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Adoption homoparentale : 10 ans après le Mariage Pour Tous, une situation à peu près égalitaire

Le 17 mai 2013, jour de lutte internationale contre l’homophobie et la transphobie, était promulguée la loi dite du Mariage Pour Tous, qui légalisait en France le mariage pour les couples homosexuels, mais également l’adoption d’enfants par ceux-ci.

C’est en 2018, cinq ans après la promulgation de la loi, que France Bleu diffuse un reportage sur les difficultés des couples homoparentaux à adopter en Seine-Maritime.

Pascale Lemaire, la responsable du service des adoptions dans le département à l’époque, explique calmement comment elle les discrimine, et les enfants avec eux : « Les couples homosexuels sont un peu atypiques par rapport à la norme sociale, mais aussi la norme biologique [donc leur projet doit supporter] des profils d’enfants atypiques. »

Elle précise ce qu’elle entend par atypique : « Des enfants dont personne ne veut, puisqu’il y a des gens qui ne veulent pas adopter des enfants trop cassés, trop perturbés psychologiquement, trop grands, handicapés. Ces enfants-là ont des perturbations qui ne sont pas recherchées par les couples et c’est normal. »

À lire aussi : Mariage pour tous : le projet de loi se précise

Ces propos à la fois homophobes et validistes créent une vague de protestation, tout en braquant les projecteurs sur les pratiques de discrimination au sein des conseils de famille, qui traitent les dossiers de demande d’adoption.

Les associations et les politiques s’en saisissent, et les témoignages de discrimination s’accumulent. En Meurthe-et-Moselle, les demandes de couples homoparentaux sont systématiquement rejetées ; car même si « On n’a rien contre les couples de même sexe, tant qu’on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégie » selon le président du conseil de famille du département, Jean-Marie Müller.

« J’ai eu une adhérente en pleurs au téléphone », raconte Nicolas Faget, porte-parole de l’APGL, l’association des parents gays et lesbiennes, « à qui on a dit “c’est bon, vous vous trouverez bien un mari et vous concevrez naturellement, l’adoption ce n’est pas pour vous, et à qui on a conseillé de changer de département pour voir avancer son dossier. »

Partout, des pratiques discriminatoires, discrètes ou évidentes, mettent des bâtons dans les roues des parents adoptants. L’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) dévoile ainsi dans un rapport de 2019 qu’en quatre ans, seulement une dizaine de couples homoparentaux avaient réussi à adopter.

Des biais religieux dans les conseils de famille

Mais le principal obstacle à l’époque, selon Nicolas Faget, était lié à « une sur-représentation des associations familiales catholiques dans les conseils de famille, car c’est historiquement l’Église catholique qui s’occupe des adoptions. »

Un rapport du Conseil National de l’Adoption (CNA) publié en 2019 vient soutenir cette théorie. On peut y lire que la composition des conseils de famille « demeure opaque et la place des associations à caractères religieux apparaît comme prépondérante. De la même manière, le CNA considère qu’aujourd’hui, un seul mode de famille y est représenté, dans la plupart des cas : ce sont les familles mariées, hétéroparentales. Ce manque de transparence induit une discrimination préjudiciable à l’adoption, particulièrement pour les familles monoparentales ou homoparentales en demande d’agrément. »

On peut également y lire plusieurs recommandations sur la constitution du conseil de famille, et notamment la formation de ses différents membres sur la déontologie et les discriminations.

Aujourd’hui, dans chaque département, une personne au sein des conseils est chargée d’analyser les pratiques de traitement des dossiers et de discuter des possibles biais discriminants, quels qu’ils soient, avec ses autres membres. Des membres d’associations homoparentales siègent également dans une grande partie de ces conseils. 

Ces nouvelles pratiques ont permis d’ouvrir l’accès à l’adoption. « Aujourd’hui, on voit des taux d’adoption plus représentatifs de notre société », explique Nicolas Faget. « À Paris par exemple, où seulement un couple ou deux par an se voyaient proposer un enfant jusqu’en 2018, on voit une dizaine de dossiers acceptés chaque année ».

Corinne Imbert, sénatrice LR qui a participé à la rédaction du rapport du CNA, explique à Madmoizelle que s’il existait bel et bien des discriminations envers les couples homoparentaux, « la principale difficulté d’accès à l’adoption, c’est qu’il y a peu d’enfants adoptables. »

À lire aussi : La GPA éthique au coeur du téléfilm Qu’est-ce qu’elle a ma famille ?

Des démarches longues et décourageantes

En France, le nombre de pupilles de l’État, c’est-à-dire d’enfants adoptables, est inférieur à 1000 chaque année. Le nombre de personnes ayant reçu un agrément pour l’adoption, d’un autre côté, est supérieur à 10 000. Cela fait qu’un parcours normal d’adoption, même pour les couples hétérosexuels, dure entre trois et sept ans.

Nathan, un des pionniers de l’adoption homoparentale puisque lui et son mari Jean-Baptiste ont adopté leur fils en 2018 après quatre ans de démarche, raconte cette longue attente : 

« C’est ce qu’il y a de plus difficile à appréhender. On nous demande de ne pas trop y penser, car notre demande pourrait ne pas se concrétiser, et donc on fait tout pour s’occuper l’esprit et penser à autre chose que les rendez-vous de suivi. En réalité, on n’attend qu’une chose : que le téléphone sonne. »

Ils commencent leur démarche dans le Rhône, et sont le seul couple homoparental présent à la réunion d’information : « Notre crainte principale était de devoir se justifier plus que les couples hétéros. Mais au fil des rendez-vous et des entretiens, nous nous sommes rendu compte que l’on n’avait rien de plus à prouver ». Dans leur démarche, ils se sentent néanmoins très seuls : « Nous n’avions pas de ressources, c’était le début de l’adoption pour tous, les témoignages que j’avais lus étaient très restreints. Quand Gaël est arrivé, j’ai voulu partager mon expérience pour aider certains couples à appréhender la procédure d’adoption, et la vivre de manière plus sereine ». Sur Instagram, il crée le compte Les Papas Adoptés pour partager leur histoire.

Selon Nicolas Faget, les évolutions en termes d’accès à l’adoption homoparentale ces dernières années « représentent une très belle avancée et une reconnaissance pour nos familles au quotidien, inscrivant la famille homoparentale dans la société », même si ce n’est pas parfait, car il demeure certains biais : « Il y a des relents d’homophobie dans les formulaires d’inscription et les questions posées, qui ne sont pas adaptées à la situation de couples homoparentaux, et les professionnel.le.s ne souhaitent pas les changer pour s’adapter à une demande sur deux-cents. On n’est pas encore à l’égalité qui était scandée à l’Assemblée nationale en 2013, mais on y avance. »


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