emploi ou raté leurs études suite aux violences
- 41% d’entre elles se sont senties déprimées ou désespérées
- 17% ont pensé au suicide
- 16% croient qu’elles méritaient ce qui leur arrivait
Les violences, du côté des auteurs
Il existe des victimes, et il existe aussi forcément des auteurs.
L’enquête entend bien le montrer aussi : 31% — soit un tiers — des personnes interrogées, affirment avoir déjà commis des violences en ligne.
Elles se caractérisent notamment par l’envoi de photos intimes non sollicitées ou de menaces sur les réseaux sociaux. Selon l’enquête, une personne sur dix reconnait avoir déjà eu ce type de comportement.
Une récente enquête de l’association Mémoire traumatique montrait la méconnaissance de la population générale sur l’enjeu des violences sexuelles.
Concernant le cyberharcèlement, il y a là aussi un manque d’information : les trois quarts des personnes interrogées peinent à identifier des actes de violences en ligne et ne savent pas non plus les risques pénaux qu’encourent leurs auteurs.
« Les personnes qui ont le plus tendance à les minimiser sont aussi les plus visées par les violences en ligne » souligne l’enquête. Une tendance visible chez les femmes et chez les personnes issues de groupes issus des minorités.
Des victimes qui minimisent ce qu’elles subissent, mais aussi des violences qu’il reste très difficile de faire reconnaitre et qui ne sont pas toujours prises au sérieux.
Malgré des prises de parole pour dénoncer ces actes de violences, de la part d’anonymes, mais aussi de personnalités médiatiques, des élues, des influenceuses, des chanteuses, c’est comme si rien ne changeait vraiment.
Dernièrement, c’est notamment le suicide de la blogueuse MavaChou, qui a contribué à montrer l’impact des messages haineux.
L’impunité demeure pour bon nombre d’auteurs, et on constate que les plateformes restent peu réactives pour modérer, supprimer des propos haineux. D’ailleurs, pour 65% des personnes interrogées, les plateformes « n’en font pas suffisamment en matière de lutte contre les violences en ligne ».
Une personne trois affirme « avoir déjà fait la démarche de signaler un contenu ou un profil considéré comme malveillant ou inapproprié ». Reste que dans 58 % des cas, les suites données au signalement sont finalement peu concluantes : « soit le réseau social n’a pas répondu, soit sa réponse a été insatisfaisante ».
Une prise de conscience globale apparait donc nécessaire, via des campagnes d’informations, de l’éducation au numérique, mais aussi un renforcement des moyens financiers et humains pour faire en sorte que le cyberharcèlement cesse d’être passé sous silence par la justice.
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Crédit photo : Mikhail Nilov via Pexels
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