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Source : © Nicolas DUPREY/ CD 78
Société

Bridé dans son sexisme, Philippe Candeloro s’estime victime de « discrimination invisible » et tape sur le « wokisme »

Dans une interview accordée au Figaro mardi 30 avril, l’ancien champion de patinage artistique devenu commentateur, Philippe Candeloro, a fustigé le wokisme et le mouvement Me Too, qui, selon lui, l’empêchent d’exercer son métier comme il le souhaiterait.

Il s’était fait particulièrement remarquer lors des JO de Sotchi, en 2014. L’ancien champion de patinage Philippe Candeloro, devenu commentateur sportif, s’était en effet fendu d’une série de remarques sexistes avec son co-présentateur Nelson Monfort, à propos du physique des patineuses, dont ils étaient censés analyser les performances sportives pour France Télévision. Alors que l’Allemande Aliona Savchenko était entrée sur la glace, Candeloro avait salué « son joli petit postérieur… », suscitant une vive polémique sur son sexisme décomplexé, assumé quelques semaines plus tard dans les colonnes du Monde.

Dix ans plus tard, et alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques prendront leurs quartiers à Paris cet été, le patineur est revenu sur sa carrière pour le « Figaro La Nuit », dans l’émission du 30 avril. Fidèle à ses précédentes déclarations, Philippe Candeloro a livré une masterclass en ouin ouin et fustigé le mouvement Me Too, avec les mêmes sempiternels arguments que plébiscitent nombre de ses détracteurs.

On ne peut plus rien dire, c’était mieux avant

Preuve que certaines mentalités ont du mal à évoluer avec l’époque, Philippe Candeloro se montre nostalgique d’une ère avant Me Too où tout allait mieux (comprendre : pour les hommes blancs hétérosexuels privilégiés comme lui). « Aujourd’hui avec le Me Too, avec le wokisme, on est plus aussi naturels qu’au départ ». Pour le patineur, « on s’autocensure » à outrance, de peur que « chaque mot prononcé de notre bouche » soit reçu comme « une insulte ».

S’attaquant sans le nommer au principe de déconstruction sociale, c’est-à-dire au fait de se défaire activement de certains mécanismes sexistes inculqués dès la petite enfance, Candeloro déplore ce wokisme qui s’évertue à dénaturer les hommes. À en croire ses mots, il ne fait plus qu’un avec son sexisme, comme si celui-ci faisait partie de son identité, et que s’en affranchir serait signer la mort de sa personne : « Aujourd’hui, on essaie de m’enlever mon ADN, ma façon dont j’ai vécu toute ma vie, avec mes blagues potaches à la con […] On voudrait nous faire croire que tout ce qu’on a appris, on doit nous désinhiber de tout ça. Et ça, c’est dur ».

Au nom de la liberté d’importuner

Candeloro brandit aussi la carte bien connue de la « liberté d’importuner », soutenue par des personnalités comme Catherine Deneuve ou Brigitte Lahaie, qui avaient exprimé la crainte que Me Too n’impose un pseudo-puritanisme liberticide. Pourtant, comme Madmoizelle l’avait exprimé dans une tribune, « le tort n’est pas, n’a jamais été d’essayer. Le tort est de ne pas écouter le refus, de ne pas le respecter, de ne pas, même, lui laisser la possibilité d’exister ». Et c’est cela « qui a été largement dénoncé par #MeToo, et pas juste le fait d’éprouver du désir, de tenter sa chance ». Ou, comme l’écrivait alors Réjane Sénac : « Cette prétendue liberté est encore et toujours celle d’une complémentarité asymétrique et d’un devoir des femmes à consentir. Rendant impensable et invivable un droit égal à choisir ».

Pourtant, Philippe Candeloro, comme d’autres avant lui, ne semble pas saisir la différence. « Si aujourd’hui on ne peut plus dire à une dame « Oh vous êtes magnifique Madame », sous prétexte qu’on est en train de lui faire du harcèlement, vaut mieux lui dire « ça va vieille bique » » ironise-t-il. Et quand le journaliste lui demande s’il est à propos de commenter le postérieur d’une patineuse, ce dernier sous-entend que c’est un mal pour un bien : « je dirais que non, sauf que grâce à un de ces propos que j’ai pu tenir, on a amené 3 millions de personnes supplémentaires à regarder le patinage à un moment ». En somme, tant pis si ce sont les femmes qui trinquent ou sont dénigrées une fois de plus, puisque c’est pour la bonne cause.

Se placer en victime, confondre humour et misogynie

Autre rhétorique bien connue, celle qui consiste à inverser les rôles pour se placer en victime d’un système castrateur. « Moi je suis hétéro, oui. Est-ce que c’est une maladie aujourd’hui d’être hétéro ? J’ai l’impression que oui ». Le voilà érigé en martyre face à une société qui lui veut du mal, reprenant le lexique de la victimation.

Interrogé sur sa possible frustration de ne plus pouvoir exercer son métier comme il l’entend, il répond se sentir bridé. « On est dans un pays de liberté et on est plus aussi libre que ça ». Il affirme avoir été recruté par France Télévisions en 2006 car son « humour potache » plaisait. C’est ce même humour qui pourrait, aujourd’hui lui coûter son emploi, alerte-t-il. Et de conclure, non sans indécence : « J’appelle ça de la discrimination invisible ».


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

11
Avatar de Elfianni
5 mai 2024 à 18h05
Elfianni
@Nefertii , mais oui, c'est vrai, je me rappelle de cette expeérience sociale et de la gêne intense des hommes dont l'avis était ensuite recueilli !
Et 100% avec toi sur tes remarques.
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