Vous êtes peut-être déjà tombé sur l’une de ses vidéos TikTok, souvent repostées sur d’autres réseaux sociaux comme Instagram et Twitter. Shaheel Shermont Flair, alias @Shermont22, a un don pour créer des vidéos virales à partir d’éléments rudimentaires du quotidien qu’il arbore comme s’il s’agissait d’une des dernières créations aussi loufoques qu’onéreuses d’un défilé de haute couture. Des parodies du cirque et du faste de l’industrie de la mode qui paraissent d’autant plus frappantes qu’elles ont comme arrière-plan un milieu désargenté des îles Fidji.
Sur TikTok, Shaheel Shermont Flair alias @Shermont22 parodie la mode
Le sens de l’ironie de Shaheel Shermont Flair lui a déjà attiré près de 500.000 followers et 20 millions de mentions j’aime sur le réseau social chinois. Et si ses vidéos plaisent tant, c’est sûrement parce que le conceptualisme des uns — une élite fortunée, souvent déconnectée — peut facilement confiner à l’absurde aux yeux des autres.
D’ailleurs, d’autres vidéos qui font la satire du luxe cartonnent sur TikTok. Sûrement parce qu’il devient de plus en plus risible et irrésistible de se moquer de cette industrie qui s’amuse de façon toujours plus visible et éhontée à singer les classes les plus populaires. Que ce soit le sac Ikea ou Tati, le jogging dans les chaussettes, les Crocs, les sacs poubelles ou encore les sneakers pré-usées de Balenciaga (oui, ça fait beaucoup pour une seule maison, mais c’est le dada de Demna Gvasalia, son DA actuel). Ou encore Kanye West qui vend le fruit de la collab’ entre sa marque Yeezy et Gap dans des sacs de construction.
Qui est vraiment Shaheel Shermont Flair alias @Shermont22 sur TikTok
À mesure que cette industrie prend conscience des enjeux d’appropriation culturelle, elle semble s’amuser de plus en plus avec les codes de classes sociales, comme un nouveau terrain de jeu moins miné. Et c’est peut-être aussi ce contexte qui explique la viralité des vidéos de @Shermont22, lui qui se trouve à la croisée d’enjeux de race, de classe, de sexualité, et même d’expression de genre.
Comme le rapporte le média El Pais, Shaheel Shermont Flair est un jeune gay fidjien d’origine indienne. Ses ancêtres étaient des Girmtyas indiens qui ont été déportés aux Fidji colonisées par les Britanniques au milieu du XIXe siècle pour devenir des esclaves. Cela fait des mois qu’il s’amuse sur les réseaux sociaux à bricoler des tenues, notamment d’inspiration indienne, avec du papier toilette pour le sari, un bouchon de bouteille pour un nath sur le nez, et un sachet de thé pour le maang tikka sur le front.
Retourner le stigmate de la misère et pointer le double standard de la mode
En fait, c’est presque comme s’il retournait le stigmate de la misère en tenues d’apparat dignes d’un podium de mode occidental. Ses vidéos nécessitent beaucoup d’imagination, de créativité, de talent, et même de savoir-faire pour que tout cela tienne le temps d’un défilé, aussi parodique soit-il.
Qu’il réalise tout cela seul ou presque devrait susciter beaucoup d’admiration, en plus des rires. Mais cela questionne aussi ce que l’on considère comme beau, de bon goût, et digne d’être admiré. Car il semble bel et bien exister un double standard de ce que l’on considère comme tenant du génie ou non, en fonction de qui l’exprime. Depuis quelles positions et conditions sociales.
Alors, même s’il ne sera sûrement pas nommé directeur artistique d’une grande maison de couture de si tôt, peut-être que le succès du créateur de contenu Shaheel Shermont Flair contribuera à soutenir ses proches et ses îles, qui sont bien plus que des destinations touristiques pour Occidentaux en mal d’exotisme.
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Les Commentaires
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Extrait : "si tu vas au Lidl « pour acheter le truc décalé qui s’arrache sur ebay », en opposition à « n’être financièrement pas en mesure de faire ses courses ailleurs », tu peux tranquillement rire du discount sans jamais ressentir la gêne qui peut y être associée. Et arborer fièrement ton pull de pauvre, sans aucune stigmatisation associée, si ce n’est celle qui stigmatise quelqu’un·e d’autre que toi, donc ça va".