Vous commenciez à vous inquiéter des méfaits de la fast-fashion ? C’était sans compter sur ceux causés par l’ultra fast-fashion qui renouvelle ses collections toutes les semaines. De quoi ancrer plus profondément encore dans l’inconscient collectif l’idée d’une mode jetable.
La fast-fashion, déjà dépassée par l’ultra fast-fashion ?
Comme vient de le relever un article du média de vulgarisation de recherches universitaires The Conversation, H&M et Zara combinés ont eu le temps de sortir 11 000 nouvelles références depuis le début de l’année 2022. Et ce qui peut déjà sembler vertigineux de la part de ces mastodontes bien connus de la fast-fashion n’est rien comparé à ce que peut faire le géant de l’ultra fast-fashion Shein : près de 315 000 nouveaux produits sur la même période. De quoi consommer énormément de ressources naturelles, énergétiques et humaines à confectionner, et de dégâts sociaux et de déchets polluants…
D’après les directrices de recherche à l’Institute for Sustainable Futures de l’Université de technologie de Sydney (en Australie), Samantha Sharpe, Monique Retamal et Taylor Brydges, l’industrie de la mode pourrait à elle seule consommer un quart du « budget » carbone mondial restant si l’on veut maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C supplémentaire d’ici 2050 (oui car plus personne n’espère inverser le phénomène ou ne serait-ce que le stabiliser…). D’ici 2030, elle utiliserait 35% de terres supplémentaires pour produire des fibres servant aux matières premières.
On porte nos vêtements moins longtemps alors qu’on en produit 2 fois plus
Dans cette accélération pour aller droit dans le mur de l’écocide, la production de vêtements a eu le temps de doubler ces quinze dernières années, alors qu’on aurait tendance à reporter nos vêtements de moins en moins souvent et longtemps : la durée d’utilisation de nos fringues aurait réduit de 40% en Union Européenne entre aujourd’hui et il y a quinze ans, d’après cette étude de la fondation Ellen MacArthur (association caritative britannique pour une économie plus circulaire).
C’est pourquoi les directrices de recherche de l’université de technologie de Sydney proposent de repenser nos garde-robes. À commencer par réduire de 75% le nombre de vêtements neufs que nous achetons, se tourner uniquement vers des références conçues pour durer, et recycler nos pièces en fin de vie.
Améliorer les conditions des travailleuses textile qui frôlent l’esclavage moderne
Rien de bien nouveau sous le soleil, me direz-vous, mais une piqure de rappel de ces principes de bon sens, en pleine crise climatique partie pour s’aggraver de jour en jour, peut faire du bien. Et puisque l’écologie s’inscrit toujours dans des questions géopolitiques et sociales, les principaux pays fabricants le plus de vêtements que sont le Myanmar, le Cambodge, le Bangladesh et le Vietnam sont considérés comme à « risque extrême » d’esclavage moderne, rappellent les chercheuses.
C’est notamment pourquoi ces dernières proposent également des mesures pour l’industrie : mieux payer les travailleurs textile qui sont surtout des travailleuses, et soutenir les personnes qui risqueraient de perdre leur emploi durant cette transition sociale. Car même si l’industrie enchaîne les effets d’annonce de mesures plus écologiques flirtant souvent avec le greenwashing, elle préfère encore les opportunités économiques et la croissance aux préoccupations environnementales.
Demander aux gouvernements d’agir pour réguler l’industrie de la mode
Les chercheuses appellent donc évidemment à consommer moins mais mieux : moins de vêtements de première main, se tourner à la rigueur vers la seconde main ou la location en cas de besoin, recoudre et raccommoder nos pièces endommagées, à l’échelle individuelle.
À l’échelle industrielle, demander aux gouvernements d’agir pour réguler l’industrie de la mode, sa consommation de ressources naturelles et son art de jouer avec le code du travail prendra du temps mais doit commencer dès maintenant, expliquent les chercheuses :
« Passer d’un modèle de croissance perpétuelle à une approche durable ne sera pas facile. Passer à une industrie de la mode post-croissance exigerait que les décideurs politiques et l’industrie introduisent un large éventail de réformes et réinventent les rôles et les responsabilités dans la société. »
Renouer un lien émotionnel avec nos vêtements pour sortir de la mode jetable
De façon peut-être plus surprenante, les chercheuses recommandent également de favoriser davantage de diversité dans nos cultures vestimentaires. Ce, dans le but de mieux comprendre les différents us et coutumes autour des fringues à travers le monde, car d’autres cultures ont une approche beaucoup plus respectueuse de l’environnement que la plupart des sociétés occidentales. Une telle diversification pourrait également contribuer à reconstruire des liens émotionnels avec nos vêtements, et donc à s’éloigner d’une conception de la mode comme étant jetable.
Les chercheuses concluent finalement avec bon sens :
« Il vaut mieux agir pour façonner l’avenir de la mode et travailler vers une garde-robe bonne pour les gens et la planète – plutôt que de laisser un raz-de-marée de vêtements gaspillés absorber les ressources, l’énergie et notre budget carbone très limité. »
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Crédit photo de Une : pexels-lucas-queiroz-1852382
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