Outre s’être fait connaître par leur musique, Harry Styles, Tyler, the creator et Machine Gun Kelly ont pour point commun de vendre depuis peu du vernis. On avait l’habitude de voir des artistes musicaux lancer leurs marques de mode, de parfums, de spiritueux, voire de cosmétiques, mais qu’est-ce qui explique cette ruée vers la laque à ongles lancée par des chanteurs ?
Les précédentes décennies nous avaient habitués à voir les projets de licence se succéder : des fabricants déjà existants étaient autorisé à exploiter le nom, voire l’image d’une célébrité, pour vendre des produits — sans que celle-ci ne soit forcément très impliquée. Les collabs se sont aussi multipliées, donnant l’impression d’un dialogue plus important.
Mais voilà que les stars veulent plus qu’une part de gâteau, et carrément ouvrir leur propre pâtisserie de capitalisation sur leur notoriété. Et le vernis a justement des spécificités qui en font une affaire particulièrement rentable…
Capitaliser sur sa notoriété jusqu’au bout des ongles
En effet, contrairement à la mode qui pose de nombreux problèmes de design, de tailles, de saisonnalité, de stockage, et de logistique en cas de retours et de remboursement, les cosmétiques prennent bien moins de place à stocker et envoyer, sans être trop soumis aux saisons et tendances.
De plus, ils conviennent à toutes les morphologies, voire carnations, comme l’ont déjà bien compris Rihanna, Jennifer Lopez, Jennifer Aniston, Alicia Keys, Selena Gomez, ou encore Scarlett Johansson.
Côté masculin aussi, les stars lancent leur marque de soins pour la peau, comme l’a fait l’inoxydable Pharrel Williams avec Humanrace Skincare.
Puisque ce musicien est justement reconnu pour la qualité de sa peau et le fait qu’il ne semble jamais vieillir, il apparaît crédible sur ce secteur ultra-concurrentiel. Mais c’est rarement le cas de ses homologues…
Par contre, ces derniers peuvent souvent être admirés pour leur apparence physique. Et si l’on n’a pas forcément les moyens de s’acheter les mêmes vêtements, bijoux, chaussures — et autres accessoires, souvent griffés par des marques de luxe — que ses chanteurs préférés, le vernis apparaît quant à lui comme un produit beaucoup plus abordable financièrement. De plus, il demande beaucoup moins de savoir-faire technique que le maquillage !
Faire du vernis un marqueur de masculinité décomplexée
Tyler, the creator l’a bien compris. Il a lancé sa marque de streetwear Golf Wang en 2011, mais elle ne peut convenir à tous les budgets. Alors que les vernis Golf le Fleur, qui sont moins chers, quasi impérissables, plus faciles à stocker et expédier à travers le monde, sans poser de problème de sizing, c’est une autre affaire…
Reste que tout le monde ne porte pas de vernis, encore moins la plupart des hommes. Mais c’est précisément pour cela que c’est un produit d’autant plus clivant, polarisant, et donc positionnant sur le marché.
Contrairement aux soins de la peau qui se trouvent dans l’intimité de votre petit chez-vous, et donc ne se voient pas de l’extérieur, le vernis est beaucoup plus marquant visuellement — surtout sur les hommes, peu nombreux à en porter. Sans forcément toujours susciter des conversations (et donc l’occasion de faire un peu de promo pour l’artiste en question), cela reste un produit qui devient alors une forme de marqueur social.
Pour le dire vite, sur des hommes, le vernis devient presque un manifeste de masculinité décomplexée…
Qu’importe si les vernis pour hommes sont achetés par des femmes, pourvu qu’on ait l’ivresse
C’est particulièrement évident dans le cas de Harry Styles, qui refuse d’expliciter son identité de genre et sa sexualité (et il a bien le droit : ce n’est pas ni du queerbaiting, ni du pinkwashing).
Qu’il arbore une expression de genre flamboyante lors d’événements médiatiques a grandement contribué à le positionner comme une sorte de fer de lance officieux d’une jeunesse plus fluide. Et forcément, les produits qui retiennent le plus l’attention dans sa nouvelle marque Pleasing ne sont pas le simple sweat à col rond, ni le sérum, ni le stylo deux-en-un contour des yeux et huile à lèvres, mais bien ses vernis.
Comme s’ils symbolisaient justement une approche décomplexée des genres. D’ailleurs, depuis leur lancement, les recherches en ligne de manucures ««« masculines »»» ont explosé !
Dans les faits, s’il est toujours difficile d’avoir des données fiables sur le profil des personnes qui achètent, a fortiori sur leur genre (car on ne remplit pas toujours cette case, et puis on peut mentir, ou acheter pour quelqu’un d’autre), il y a de fortes chances qu’une majorité de femmes achètent les vernis en question.
Mais c’est parce qu’elles s’adressent à tous les genres en ayant été lancés par des chanteurs qui servent d’ambassadeurs que ces laques à ongles sortent du lot.
Diversifier ses revenus malgré la pandémie et paraître en avance sur son temps
En terme de calendrier, la pandémie joue sûrement un rôle aussi dans cette volonté de diversification des revenus des artistes.
Faute de pouvoir enchaîner les concerts rémunérateurs à cause du Covid et des restrictions sanitaires qui compliquent tout, voilà qu’ils préfèrent éviter de ne dépendre que de la vente de disques (en berne) et des plateformes de streaming musical (radines) !
Et puisque vendre trop de fringues devient mal vu d’un point de vue écologique, en plus d’être également compliqué par la pandémie, les cosmétiques et le vernis apparaissent comme une façon de faire du merchandising plus maline. Surtout quand elle est emballée par des beaux discours de prendre du temps et soin de soi.
Les confinements ont même pu aider certains hommes à sauter le pas d’expérimenter chez eux leur première manucure, à l’abri des regards inquisiteurs de l’extérieur.
À la frontière de la mode et de la beauté, du développement personnel et du marqueur socio-politique, la laque à ongle de chanteurs vernit donc leur image de faiseurs de goût en avance sur leur temps, en plus d’être sacrément rentable.
Dans les faits, rien n’empêche les mecs d’acheter du vernis de n’importe quelle marque comme OPI déjà dispo dans n’importe quelle parfumerie type Sephora. L’embarras du choix existe déjà. Mais la notoriété des chanteurs-ambassadeurs de leur propre marque aide à sortir du lot. Et séduit les filles aussi, en s’adressant notamment aux garçons.
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Crédit photo de Une : capture d’écran Instagram d’Harry Styles
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Les Commentaires
N'est-ce finalement pas une belle mort?
(je vais réécouter l'épisode, loin de tout point d'eau)