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Abuela, le film d’horreur effrayant du réalisateur de Rec, sort aujourd’hui en salles

Quatorze ans après son magistral et culte REC, Paco Plaza continue sa progression sur la terre sainte de l’horreur avec son nouveau film Abuela, qui sort aujourd’hui en salles !

Article initialement publié le 6 février 2022 — 

Parmi les longs-métrages qui secouent les Vosges chaque année, à l’occasion du festival du film fantastique de Gérardmer, il y a ceux qui imprègnent immédiatement votre chair, et puis il y a ceux qui prennent leur temps pour tracer un chemin jusque votre cœur.

Abuela, de l’Espagnol Paco Plaza, fait partie de ceux qui prennent leur temps et qui, après une première secousse, reviennent comme une vague vous envahir.

Il faut dire que l’histoire de Susana et Pilar est un poème effrayé au temps qui passe et n’épargne personne. Surtout pas les femmes, déconsidérées sitôt les premières rides.

Abuela, c’est la cage dorée d’héroïnes « prisonnières de leurs corps », dont on a eu la chance de détailler les enjeux avec son réalisateur.

Mais avant de revenir sur ce passionnant entretien, il convient de brosser un portrait rapide de Susana et Pilar, à l’occasion de la sortie de La Abuela, en salles aujourd’hui.

Abuela, l’amour et le temps qui passe

Susana est une mannequin de 25 ans — autant dire « une vieille » dans son industrie. Elle enchaîne les publicités pour des parfums et de petits spots de mode à Paris, mais rien qui impressionne les photographes en soirée, lesquels la méprisent.

La seule qui est vraiment fière d’elle, c’est sa grand-mère, Pilar, avec qui Suana devrait bientôt fêter son anniversaire. Mais lors d’une soirée sous cocaïne, la jeune femme reçoit un coup de fil.

C’est l’hôpital qui la prévient que sa grand-mère a fait une hémorragie cérébrale, et qu’elle ne sera plus jamais pareille. D’ailleurs, elle ne peut plus se permettre de vivre seule. Susana doit donc rentrer en Espagne pour trouver une aide permanente à sa grand-mère.

Alors qu’elle s’occupe de Pilar, la nourrit, la baigne, la coiffe, elle constate un changement drastique dans la manière d’être de sa grand-mère, qui rit seule et parle à des fantômes.

Alors que Susana cherche à rentrer à Paris, Pilar, à sa manière, va l’en empêcher.

Paco Plaza, un réalisateur féministe

Pour nous entretenir avec le papa de Susana et Pilar (Prix du jury du festival), nous nous sommes rendues, en plein festival de Gérardmer, au Grand Hôtel de la ville, où logent les artistes et autres membres du jury.

Très en avance, contredisant les mythes sur le retard permanent des Espagnols, Paco Plaza est arrivé au bar, et nous avons partagé un thé — évoquant combien son français est excellent, et ma maîtrise de la langue ibérique pauvre.

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Copyright Le Pacte

Sur les conseils de son attaché de presse, qui travaille avec lui depuis près de 20 ans et sait combien Paco tient à sa cigarette, nous avons commencé l’interview dans le fumoir de l’hôtel, encombré de fauteuils club.

Une clope au bec, une tasse de thé à la main, et les montagnes en décor de fond : Paco Plaza s’est vite avéré être le meilleur interviewé possible, se livrant complètement à l’exercice, sans se préoccuper le moins du monde du reste de son agenda.

Après quelques formalités sur son appréciation du festival — 15 ans après qu’il y a présenté REC, l’un des piliers de l’horreur found-footage — nous sommes entrées dans le vif du sujet. Et en anglais plutôt qu’en espagnol, comme l’a expressément suggéré son attaché de presse !

Madmoizelle : L’une de vos deux actrices principales, Vera Valdez qui joue la grand-mère, n’est pas seulement actrice. Elle a aussi connu une carrière de mannequin international, comme Susana dans Abuela. On a ouï dire également qu’elle avait eu une vie hors du commun et qu’elle est une vraie source d’inspiration pour vous.

Paco Plaza : Vous ne pouvez pas imaginer ! Une série Netflix de dix saisons ne pourrait pas rendre hommage à la vie qu’elle a eue. Elle est incroyable !

Quand elle a eu 15 ans, elle est venue de Rio à Paris, et est devenue la protégée de Coco Chanel. Elle a vécu dans la maison Chanel à Paris avec Coco, qui a été comme une mère pour elle.

Elle a donc commencé sa carrière de mannequin à Paris avant de démarrer comme actrice. Elle a été l’amante de Louis Malle, super amie avec Jean-Luc Godard, Anna Karina et beaucoup de personnes qui ont été à l’origine de la Nouvelle vague française.

Ensuite, elle est retournée au Brésil où elle a été mise en prison. Elle y a été enfermée et violée. Elle est sortie, et puis est retournée derrière les barreaux pour détention de cocaïne. Et à Paris, elle a été arrêtée car elle avait eu un rapport sexuel dans une voiture en pleine rue…

À chaque fois que vous parlez avec elle, vous découvrez de nouvelles choses ! Pour moi et pour toute l’équipe du film, apprendre à connaître Vera a été une vraie leçon de vie. Parce que cette femme — qui avait 85 ans quand on a commencé à tourner — a été immédiatement partante pour traverser l’océan et travailler avec un réalisateur qu’elle ne connaissait pas dans une langue qu’elle ne connaissait pas.

Personnellement, je veux être comme elle à 85 ans, aussi impulsif. La dernière fois que je l’ai vue à Madrid, lorsqu’elle est venue pour les interviews, elle m’a dit qu’elle comptait revenir bientôt pour commencer une carrière en Europe (rires) !

Je dis toujours qu’elle n’est pas un être humain mais un animal mythologique qu’il faut prendre soin de prier. C’est une femme très spéciale : elle n’a pas le temps pour le bullshit, et elle ne se prive pas de vous le rappeler. Si un jour, on tourne une heure de trop et qu’elle trouve que ça n’est pas nécessaire, elle ne viendra pas le lendemain. Elle est comme une rock star.

Vera semble très à l’aise avec son corps, malgré son âge. Elle a l’air d’embrasser ses 87 ans et ce qu’ils impliquent. Son personnage dans Abuela, à l’inverse, refuse de vieillir jusqu’à commettre le pire. Vous pensez que les femmes ont si peur que ça de prendre de l’âge ?

Les hommes aussi, je pense… mais je crois qu’il y a un vrai poids sur les épaules des femmes que nous, les hommes, n’avons pas. Prendre de l’âge fait peur à tout le monde. Mais la pression sociale, concernant l’âge, est bien plus grande chez les femmes. Je crois que c’est un fait.

Almudena, l’actrice principale, a vécu à Paris pendant un moment, et tout le monde lui a dit qu’elle était vieille et grosse. Alors qu’elle a 23 ans et est toute mince ! Elle a ressenti une pression permanente de ne pas être assez mince, assez jeune, assez belle. Elle avait l’impression qu’on voulait lui faire comprendre « Ok, tu es jolie, mais il y aura toujours quelqu’un de plus beau, plus jeune que toi ».

C’est pour cela que, dans le film, je la montre à plusieurs reprises dans son lit en train de regarder d’autres profils de mannequins. Pour suggérer qu’elle a peur que quelqu’un prenne sa place. Car les places, dans ce milieu, sont chères…

Les deux femmes de mon film ont l’impression que leur corps est une prison. La grand-mère, sa prison, c’est le vieillissement de son corps. Pour Almudena, c’est une prison parce que son métier est de représenter la beauté et la jeunesse.

Je crois que c’est terrible que l’on mise tant, dans notre société, là-dessus, quand ce sont deux éléments qui sont si temporaires. Tout le monde est jeune pour un moment. Mais on finit tous par arrêter d’être jeune. On ne sera plus jamais aussi jeunes qu’aujourd’hui, vous et moi. Et tout le monde.

C’est une chose inéluctable que notre culture européenne ne nous aide pas à appréhender. Au début, je voulais tourner ce film à Mexico. Parce que là bas la vie est célébrée, parce que l’on sait pertinemment qu’elle ne dure pas toujours. C’est ce qui fait sa beauté.

Votre film se concentre sur des personnages féminins — comme les 3/4 de la compétition de Gérardmer cette année. Pourtant, on a été choquée de constater que les hommes qui ont présenté des films ici, ou qui sont venu tenir des conférences, n’ont pas mentionné une seule femme dans leurs inspirations cinématographiques. Alexandre Aja, Bruno Barde (le directeur du festival), et même Edgar Wright n’ont pas évoqué la moindre réalisatrice. On rétablit l’équilibre ?

Personnellement, énormément de femmes ont inspiré mon travail. Et pas que dans le cinéma.

La première, pour moi, c’est Mary Shelley [l’autrice de Frankenstein NDLR]. Mary Shelley a tout changé. Mais il est vrai que c’est très, très, très injuste qu’au travers de l’histoire du cinéma, on a laissé très peu de place aux voix féminines dans les films de genre. Mais c’est en train de changer.

Julia Ducournau est d’après moi la meilleure réalisatrice actuelle, par exemple. Quand j’ai vu Grave, j’ai été époustouflé. D’ailleurs, Julia elle-même m’a vraiment retourné… En fait, nous partageons la même agence de presse en Espagne. L’agence m’a dit « Tu veux rencontrer Julia Ducournau ? » et j’ai dit « Bien sûr, j’adore son film ». Ensuite, on me l’a présentée. Et à ce moment là je me suis retrouvé nez à nez avec mes propres préjugés.

Je me suis dit « C’est la femme qui a fait ce film ? » — vous savez, Julia est jeune, blonde, super jolie. Et je me suis rendu compte combien j’étais moi-même bourré de clichés.

En tout cas je l’admire énormément. Et quand j’ai vu Titane, ça m’a vraiment bluffé. Je l’ai vu trois fois au cinéma. Grâce à Julia, j’ai d’ailleurs découvert Claire Denis [High Life, Trouble Every Day, ndlr], et ça m’a ouvert à un tout nouveau pan (incroyable) du cinéma.

Vous savez, je suis très ami avec une journaliste espagnole qui a écrit Queens of the Scream — pas Scream Queens, pour prendre le contrepied du stéréotype horrifique. Dedans, elle raconte quelles sont les choses qui l’effraient vraiment en tant que femme et en tant que mère aussi, et elle parle des films de Claire Denis, surtout de Trouble Every Day. C’est passionnant !

Quand on dit que les meilleurs films de la décennie ont été faits par des femmes, comme The Power of the Dog, Titane, Petite Maman etc, je pense que c’est profondément vrai.

Et c’est parce que pour qu’une femme réussisse, il faut qu’elle soit excellente. Elle n’a pas le droit d’être moyenne, sinon la société ne la considère pas. Alors que nous, les hommes, on a le droit d’être médiocres. C’est terrible.

Il faut tout faire pour rééquilibrer la situation. En ce moment, il y a des débats ineptes sur la discrimination positive. Moi je pense que peu importent les moyens , il faut prendre de vraies mesures pour rendre leur visibilité aux femmes. Coûte que coûte.

Vous savez, en France, quand Titane a gagné la Palme d’or justement, les réseaux se sont déchaînés. D’après beaucoup de personnes, enfin d’après beaucoup de vieux mecs, l’Académie n’avait couronné Julia que pour s’acheter une image progressiste en élisant une femme. Sans jamais prendre en compte le fait que Julia Ducournau soit simplement l’une des meilleures, non seulement de la compétition, mais de son temps.

Vous savez, j’ai produit le premier film de Leticia Dolera, qui est l’un des visages du féminisme en Espagne [ainsi que la brillante créatrice de la série Perfect Life, qui a gagné le festival Canneséries en 2019, ndlr].

Quand on a demandé de l’argent pour faire ce film, tout le monde ne s’est adressé qu’à moi. Et quand on a été invités sur les plateaux de télévision, les gens ne posaient des questions qu’à moi. Je leur disais « Mais bon sang, posez-lui des questions à elle, c’est elle la réalisatrice ! » — moi, je ne faisais que produire, mais c’était son film à elle, sa voix à elle. Certaines personnes lui ont même dit : « Avez-vous écrit le scénario vous-même ? » Quel mépris !

On a beaucoup parlé de ça avec Leticia parce que moi, quand j’ai commencé ce métier, personne n’a jamais remis en doute le fait que je sois capable de réaliser un film. Et pourtant j’étais jeune, je n’avais que 27 ans.

Bref, tout le temps, elle a été soumise à une examination terrible. Les gens ne lui faisaient pas confiance, simplement parce qu’elle est une femme. Il faut que ça change. Je le souhaite de tout mon cœur. Et je ferai personnellement tout pour que ça change. D’ailleurs, je ne produis que des femmes, pour équilibrer un peu la balance.

Paco Plaza, réalisateur féministe à suivre de très près

Pendant plus d’une heure, le réalisateur et nous avons parfaitement oublié de regarder nos montres, laissant le temps courir, et les sujets s’égrener. Mais cet article serait trop long si l’on y avait glissé toutes les idées, et tous les emportements inspirés de Paco Plaza.

Vous pouvez simplement retenir qu’il souhaite que la société change en profondeur, pour laisser enfin de la place aux réalisatrices et de manière générale aux femmes ; que son REC préféré est le 3è parce qu’il brise les codes instaurés par les deux premiers ; qu’il suit attentivement le parcours de ses acteurs (il est même le parrain de cœur de la jeune actrice de Veronica) ; et qu’on peut faire un super film d’horreur basé sur l’improvisation.

Par égard pour les autres journalistes qui attendaient leur tour, Paco et moi avons échangé quelques dernières pensées, puis nous sommes séparés en sentant encore un peu la cigarette et le thé.

Abuela, de Paco Plaza, est actuellement en salles.

À lire aussi : Samhain est un conte terrifiant sur la dépression et le harcèlement scolaire


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