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Dedans tu me présentes en quelques lignes qui tu es, ce que tu fais dans la vie (ton job, mais pas seulement si tu as d’autres choses à raconter) et par où tu es passée pour en arriver là.
Je m’appelle Aurélie, j’ai 27 ans, et je viens d’avoir un poste de maître de conférences en génie civil.
C’est tout nouveau, tout frais, alors je ne rentrerai peut-être pas dans les détails du métier, mais j’essaierai d’en dire quelques mots.
Bac S, bonnes notes et école d’ingénieurs
Mon parcours est assez simple : j’avais de bonnes notes au collège/lycée et j’aimais les sciences, j’ai donc fait un bac S. Puis j’ai continué à avoir de bonnes notes, je suis donc rentrée dans une école d’ingénieurs. C’est souvent ce que tes proches te conseillent à coup de « ça t’ouvrira toutes les portes » (et pourtant… ce n’est pas le plus direct si on veut faire journaliste ou avocat).
Moi, je n’avais pas la moindre idée de ce que je voulais faire dans la vie (à part que si ça pouvait être écolo, ce serait le top), donc pourquoi pas ?
Bref, en fin de première année d’école d’ingénieurs (en 5 ans), il a fallu choisir une spécialisation.
J’ai hésité jusqu’à la dernière minute pour faire mes vœux, entre l’ingénierie biochimique et environnementale et la construction.
Ne sachant que prendre, j’ai décidé de ne pas faire comme ma sœur et j’ai donc choisi la construction (comme quoi, ça ne tient pas à grand-chose…).
Stages puis recherche en génie civil
Après un stage de 4ème année en entreprise de génie civil et sur chantier, je n’étais pas du tout convaincue de vouloir faire ce métier.
Étant assez réservée, je pense que je n’avais pas forcément certaines des qualités importantes sur chantier, comme avoir du répondant par exemple.
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En début de 5ème année, un de mes professeurs nous a présenté la recherche en génie civil. Il était tellement sincère et passionné que je me suis dit « pourquoi pas ! ».
Je me suis ainsi inscrite en parallèle à ma 5ème année d’ingénieur spécialité Travaux publics et ouvrages en master 2 recherche, en génie civil toujours.
Je m’interrogeais encore sur le type de « métier » que je voulais faire en sortant de l’école. Je me suis dit que je pouvais tester les cours et le stage de recherche et que je verrais bien ensuite si ça me plaisait ou pas.
Premier stage en recherche dans un laboratoire
J’ai donc réalisé un stage de recherche dans un laboratoire, avec un encadrant passionné et motivant, et sur une problématique me tenant particulièrement à cœur : un matériau écologique, la terre crue.
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Ce travail de recherche m’a passionnée, autant par l’aspect échange et partage d’articles scientifiques que par l’aspect expérimental (c’est quand même sympa de jouer avec de la terre et de l’eau).
Une grosse partie de la recherche en génie civil cherche à réduire l’impact environnemental des matériaux de construction.
La recherche en génie civil vise donc souvent à fabriquer des ciments moins polluants, mais d’autres pistes sont également suivies, comme celle des matériaux biosourcés par exemple.
Ce sont des matériaux contenant de la matière d’origine végétale (ou animale), qui est renouvelable et souvent peu transformée.
La terre quant à elle est un matériau naturel millénaire, très abondant à la surface de la planète, non transformée quand elle est utilisée crue (non cuite) et recyclable à l’infini. La terre crue présente donc beaucoup d’atouts qui sont de plus en plus étudiés scientifiquement (même si elle est utilisée depuis longtemps).
À la fin de ce stage, mon maître de stage m’a proposé de continuer en thèse, sur le même projet.
Après mûre réflexion (est-ce que j’ai réellement envie de passer ma vie à faire de la recherche ? qu’est-ce que je veux faire comme métier ?), j’ai dit oui, voyant la thèse comme une expérience professionnelle de 3 ans sur une thématique me tenant à cœur et me plaisant, et sous la responsabilité d’un directeur et d’une directrice de thèse avec qui cela se passait bien.
Début de mes 3 ans de thèse en génie civil
J’ai donc signé pour 3 ans de thèse, avec pour activité principale de fabriquer et tester des briques de terre crue avec de la paille (bon en vrai c’est quand même légèrement plus compliqué que ça).
J’ai travaillé sur le matériau composite terre contenant des granulats végétaux tels que le chanvre, la paille ou la balle de riz afin d’étudier l’influence de ces ajouts végétaux sur les différentes propriétés du matériau.
Les ressources végétales que j’ai utilisées sont des co-produits (ou déchets) agricoles, c’est-à-dire que la plante est cultivée pour une autre partie de la plante (exemple : du chanvre on peut retenir la fibre textile, de la paille des grains céréales…).
L’objectif de ma thèse était de diminuer la masse de la brique crue pour améliorer son isolation thermique tout en maintenant les autres propriétés suffisantes pour son bon usage.
Les études menées pendant ma thèse
J’ai donc étudié de nombreuses propriétés de ces matériaux en mesurant :
- la résistance mécanique (j’ai cassé des briques et mesuré leur résistance),
- la capacité du matériau à isoler thermiquement (l’ajout de végétaux, plus légers que la terre, permet une amélioration de l’isolation),
- la capacité du matériau à réguler l’humidité d’une pièce (la terre a la capacité « d’absorber » le surplus d’humidité ou d’en relarguer en fonction des fluctuations d’humidité d’une pièce)
- la résistance au feu (même si la terre ne brûle pas (elle cuit seulement et gagne en résistance), il fallait une réponse scientifique sur un ajout de végétaux, inflammables, dans de la terre)
- la résistance à l’environnement : pluie, frottement, impact.
- la résistance au développement de moisissures.
J’ai effectué une thèse très expérimentale
, et surtout très variée, lors de laquelle j’ai utilisé énormément de ressources différentes (presses, fours, microscopes, laboratoire de chimie et même essoreuse à salade — oui oui, on m’a beaucoup chambrée pour ça!).
La thèse de recherche en génie civil : le bilan
Ça a été pour moi une expérience très enrichissante : mon directeur et ma directrice de thèse m’ont guidée tout en me laissant très libre, me permettant ainsi de développer mes compétences de chercheuse par moi-même.
J’ai pu développer des collaborations avec d’autres laboratoires, passer plusieurs mois à l’étranger, rencontrer d’autres scientifiques internationaux lors de conférences, partager des galères avec d’autres thésards…
Je sais que ce n’est pas le cas pour tout le monde, mais dans mon cas, j’ai réussi à ne pas avoir trop de pression, j’ai évité de travailler les weekends (sauf à la toute fin bien sûr) et j’ai pu avoir du temps pour mes loisirs.
Direction l’Angleterre pour un post-doctorat
Je suis ensuite partie en Angleterre pour effectuer un post-doctorat (un CDD de recherche en Université), sur une thématique me plaisant toujours c’est-à-dire la construction en bottes de paille.
Ce n’est pas forcément courant ni nécessaire en génie civil de partir à l’étranger pour avoir un poste dans le monde académique.
C’est une opportunité qui s’est présentée, et j’avais envie de découvrir un autre laboratoire, un autre pays et d’améliorer mon anglais (pour être moins timide en conférences notamment).
La principale similitude entre mon laboratoire en France et celui en Angleterre est la présence de chercheurs (et doctorants en particuliers) venant du monde entier.
Au bout de 10 mois de post-doc, ô merveille, j’ai obtenu un poste de maître de conférences, sur ma thématique de recherche bien-aimée.
Me voilà donc revenue en France, enseignant en IUT et continuant la recherche. Même si j’ai travaillé dur pour en arriver là, je m’estime également très chanceuse, n’ayant eu que peu d’obstacles et de nombreuses opportunités.
Mon métier passionnant en génie civil
Pour le moment, j’enseigne des cours de géotechnique, de structures en béton armé et de modélisation des structures en béton, bois ou métal. Je suis arrivée il y a seulement quelques mois à l’IUT, mais à terme j’enseignerai probablement d’autres matières.
Théoriquement, le métier d’enseignant-chercheur consiste à effectuer la moitié de son temps sur des activités d’enseignement et l’autre moitié sur des activités de recherche.
Du côté de l’enseignement, mes tâches comprennent les cours avec notamment la préparation d’examens ou de travaux pratiques, l’encadrement de groupe de projets, la préparation des emplois du temps…
Du côté de la recherche, il y a la rédaction d’articles scientifiques, l’encadrement de stagiaires et/ou doctorants qui consiste à les guider dans leur recherche, leur donner des pistes, relire et améliorer leurs articles.
Il y a aussi une partie qui concerne la recherche de financement, en répondant à des appels à projets par exemple, ainsi que la participation à la vie du laboratoire, notamment à la rédaction de procédures liées à la qualité et à la sécurité au laboratoire.
J’ai un peu galéré en école d’ingénieurs et jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je serais à la place de mes enseignants… mais comme quoi, rien n’est impossible !
Même si j’ai souvent été indécise sur mes choix d’orientation, j’aime beaucoup ce que je fais, et le domaine dans lequel j’interviens.
J’aime la diversité des tâches du métier d’enseignant-chercheur, les aspects novateurs du domaine me passionnent et la liberté d’organisation est un atout majeur.
Le génie civil, un monde masculin ?
Certes, il y a une majorité d’hommes en génie civil, mais dans la recherche, le taux de femmes est peut-être plus élevé qu’en ingénierie du même domaine.
Ça fait 4 ans que je suis dans le monde de la recherche dans ce domaine, je n’ai eu que quelques remarques sexistes, soit soulignant le fait que j’apporte une « touche de féminité », soit refusant mon aide pour le déménagement de meubles dans le laboratoire.
Je dirais que le point le plus négatif est le fait qu’on entend souvent que « la méca », c’est pour « les plus costauds » …
La mécanique dans le domaine du génie civil concerne la fabrication (souvent à la bétonnière dans la majorité des cas) et l’étude des propriétés mécaniques des matériaux (résistance en compression ou en flexion).
Elle se fait généralement sur des volumes « d’échantillons » assez gros, pouvant peser jusqu’à plusieurs dizaines de kilos, ce qui demande généralement une certaine force physique (même si des équipements sont prévus pour limiter les charges portées).
En tout cas, si tu veux porter une « blouse blanche de scientifique », ce n’est pas en génie civil qu’il faut venir… ici, elle sera plutôt marron ou grise !
Si tu aimes ton métier et que tu souhaites participer à la rubrique, tu peux répondre au questionnaire ci-dessous dans un mail à cette adresse :
jaifaitca[at]madmoizelle.com
N’oublie pas de mettre en objet « Maintenant que je suis grande, je suis… » suivi de ton métier. Attention c’est important pour que je vois ton message.
Questionnaire :
- Qui es-tu et d’où viens-tu ?
- Avant d’attaquer sur ton travail, est-ce que tu as une passion ou un kif dans la vie (parce que c’est important de faire aussi autre chose) ?
- Et ton job alors, c’est quoi ?
- Comment tu l’expliquerais à ta petite sœur hypothétique en quelques mots ?
- Pourquoi tu aimes ce que tu fais ? / Pourquoi tu as choisi de faire ce travail ?
- Est-ce que c’est le domaine que tu avais choisi dès le départ ou tu t’es retrouvée ici après une ou des réorientations ?
- Est-ce que tu as dû arbitrer entre deux visions du travail, « liberté, je fais ce qu’il me plaît et tant pis pour la précarité » VS « sécurité, je préfère m’assurer un salaire stable même si ce n’est pas le job de mes rêves » ?
- C’est le fruit d’un parcours longuement réfléchi ou du hasard ?
- Qu’est-ce que tu as eu comme formation ?
- Est-ce que tu as une journée type ?
- Ton petit bonheur qui fait que tu kiffes ton boulot ?
- La qualité indispensable pour s’épanouir dans ce job ?
- Et pour finir, en commençant, tu gagnais combien ? (Parce que c’est important de savoir à quoi s’attendre !)
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
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On a hâte de vous lire !
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