Qu’on l’aime ou non, la série Euphoria fait parler, autant pour ses intrigues que pour l’allure de ses personnages. Si la maquilleuse Doniella Davy a pu donner envie à plein de gens de s’adonner aux liners colorés et aux paillettes un peu plus souvent, le travail de la costumière Heidi Bivens inspire lui aussi des looks. Le désormais fameux #EuphoriaHighSchool challenge sur TikTok se moque d’ailleurs gentiment des vêtements improbables, volontiers hypersexualisant, des héroïnes censées être adolescentes de cette série de Sam Levinson.
Les yeux les plus connaisseurs de la mode ont peut-être d’ailleurs remarqué que, à partir de la saison 2, ces personnages déploient un sacré budget pour s’habiller dans des fringues de grands créateurs, tout juste présentées sur des podiums de la vraie vie, ou tirées d’archives vintage collector. De quoi rajouter une couche d’invraisemblance, certes, mais aussi alimenter l’esthétique si marquée de la série.
Les habiller comme de vrais ados aurait rendu la série moins addictive
Car qui a décrété qu’une telle série devait être réaliste ? À qui le devrait-elle ? Cette fiction ferait-elle autant rêver si ces ados s’habillaient de façon ordinaire, en hoodie, jean, baskets, comme le font beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes en Occident aujourd’hui ?
Interviewée par le magazine britannique Dazed, la costumière Heidi Bivens a justement souligné sa volonté de rendre la fiction plus extraordinaire que le réel :
Quand j’ai commencé à faire des recherches pour la série, comme aller dans de vraies écoles, les adolescents s’habillaient tous de la même manière. Assez basique et genre de normcore. Ce n’était pas excitant. »
Puisqu’il s’agit d’une fiction, et que les vêtements peuvent contribuer à raconter un personnage, sa personnalité, sa psychologie, et l’évolution de celles-ci, Heidi Bivens s’y donne à cœur joie :
« Ce qui m’intéresse vraiment, c’est l’aspect psychologique dans la façon dont les groupes d’amis se forment et commencent ensuite à s’habiller de la même manière. […] Nous avons exprimé cela avec Rue, Elliot et Jules. Leurs silhouettes ont fini par être super similaires, comme si elles partageaient ou échangeaient constamment des vêtements. »
Raconter l’évolution psychologique des personnages par leurs vêtements
L’évolution psychologique des personnages s’avère particulièrement visible à travers les looks de Cassie, illustre la costumière toujours auprès de Dazed :
« Je savais qu’il devait y avoir une succession de looks qui devaient devenir progressivement plus désespérés et vous voyez à peine les premières tenues — juste une épaule ou quelque chose comme ça. Ce n’est que lorsque vous voyez Cassie s’habiller en Maddie dans le couloir de l’école que vous voyez réellement son look complet. […]
À mesure que nous construisions son désespoir, nous avions également besoin d’un soulagement comique à cela. Nous pouvons nous moquer d’elle, mais je me soucie de Cassie, tout comme le public. Elle voulait tellement bien faire, avait fait tous ces régimes de beauté extrêmes, alors j’étais très consciente que nous devions être doux avec elle. Nous la soutenons.
J’ai joué sur le levier comique pour la scène de la salle de bain où elle porte cette tenue folle — qui donne l’impression qu’elle auditionne pour un western [le personnage porte une robe imprimée fleurie longueur mi-cuisses, surmontée d’un cache-cœur imprimé vichy aux manches courtes volantées et au profond décolleté, ndlr]. Mais je ne voulais pas qu’elle ait l’air d’une idiote. Elle est amoureuse, confuse, et tous ces looks différents soulignent à quel point elle sait peu de choses sur elle-même. »
La costumière d’Euphoria répond à l’invraisemblance et l’hypersexualisation des looks
Quant à la sexualisation controversée de certains personnages à travers leurs vêtements, Heidi Bivens s’explique auprès de Dazed :
« Je suis une femme qui met une femme dans quelque chose de sexy donc, pour moi, c’est du female gaze. Libérez le mamelon. Je suis ok pour être provocante. Mais le réalisateur masculin [Levinson, le créateur et showrunner de la série, ndlr] était un peu plus conscient de la façon dont cela pouvait être interprété. »
À la question du problème de vraisemblance que posent tous ces vêtements de grands créateurs pour des ados qui ne sont pas censés rouler sur l’or comme dans une série comme Gossip Girl par exemple, la costumière a également une réponse intéressante. Heidi Bivens raconte que, dans la première saison, elle a tout fait pour habiller ces personnages de façon crédible, d’un point de vue budget. Mais qu’elle a changé de stratégie pour la cuvée suivante :
« Dans la deuxième saison d’Euphoria, je me suis dit « Allez, ce n’est pas la réalité ». Bien sûr, la série traite de vrais problèmes, mais Sam avait donné à tous les départements la permission de briser toute idée préconçue de ce que nous pensions être la réalité de la série.
À l’épisode cinq, nous faisons vraiment des allers-retours entre les mondes de rêve et, parfois, nous ne savions même pas ce qui était censé être réel. Sam ajouterait simplement des scènes, en particulier avec la pièce de théâtre, qui alternaient entre séquence de rêve intériorisé, l’intrigue réelle et la version dramatisée. Euphoria est un monde à part. East Highland High [le lycée où évoluent les personnages, ndlr] n’existe pas. Ce n’est pas un endroit réel. »
C’est parce qu’elle ne se soucie plus de coller à la vraisemblance que la costumière peut ainsi habiller le personnage de Rue, en galère de thunes, en Jean Paul Gaultier vintage, ou en marques de créateurs contemporains onéreux comme Aries et Bode, par exemple. Et que la série, aussi acidulée qu’un bonbon, peut en devenir d’autant plus addictive aux yeux de certaines personnes. Teen drama, but make it fashion.
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Crédit photo de Une : Capture d’écran d’Euphoria / HBO.
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