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Psycho

J’ai été trop loin pour m’intégrer, jusqu’à renier ma personnalité

S’intégrer à un groupe, ce n’est pas toujours facile. Des jeunes femmes racontent jusqu’où elles sont allées pour être acceptées…

En partenariat avec Pyramide Films (notre Manifeste)

Ce printemps, madmoiZelle est l’heureuse partenaire de Luna, le tout premier film d’Elsa Diringer qui est sorti le 11 avril dernier.

Dans ce long-métrage aux accents du Sud, une jeune montpelliéraine pleine de vie est amoureuse de Ruben, un fuckboy notoire, pour qui elle est prête à tout.

L’ambiance de leur bande de potes est propice au sentiment d’impunité et à la surenchère.

Roue arrière en scooter, soirées très alcoolisées, paroles violentes… Tout est permis pour se mettre en valeur et défendre son appartenance au groupe. Comme cette nuit où Luna se rend complice d’une agression.

Se faire de nouveaux amis, intégrer une bande ou se faire accepter dans une nouvelle école : ce sont autant de situations stressantes dans lesquelles il peut être tentant de marchander avec la monnaie la plus précieuse des relations humaines, la dignité.

Ajoutez à cela une pincée d’adolescence qui ne pense qu’à braver les interdits, et trop souvent une bonne dose d’alcool : ça donne des histoires pas toujours jolies jolies…

Des jeunes femmes m’ont raconté ces fois où elles ont nié leur personnalité pour s’intégrer.

Les prénoms ont été modifiés

Pour m’intégrer, j’étais prête à changer de style

Par peur d’être différent·e, ou plutôt peur que cela se remarque, nous sommes tenté·es dès l’enfance de nous conformer à la norme. 

Tout au long de mon adolescence, ma stratégie était de changer d’identité et d’adopter tous les codes vestimentaires d’un groupe pour m’y intégrer

Pour dire la vérité, je n’avais vraiment aucune idée de qui était Che Guevara le premier jour où je portais ce t-shirt…

Charlotte raconte comment elle s’est retrouvée à porter des baskets qu’elle n’aimait même pas :

Quand j’avais 13 ans, j’ai acheté des Nike chelou juste parce que c’était à la mode et parce que ma meilleure amie de l’époque en avait, mais je ne les aimais pas.

Je les avais en bleu, elle les avait en rouge. Le pire dans cette histoire, c’est que j’avais saoulé ma mère pour les acheter et qu’elle n’avait pas forcément les moyens à l’époque…

Pardon Maman.

Personnellement, en 6ème, j’étais prête à porter des Bocachica (marque de chaussures compensées hiiiideuses) pour faire comme tout le monde. Merci Maman d’avoir résisté.

Au collège, Elsa a choisi, elle, d’adopter un tout nouveau style musical pour se faire des copains :

Je me suis retrouvée un peu seule à la rentrée de la 5ème et j’ai décidé de suivre une amie dans son nouveau groupe de potes.

J’ai donc décidé de kiffer le groupe très controversé Tokio Hotel pour mieux m’intégrer à son cercle d’amis, que j’aimais pas trop en fait.

J’ai acheté des t-shirts, les albums de Tokio Hotel, j’ai appris les chansons par cœur (en allemand) et j’ai créé un Skyblog avec des photos de Bill Kaulitz.

Je me suis aussi cachée aux toilettes avec un téléphone et ce groupe d’amis pour écouter une interview en direct du groupe à la radio, à la récréation. C’était nul et on s’est fait confisquer le portable.

Je me suis battue avec mes parents pour pouvoir faire allemand LV2 en 4ème. J’ai pas gagné et j’ai fini en classe d’Espagnol l’année suivante, avec deux CD que je n’écoutais déjà plus !

Pour m’intégrer, j’étais prête à souffrir

À 7-8 ans, quand personne n’en avait vraiment rien à braire de mon style, surtout pas moi, je me contentais de me soumettre au chef du moment pour assurer ma place dans les bandes… quitte à souffrir un peu.

C’est ainsi qu’un été de colo, j’ai intégré fièrement le Club des Électrocutés. Nous étions une douzaine de gamins en vacances dans une ferme et ce groupe très select imposait à qui souhaitait le rejoindre un rite de passage : poser volontairement la main sur la clôture des chèvres.

En gros, il fallait être prêt à recevoir une petite décharge électrique pour être accepté par ses pairs.

Non seulement je l’ai fait, alors que je déteste prendre le jus au plus haut point, mais en plus, j’ai encouragé d’autres enfants à rejoindre le groupe. 

Depuis, j’ai appris que des gens pouvaient accepter d’en électrocuter d’autres pour se conformer à ce qu’on attendait d’eux. Ça m’a permis de relativiser mon sentiment de culpabilité.

Pour m’intégrer, j’étais prête à me mettre en danger

Quand elle était au lycée, Nadège avais un groupe d’amies assez prudes, réservées, bien sous tous rapports. Et elle a voulu changer de fréquentations :

Je me suis laissée entraînée dans un groupe avec lequel je descendais dans les catacombes en escaladant des murs et je faisais pas mal d’Urbex. Pour quelqu’un qui a peur du vide et qui est claustrophobe, j’étais assez fière de moi.

Ensuite, j’ai commencé à voler dans les magasins, je taguais dans les rues la nuit.

J’ai fréquenté d’autres amis de la bande qui traînaient pratiquement exclusivement le soir donc je faisais beaucoup de nuits blanches, à faire des soirées dans des bois ou à aller dans les garages de métro la nuit. C’est d’ailleurs avec eux que j’ai fumé mes premières cigarettes.

Mes potes proches m’ont vu changer et me l’ont fait remarquer mais je n’y prêtais guère attention. J’aimais bien mener cette double vie, ça avait un côté hyper excitant. Jusqu’au jour où, finalement, j’ai pris du recul.

Je ne voulais pas mal finir, devenir une fumeuse régulière ou finir par être arrêtée, pour des amis que je n’allais plus tellement voir maintenant que le lycée était fini. J’ai réalisé que ce n’était pas fait pour moi et que ça ne m’apportait rien dans ma vie. 

Pour m’intégrer, j’étais prête à renier mes valeurs

Parfois, les concessions faites à notre personnalité dans l’espoir d’être acceptée vont jusqu’à toucher notre intégrité morale.

C’est l’histoire de Marine qui est allée contre son ressenti par peur du regard des autre…

En voyage scolaire en Espagne, j’avais une bande de potes principalement constituée d’adolescents un peu « concons » et les garçons avaient décidé de voler des petits objets pour leurs familles dans les boutiques de souvenirs.

Ils ont fait un magasin, puis deux… puis tout le monde s’y est mis. Alors pour faire comme les autres et ne pas être la « petite intello gentille », je me suis mise à faire de même.

J’ai dû voler deux ou trois trucs insignifiants, comme une salière en forme de cochon. Pour autant, j’ai eu très peur et ça me mettait mal à l’aise du point de vue éthique.

C’était vraiment idiot et je m’en suis voulu longtemps après… 

Pour m’intégrer, j’étais prête à renier mes goûts

La force de cette pression, qu’il est possible de se mettre à soi-même sans l’aide de personne, c’est de pousser les gens à faire des choix complètement contraires à eux-mêmes.

Corentine n’est pas une grande consommatrice d’alcool. Elle a goûté sa première bière à 19 ans, et elle n’aime vraiment pas ça. Sauf que…

Je suis partie en échange scolaire avec un groupe que je ne connaissais pas du tout et je me suis retrouvée à une soirée pour « apprendre à tous se connaître ».

Je me suis sentie obligée de me mettre à boire pour ne pas être « la meuf relou qui ne boit pas ». J’ai bu 2L de bière, j’étais évidemment saoule mais je faisais comme si de rien n’était.

Pendant le retour en bus, je me suis évidemment vomi dessus.

Faire semblant d’aimer un truc qui la dégoutait, c’est aussi l’histoire de Maureen :

Quand j’avais 22 ans, j’ai fait un stage dans une petite agence de communication.

Des groupes d’amis étaient déjà formés et j’avais beaucoup de mal à trouver ma place avec eux. J’ai remarqué qu’ils sortaient souvent fumer pour se parler et débriefer de leur journée.

J’avais la clope facile en soirée mais c’est tout. Afin de faire ami-ami avec eux, je sortais à chaque fois fumer avec eux. Je fumais quand j’en avais pas envie, au point de faire plusieurs pauses clopes par jour juste pour qu’ils m’acceptent et discutent avec moi.

Au final, je me suis rendu compte qu’on avait simplement rien à se dire même pendant ces pauses clope. Du coup, j’ai arrêté de les suivre bêtement.

Pour m’intégrer, j’étais prête à me forcer

Puis, il y a les histoires plus sombres. Celles qui touchent au corps, à l’intégrité physique, à un âge où l’on découvre sa sexualité aussi sous la pression du groupe. 

En 6ème, il y avait une nana qui avait redoublé. Tout le monde la trouvait super cool et clairement badass.

J’ai cherché à entrer dans son cercle d’amis et elle m’a invitée à faire une soirée pyjama chez elle. Son grand kif, c’était d’aller sur les chats en ligne pour chauffer des mecs, s’exhiber et se montrer avec sa cam.

J’ai vu mes premières dick pics à cette période, vers 12 ans. Après cette nuit chez elle, je n’ai plus voulu lui parler. Je me sentais sale et vraiment mal à l’aise en sa présence.

Vouloir s’intégrer implique donc parfois d’accepter des situations gênantes, même si l’on n’y prend pas part directement.

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Dans d’autres cas, comme celui d’Éloïse, c’est le passage à l’action qui laisse des traces :

À 9 ans, je traînais avec un groupe plus âgé en vacances. Ils devaient avoir 11 ou 12 ans.

Comme elles avaient les hormones en folie, les filles avaient envie d’embrasser les garçons donc elles voulaient tout le temps jouer à la bouteille. Alors que moi, je voulais juste échanger mes cartes Pokémon.

Tout le monde trouvait ça drôle et tellement « interdit ». Je me suis assise dans le cercle et j’ai participé au jeu.

Je me suis retrouvée à rouler une pelle à un pré-ado boutonneux de 13 ans muni d’un appareil. C’était mouillé et bien dégueu. J’ai pas voulu recommencer avant plusieurs années.

Avec les années, la pression des pairs demeure et les défis passent à un niveau supérieur, comme le raconte Maude :

J’avais 17 ans, c’était en vacances et je ne connaissais quasiment personne à part l’amie qui m’avait invitée.

J’ai joué à un jeu d’alcool, Action ou Vérité.

J’ai accepté qu’on me fasse des trucs très humiliants, comme simuler une levrette avec un sachet sur la tête, avec un mec que je ne connaissais pas du tout et qui a apparemment trouvé ça très drôle. 

Pour elle, l’expérience n’a pas été agréable mais valait mieux que perdre la face, au risque de passer pour « la meuf coincée »

Une peur du regard des autres à laquelle s’ajoute souvent l’effet désinhibant de l’alcool, le cocktail classique d’un bizutage réussi.

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S’intégrer sans sacrifier son identité, pour des amitiés saines

Dans ces témoignages, la transgression de l’interdit est toujours un moyen de s’affirmer.

Mais comment repérer lorsque cela va trop loin, quand le regard des autres prime sur le respect de soi ?

Les sentiments de culpabilité, de gêne, d’hypocrisie reviennent souvent. Ils sont les meilleurs indicateurs que le jeu va trop loin.

Les histoires partagées ici montrent en tout cas que ces sacrifices volontaires, petits ou grands, ne garantissent jamais de belles amitiés, au contraire…

Pour plaire, nul besoin de renier ses valeurs et sa personnalité, encore moins d’accepter d’être utilisée ou humiliée.

Être accepté·e sincèrement, avec nos préférences et nos limites, c’est quand même plus sympa, non ?

Dans le film d’Elsa Diringer, Luna va apprendre à s’affirmer telle qu’elle est pour se détacher de sa bande peu bienveillante. Mais il est peut-être déjà trop tard…

Je te laisse sur ce suspense insoutenable et je te souhaite de belles rencontres avec des gens que tu n’auras pas besoin d’impressionner ou de tromper pour qu’ils t’aiment.

Car t’es déjà géniale bb !

Et vous, vous êtes allé·es jusqu’où pour être accepté•e par un ami ou dans un groupe ?

À lire aussi : Et si vous faisiez du tri dans vos amis ?

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Les Commentaires

14
Avatar de OxsanaBCN
13 avril 2018 à 17h04
OxsanaBCN
Je trouve vraiment cet article super intéressant, je pense que la plupart des personnes a du passer par ce genre de phase pour se faire mieux accepter. C'est souvent la facilité et notre personnalité n'est pas encore totalement formé ou tout du moins pas encore assumé.
J'ai pour ma part fait semblant d'aimer les chevaux, écouter skyrock, mettre des vêtements de marques alors que mes parents n'avaient pas forcément les moyens, essayer de trainer avec les gens "cool" tout ça pour des amitiés super nul car elle ne reposait même pas sur de la franchise, je n'ai gardé aucun contact des personnes de mon collége. Faire semblant d'apprécier des choses ou de faire des choses pour s'intégrer dure quand même assez longtemps, perso j'ai du encore le faire pendant les années fac.
Mais maintenant je sais ce que je veux, je préfère regarder Netflix que sortir en boite jusqu'à 5h du matin, trainer dans mon lit à ne rien faire, passer mon dimanche après-midi à cuisiner alors qu'il fait beau dehors etc... Je suis quand même plus à l'aise maintenant et le peu de personne que je peux compter comme amis savent très bien comment je fonctionne tout comme je sais comment ils fonctionnent, et oui nous n'avons pas forcément autant de " points communs" que les fausses amitiés de la periode enfance et adolescente mais les amitiés sont vraies
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