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Société

INTERVIEW – Marie Portolano : « Un homme à la télé, on l’écoute, une femme, on la regarde »

Marie Portolano sort son premier ouvrage, « Je suis la femme du plateau » (Ed. Stock), sur le sexisme qui gangrène le milieu de l’audiovisuel. Nous l’avons rencontrée.

Elle avait secoué les rédactions de sport en 2021 avec son documentaire Je ne suis pas une salope, je suis journaliste. La journaliste sportive Marie Portolano poursuit aujourd’hui sa réflexion avec un livre, Je suis la femme du plateau (Ed. Stock), témoignage éclairant sur les rouages de sa carrière et les nombreuses discriminations vécues sur les plateaux. Rencontre. 

Madmoizelle. Pourquoi avoir écrit ce livre ? 

Marie Portolano. Quand j’ai sorti le documentaire sur le sexisme dans les rédactions sportives, j’ai constaté les mois passant, les années passant que rien ne changeait. Des personnes avaient été virées de leur rédaction suite aux documentaires, et c’est comme si tout le système que je voulais dénoncer se cachait derrière. Je savais qu’il restait un travail important à faire. Même si je ne me sentais pas légitime d’écrire un livre, mon éditrice m’a vraiment poussée et elle a eu raison.

Avant le livre, vous aviez déjà documenté ces mécanismes sexistes dans votre documentaire et vous témoignez dans le livre de la vague qu’a provoqué ce docu. Est-ce que vous mesurez, encore trois ans après, l’impact qu’il a eu ? 

MP. Je reçois encore beaucoup de messages, notamment de personnes, de femmes, qui ne font pas le même métier que moi, mais qui se reconnaissent comme ayant vécu aussi tous les comportements que je dénonce. J’ai réalisé que le système sexiste est ancré partout, dans toutes les sphères professionnelles. Il a été remis en ligne il y a quelques semaines, donc on peut enfin le revoir. À l’époque, il avait été supprimé très vite par la chaîne, et je recevais beaucoup de messages de personnes déçues de ne pas pouvoir le voir. Trois ans après, il est de retour. C’est une belle victoire sur le long terme !

À lire aussi : Sur France 2, Michel Drucker nie la parole des victimes et crée le malaise

Quel est le cliché qui pèse le plus sur les femmes journalistes de sport ? 

MP. Le plus gros stéréotype, c’est que l’on n’y connaît rien et qu’on est là parce qu’on est des femmes, on vient remplir un quota. On passe plus de temps à justifier notre place plutôt qu’à travailler. On commente nos tenues, nos manières de parler, on nous coupe la parole. Ça, c’était l’ambiance quand je suis arrivée, j’ai bon espoir que ça change. 

Vous dites que vous êtes une fan de foot depuis l’enfance, vous avez accumulé une expérience significative de journaliste sportive, spécialisée en foot, mais on s’étonne encore, dix ans de carrière plus tard, de vos connaissances pointues, pourquoi ? 

MP. Dans le livre, je raconte cette anecdote d’une course avec un chauffeur de taxi, qui me reconnait, avec qui l’on discute de foot, de nos clubs préférés, des joueurs pendant tout le trajet. À la fin, il se retourne et me dit « mais en fait, vous vous y connaissez vachement bien ». Surprise, je réponds que oui, c’est mon métier, et là, il me fait « c’est parce qu’on ne vous entendait pas beaucoup à la télé ». Je trouve que cette anecdote est tellement parlante, ce chauffeur de taxi était d’une sincérité folle. Un homme à la télé, on l’écoute, une femme, on la regarde. On m’a fait comprendre que mon avis n’intéressait pas. J’ai toujours été surprise de constater à quel point mes commentaires étaient si peu importants qu’on les balayait toujours. 

Vous témoignez de plusieurs agressions vécues en plateau et hors plateau, à l’antenne comme en off, des paroles, des gestes, mais surtout, de la protection dont ont bénéficié vos agresseurs, comment vous analysez ces réactions des dirigeants, avec le recul ? 

MP. Je n’arrive toujours pas à comprendre, quand on sait en plus qu’aller voir la police ne résout rien, avec, par exemple, 94% des plaintes pour viols sont classés sans suite. J’ai le sentiment que la parole des femmes est constamment remise en question. Je pense que les violences faites aux femmes sont tellement inscrites, tellement historiques, que beaucoup de gens les minimisent. Quand on parle, on nous écoute à moitié. Depuis le documentaire, je n’ai plus vécu d’agressions, j’ai l’impression qu’on a peur de moi. Après, je vieillis aussi, donc plus on vieillit, moins on devient des proies, la vieillesse est confortable. 

Est-ce que vous pensez que le journaliste sportif change, est en train de changer avec les jeux qui arrivent ? 

MP. Ce que j’ai vraiment apprécié, c’est que j’ai beaucoup de collègues journalistes, des hommes de plus de cinquante ans qui ont lu le livre et qui se sont manifestés pour me féliciter. Je vois bien que tous les hommes ne sont pas réfractaires aux changements. Dans le livre, je n’attaque pas les individualités, j’attaque le système. Si les agresseurs sont réprimandés par la direction, ils ne recommencent pas, mais s’ils se sentent impunis, ils le refont. Dans les rédactions sportives, il reste une ambiance vraiment sexiste, car le sport est vraiment la chasse gardée des hommes, mais je pense que petit à petit, ça change. 


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